C’est sur la côte ouest de l’île de Tahiti, que se déroule notre entrevue. Hommes de Polynésie vous invite à rencontrer Rino Cavallo, chef de service de la restauration scolaire de la commune de Paea et formateur dans le domaine de la restauration scolaire pour la fonction communale de Polynésie française.
Une passion pour la cuisine
Rino Cavallo nourrit une véritable passion pour la cuisine. Boulanger-pâtissier de formation, il a exercé dans ce domaine pendant près d’une vingtaine d’années.
« J’ai été chef-pâtissier dans l’hôtellerie pendant dix ans, puis j’ai travaillé dans la grande distribution pendant neuf ans. »
C’est en 2020 qu’il répond à une candidature de chef de la restauration scolaire à la commune de TEVA I UTA dont le Maire est Tearii Alpha, alors ministre de l’Agriculture, pour mettre en place l’introduction de produits locaux dans les menus des cantines scolaires.
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« L’idée était de mettre en place un projet pilote dans la commune. »
Ce projet répond à une volonté gouvernementale : intégrer des produits locaux dans les repas des enfants. En 2022, en effet, le Pays vote une loi du pays pour la promotion des produits locaux dans la restauration scolaire du premier et du second degré.
« C’est une loi incitative, pas répressive. C’est la volonté de tout être humain d’avoir de la qualité dans son assiette. »
Répondre à un besoin
C’est ainsi que Rino fait ses premiers pas dans la fonction publique, en devenant chef du service de restauration scolaire de la commune de Teva I Uta, avant de prendre la tête du service de la restauration scolaire de Paea.
« Sur Teva I Uta, j’avais mis en place des méthodes de travail, et il était pertinent de voir si un copier/coller était faisable ou pas. Il fallait donc sortir de ma zone de confort, pour pouvoir être efficace dans le partage d’expérience avec les autres communes »
Un défi de taille l’attend, car tout est à construire pour mener à bien cette mission.
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« D’abord, il fallait analyser les éléments freins dans ce projet ainsi que les éléments moteurs. Il n’existait pas vraiment de filière pour rendre cette loi accessible à toutes les communes. Il fallait donc mettre en place des outils de travail pour orienter les objectifs. C’était mon rôle. »
Face à de nombreux dilemmes, Rino pose des questions cruciales aux parties concernées.
« Cette loi fût très discutée, du fait que les filières d’approvisionnement n’étaient pas en place, tandis que d’un autre côté, on impose une loi aux communes. Pour ma part, je pense qu’il fallait s’approprier cette loi. Êtes-vous capables de définir les quantités de produits locaux présent dans les menus de chaque commune, faire un point de situation, en fonctions des améliorations visées (produits vivriers, fruits…), faire un sourcing : où trouver ces produits ? Comment s’approvisionner de façon pérenne conformément aux règles de commandes publiques ? On peut mettre en avant le cahier des charges. Par exemple, les circuits courts peuvent être valorisés dans le cahier des charges. »
Proposer des solutions innovantes
Rino travaille en collaboration avec la direction de l’agriculture, la chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire, le syndicat pour la promotion des communes en Polynésie française, la direction de la santé, le centre de gestion et de formation des communes, le personnel enseignant du premier degré ainsi que les associations des parents d’élèves. Une coopération des divers acteurs pouvant pallier les embûches rencontrées.
« Il faut décloisonner les services pour pouvoir travailler ensemble, pour répondre à nos besoins et nos problématiques. »
Le guide nutritionnel prônant des habitudes de vie saines, Rino prend en compte tous les aspects, y compris le gaspillage alimentaire.
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« J’ai développé une stratégie, en trouvant un fournisseur privé. L’objectif, c’est de connaître nos besoins sur un an, et d’établir les menus à l’année pour ajuster et prévoir les récoltes, ni plus ni moins. »
Développer le bien-être alimentaire
Conscient de cette réalité, Rino adapte les menus établis à l’aide d’un plan alimentaire afin qu’ils répondent aux besoins spécifiques des communes.
« La commune de Papeete ne va pas avoir les mêmes menus que celle de Rangiroa. Ces menus se déclinent en fonction des particularités du terrain, du goût des enfants et des moyens techniques de production et des capacités d’approvisionnement. »
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Ainsi, en fonction des particularités de chacun, il est possible d’établir des menus à l’année pour chaque cantine.
« L’humain et la conception des repas, c’est ma technicité. »
Éduquer par la nourriture
Enfin, tous les enfants ne mangent pas de tout. C’est pourquoi Rino met en place un système d’évaluation (l’étude du gaspillage alimentaire) de la consommation des aliments locaux dans les plats qui leur sont servis.
« L’idée est de réutiliser les menus que les enfants affectionnent pour y incorporer des produits locaux. »
Le chef de service met également en place des cours de cuisine, de la petite section de maternelle jusqu’à la fin de l’élémentaire.
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« L’idée est de travailler ces produits locaux dans des recettes que les enfants apprécient et qu’ils préparent eux-mêmes. »
De cette manière, cela leur permet de s’habituer à de nouveaux goûts, tout en découvrant le plaisir de cuisiner.
« Travailler l’accoutumance… Les enfants vont retrouver les mêmes goûts et les techniciens vont se perfectionner dans la réalisation de ces plats. »
De la graine à l’assiette
En commençant par les écoles de Teva I Uta, Rino Cavallo collabore avec le personnel enseignant à travers des potagers éducatifs.
« Planter une graine, cultiver l’aliment, le consommer, utiliser les déchets alimentaires pour faire du compostage, utiliser ce compost pour faire pousser les graines et perpétuer ainsi ce cercle vertueux. »
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Selon lui, c’est un plan sur le long terme auquel il faut réfléchir localement.
« Il faut préparer les consommateurs de demain. Nous pourrions perfectionner nos systèmes d’approvisionnement, mais sans sensibiliser les consommateurs de demain, nous ne ferions que créer une offre sans assurer la demande. Acheter du local, c’est bien. Le consommer, c’est mieux ! »
Former au sein de la fonction publique
En tant que chef de service, Rino forme les acteurs de la restauration scolaire, pour le compte du CGF.
« L’objectif est de former les agents afin qu’ils répondent au mieux aux besoins des enfants. Je débute toujours mes formations en soulignant que notre mission première est, le service public. »
Le repas, un moment agréable
Rino réfléchit aussi à l’expérience des enfants pendant le repas.
« Ce qui me manquait comme maillon dans la mise en place de ce guide nutritionnel, c’est la consommation de ces produits locaux. Comment et dans quel contexte les enfants mangent-ils ? »
Un questionnement qui semble tarauder notre homme… Pour améliorer les conditions des enfants, il a décidé d’inclure les familles dans son programme lors de journées portes ouvertes, afin de non seulement créer un lien de proximité, mais également de recueillir leurs avis.
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« Une fois par mois, les parents ont l’occasion de venir manger avec leurs enfants, voir comment se passe le déjeuner, ce qui se trouve dans leur assiette.»
Collaborer pour réussir
Pour Rino Cavallo, c’est en collaborant que nos objectifs verront le jour. Ministères, instituteurs, cantiniers, animateurs et parents, tout le monde est concerné et doit travailler main dans la main pour garantir le bien-être alimentaire de la jeunesse.
« Plus on décloisonne, plus on comprend le rôle de chacun et ce qu’ils font. Tout prend alors une autre dimension. »
©Photos : Cartouche et Rino Cavallo pour Hommes de Polynésie