Kawe HUNTER, témoignage émouvant d’une jeune malvoyante polynésienne

Malvoyante de naissance, Kawe Hunter a dû affronter le rejet des autres et la solitude durant son enfance. Elle étudie aujourd’hui la kinésithérapie en France afin d’en faire son métier. Courageuse, la jeune polynésienne se livre à Femmes de Polynésie pour nous raconter son parcours et son enfance difficile.  

UNE RÉTINOPATHIE DIAGNOSTIQUÉE APRÈS SA NAISSANCE

Quelques mois après la naissance de Kawe, les médecins lui diagnostiquent une rétinopathie. C’est une maladie de la rétine où la membrane transparente au fond de l’œil peut affecter la vue ou rendre aveugle.

« C’est une maladie génétique et dégénérative qui fait que je suis sensible à la lumière. Je ne vois pas très bien les reliefs. Je ferme beaucoup les yeux lorsqu’il y a de la lumière. Bien que des recherches soient faites dans un institut en France, cette maladie est encore incurable aujourd’hui. C’est lorsqu’on m’a évasanée en France pour des problèmes de vue que mes parents ont découvert que j’étais affectée par cette maladie. J’ai alors enchainé les séances avec un ophtalmologue. Si on me demande par exemple de noter ma vue sur une chose précise, je donne la note de 1 sur 10.  »

SES MEILLEURS SOUVENIRS AVEC DES ENFANTS EN SITUATION D’HANDICAP

En parallèle de sa scolarité et jusqu’en classe de sixième, Kawe se rend une fois par semaine au CEDOP (Centre d’Education de l’Ouie et de la Parole), un établissement spécialisé pour les enfants en situation de handicap. C’est là qu’elle arrive à se faire des amis, chose qui n’est pas évidente à l’école primaire.

« Au CEDOP, on nous enseigne des choses basiques comme la cuisine. On apprend aussi à être autonome vis à vis de notre maladie. Je pense que j’ai vécu la meilleure partie de ma vie là-bas. A l’école, j’avais des difficultés à trouver des amis pendant les récréations. Je voyais bien que tout le monde était pareil sauf moi. Lorsque j’étais au CEDOP, il n’y avait plus de différences entre les autres et moi. Je jouais avec des enfants muets, sourds…  »

REJETÉE AU COLLÈGE

Les choses se compliquent lorsqu’elle poursuit sa scolarité au collège Sacré Cœur de Taravao.  

« Au collège, je suis devenue très solitaire. Pendant les récréations, je ne pouvais pas participer aux jeux comme les autres élèves. J’adorais le football mais les autres m’interdisaient toujours de jouer au ballon. Je n’aimais pas parler de ces interdictions. J’avais une amie proche en sixième. Elle a finalement demandé à notre délégué de classe de me dire qu’elle ne voulait plus passer de temps avec moi..  »

S’ÉVADER EN DESSINANT DES CHOSES QU’ELLE NE VOIE PAS

Kawe se rend alors à la bibliothèque pour s’isoler la majeure partie du temps. C’est notamment là qu’elle passe son temps à dessiner.

« Mes parents trouvent que mon attirance pour le dessin à l’école maternelle est restée intacte jusqu’à aujourd’hui. J’avais juste des idées en tête. J’imaginais beaucoup le monde en fait. J’avais envie de dessiner les choses que je ne voyais pas. Je dessinais beaucoup de mangas ainsi que des paysages avec des cascades, des montagnes, des cocotiers, des bords de mer, … Je passais donc mon temps à dessiner à l’époque. Il a d’ailleurs été écrit une fois dans mon carnet scolaire que je rêvais trop.  »

PRÉOCCUPÉE PAR DES QUESTIONS EXISTENTIELLES

La jeune vahine se rappelle sa classe de troisième comme l’un de ses meilleurs souvenirs. C’était l’année où elle s’était faite le plus d’amis. Elle se retrouve malheureusement une nouvelle fois isolée en intégrant le lycée Sacré-Cœur de Taravao.

« Je me suis retrouvée avec des gens avec qui je ne parlais pas. C’était souvent dû au fait de ne pas avoir les mêmes centres d’intérêts et les mêmes inquiétudes que les autres. En gros, je me posais des questions existentielles. Je me demandais par exemple si j’allais perdre la vie le lendemain ou ce que je ferais si je perdais la vue. Je me projetais aussi sur mon avenir professionnel en me demandant si j’allais pouvoir trouver du travail plus tard.  »

L’ÉPANOUISSEMENT À L’UNIVERSITÉ

Bien qu’elle avoue ne pas avoir été une grande bosseuse, Kawe décroche un baccalauréat scientifique en 2017 et décide ensuite de poursuivre en licence Sciences de la Vie et de la Terre à l’Université de la Polynésie Française. C’était aussi l’occasion pour elle d’étudier dans un nouvel établissement et de rencontrer de nouvelles personnes.

« La seule difficulté que j’avais à la fac était de travailler au laboratoire. Il m’était difficile par exemple de lire une mesure sur une éprouvette graduée. A part ça, j’avais beaucoup d’amis. Dès le premier jour, j’ai eu envie de connaitre tout le monde dans la classe. J’avais un logement dans le campus de l’université. »

EXERCER LE MÉTIER DE KINÉSITHÉRAPEUTE

Après l’obtention de son diplôme en 2021, Kawe prend une année sabbatique puis s’envole en l’hexagone pour étudier la kinésithérapie, choix qui s’explique par la possibilité de continuer à exercer cette profession si elle venait à perdre totalement la vue. Elle souhaite se spécialiser plus tard dans la kinésithérapie pédiatrique ou dans le sport de haut niveau puis revenir travailler au fenua. 

Malgré une enfance difficile, Kawe a toujours été soutenue par sa famille et ses proches. Parmi ses meilleurs souvenirs d’enfance, elle retiendra les très bons moments passés à l’école avec ses deux meilleures amies : Poehere Faveau et Hanaley Natua. 

©Photos : Kawe Hunter pour Femmes de Polynésie

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