Originaire de Teavaro, Marcel Suhas est actuellement le président du club canin de Moorea Piihoromai et également moniteur diplômé. Il éduque ses chiens depuis plusieurs années pour les préparer à des compétitions canines locales et forme également, en tant que moniteur, d’autres chiens pour des besoins spécifiques tels que la protection d’un propriétaire (de chien) ou plus récemment la formation d’un chien renifleur pour la préservation de nos oiseaux endémiques contre les rats noirs. Marcel se confie à Hommes de Polynésie pour expliquer son engagement et partager son amour envers nos animaux de compagnie.
SES DÉBUTS EN ÉDUQUANT DES CHIENS RAMASSÉS AU DÉPOTOIR DE TEMAE
Marcel Suhas s’est vraiment rapproché des chiens le jour ou ses mo’otua ont mené à la maison des chiots abandonnés au dépotoir de Temae. Il en donne quelques-uns à ses proches et en garde deux, qu’il nomme Bijou et Boule, pour sa fille. Lassée par le fait que ses deux chiens ne cessent de ramener des déchets de l’extérieur sur son terrain la femme de Marcel lui demande alors d’enseigner à Boule et à Bijou à ramasser tous ces déchets et de les mettre à la poubelle.
« C’est à partir de là que j’ai commencé à éduquer des chiens. Je leur enseignais chaque matin et chaque fin d’après-midi à ramasser des ordures. Ma fille disait que le fait que je parle aux chiens montrait que je devenais fou avec l’âge. J’ai finalement réussi. Par la suite, Bijou et Boule venaient aussi sur mes chantiers de bâtiment (il était entrepreneur en bâtiment). Je leur demandais d’aller chercher des outils comme le marteau ou la scie. Ils m’écoutaient sans problème. Ils portaient aussi mes paniers de mangues quand j’allais en cueillir dans la vallée ou mes sacs quand j’allais faire mes courses au magasin. »
SON CHIEN BOULE DÉSIGNÉ COMME LE CHIEN LE PLUS OBÉISSANT DE FRANCE EN 2012
Encore inconnu jusqu’alors dans le dressage de chiens, Marcel participe pour la première fois à une journée de démonstration de chiens à Teavaro, toujours avec Boule et Bijou. Marcel et ses chiens sont acclamés par le public. Il rejoint ensuite le club canin de Moorea, dont il est le président aujourd’hui, et commence à gagner différents prix lors des compétitions locales. En 2012, il participe avec ses chiens à une enquête nationale intitulée « Groupe de travail obéissance », menée en France et dans les territoires d’Outre-mer. Sur 178 chiens participants, Boule est désigné comme le chien le plus obéissant tandis que Bijou se classe à la cinquième place. Un autre chien éduqué par Marcel se hisse à la sixième place.
« Lors de cette démonstration à Teavaro, les autres participants avaient des chiens de races comme des pit-bulls. On me disait que je gaspillais la nourriture en la donnant à mes chiens « dépotoirs ». Je leur ai finalement donné tort. C’est aussi lors de cette enquête en 2012 qu’on avait reconnu qu’il y avait de bons chiens compétiteurs à Tahiti. À mon avis, il n’y a pas de mauvais chiens. Ils sont tous bons. Le problème vient des propriétaires et de leur manière d’éduquer. »
« IL N’Y A PAS UN SEUL CHIEN QUI N’ÉCOUTE PAS »
Marcel suit également plusieurs formations en matière d’éducation canine au fil des années. Il est aujourd’hui moniteur au club canin de Moorea.
« Au début, j’ai été surpris de voir que les chiens m’obéissent. On pense que les chiens ne nous comprennent pas, alors qu’ils enregistrent tout ce que l’on fait. Les gens qui viennent au club me disent que leur chien ne les écoute pas. Quand ils me disent qu’ils lui ont demandé deux ou trois fois certaines choses, je leur réponds qu’il faut répéter 1000 fois. Il n’y a pas un seul chien qui n’écoute pas. C’est plutôt ta manière d’éduquer du propriétaire qui pose un problème. Tous mes chiens, même des pit-bulls, m’ont toujours écouté. »
CONSIDÉRER SES CHIENS COMME SES ENFANTS
Marcel a dû supporter la douleur du décès de Bijou, en 2014, et de Boule, en 2015, après que les deux animaux aient été terrassés par la maladie.
« Les vétérinaires se sont demandés pourquoi j’ai pleuré lors du décès de mes chiens. Quand un de mes chiens meurt, c’est comme si c’était un de mes enfants qui perdait la vie. Lorsque j’adopte un chien, je ne le considère plus comme un animal, mais comme mon enfant. Lorsque j’éduque un chien, c’est comme si j’éduquais également mon enfant. »
ATTRISTÉ PAR LA MALTRAITANCE ANIMALE
Avec cet amour inconditionnel pour les animaux, Marcel n’est évidemment pas insensible à la maltraitance animale, surtout à l’heure où les chiots sont constamment abandonnés et où les chiens errants se promènent partout.
« Les chiots sont très beaux. Ils ne sont malheureusement plus nourris quand ils grandissent et doivent chercher eux-mêmes leur nourriture. Les propriétaires ont du mal à les prendre en charge. Tu vois souvent aussi des chiens attachés à des poteaux. Pensez-vous que vous apprécieriez d’être à leur place ? Il existe de nombreux moyens aujourd’hui. Il y a par exemple des aides pour stériliser votre chienne. Sinon, certains auront trop de chiens à la maison qui n’écouteront plus. Ça peut poser des problèmes. »
L’AMOUR SANS LIMITES D’UN CHIEN ENVERS SON PROPRIÉTAIRE
Pour conclure, Marcel appelle donc la population à chérir leur animal de compagnie.
« Si vous voulez adopter des animaux, il faut les aimer et bien les dresser. Si tu enfermes ta femme pendant deux jours sans la nourrir, elle va soit s’en aller soit te chasser de la maison. Si par contre, tu fais la même chose à ton chien, il va toujours montrer qu’il t’aime au bout des deux jours. Contrairement aux humains, l’amour d’un chien envers son propriétaire est sans limites. C’est cela qui me donne de la force pour les adopter et les éduquer. »
©Photos : Toatane RURUA pour Hommes de Polynésie