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Teraitua Yvon, entre réalisme, poésie et sketching

Dès qu’il a un moment, il se pose, sort son carnet, un crayon ou des pastels, et se met à dessiner. La nature, un geste, une attitude… Teraitua Yvon a cette passion depuis tout petit, mais ce n’est que maintenant, à l’âge adulte, qu’il l’exprime pleinement. Il livre ses œuvres poétiques et captivantes lors d’une exposition collective qui se déroulera jusqu’au 31 octobre à la Galerie Au Chevalet, aux côtés des artistes Peka17 et Moya.

Une œuvre dessinée sur le vif possède une qualité unique, une dynamique que la photo ne peut saisir. Là où la photographie capture un instant figé, le dessin restitue une succession de moments, presque superposés, qui donnent vie à la scène. C’est la magie du sketching, et c’est précisément ce que Teraitua Yvon cherche à transcrire dans ses croquis.

« Dans mon art du sketching, l’objectif est de saisir ces micro-instants qui s’enchaînent, créant une impression de vie. Je me balade toujours avec mes outils : aquarelle, crayons, carrés Conté, mines de plomb, feutres, et pinceaux aquarelle. »

En plus du sketching, Teraitua réalise des œuvres plus approfondies et intimes, notamment des portraits de ses proches, sa femme et ses deux enfants.

Il aime expérimenter et combiner différentes techniques pour avoir des rendus intéressants, créant une interaction entre le visuel et le narratif. Les textes déchirés et collés sont une nouveauté et ne sont jamais choisis à la légère : des paroles du groupe de rock Linkin Park, qui évoque le temps pour le triptyque aux hibiscus, ou un texte de Pierre Loti décrivant Rarahu et sa triste évolution. Pour Teraitua, amateur de livres, les mots traduisent les maux, les souvenirs et les émotions.

« Je suis quelqu’un de très observateur, et j’aime le réalisme. Je suis prof de biologie de formation, et j’aime observer et dessiner ce qui est ressemblant. J’aime rentrer dans le détail, quand les ombres et les couleurs sont bien posées au bon endroit. »

”À l’occasion de l’exposition collective à la Galerie Au Chevalet, j’ai choisi de finaliser des œuvres inachevées. Parmi elles, un triptyque d’hibiscus qui illustre le passage du temps : la fleur s’ouvre le matin et se referme le soir, symbolisant l’éphémère avec des phrases extraites d’un album de Linkin Park.”

« J’ai toujours aimé dessiner, mais mes parents, agriculteurs et d’origine modeste, n’ont pas vraiment pu m’encourager dans cette voie, bien qu’ils aient toujours voulu le meilleur pour moi. J’avais toujours ce complexe de me dire que je n’avais pas pu apprendre l’art comme j’aurais aimé. Au final, cela fait dix ans que je prends des cours au Conservatoire, grâce à ma femme qui m’a forcé à m’inscrire et à dépasser mes inhibitions.»

Pour lui, peindre est une façon de se libérer. Au Conservatoire, il aborde différentes techniques et thématiques : des dessins d’après nature, des nus…, dans une démarche personnelle où chacun peut exprimer son identité artistique.

« J’aime autant dessiner des personnes, avec toute la complexité de leur mouvement, que des objets statiques comme ces tiki, qui ont pourtant une forte présence et des histoires à raconter. Pour les couleurs, je ne suis pas forcément dans du figuratif. Je prends ce que j’ai sous la main pour retranscrire ce que je ressens, laisser libre cours à mon inconscient. »

“Ces tiki en bois sont nos compagnons de classe. J’ai essayé de retranscrire cet effet de pierre à l’arrière. J’aime beaucoup jouer avec les superpositions et les transparences.”

Teraitua a passé une partie de son enfance au Fenua Aihere, côté Teahupoo, et devait prendre le bateau pour aller à l’école, ainsi qu’à Faa’a chez ses grands-parents. Après son bac, il intègre l’UPF pour des études de biologie, puis poursuit une maitrise à Montpellier pour devenir enseignant et de passer le Capes. De retour à Tahiti, il choisit d’enseigner dans les quartiers prioritaires, au collège Henri Hiro de Faa’a et organise des sorties éducatives pour faire découvrir à ses élèves la biodiversité et partager son amour pour l’environnement.

« J’ai emmené mes élèves plusieurs années au Fenua Aihere, là où j’ai grandi. Parce que je me suis dit que c’était un bon moyen d’apprendre. Chaque élève avait un arbre attribué. Il devait en montrer toutes les parties et en faire la description botanique… »

Après quinze ans d’enseignement, Teraitua est muté au lycée du Diadème – Te Tara O Maiao à Pirae et se voit aussi proposer la possibilité de donner des cours aux futurs professeurs à l’INSPE de Polynésie Française.

« Dans ce contexte professionnel assez rigoureux. On va dire que la partie artistique, c’est ma bouffée d’oxygène de la semaine. C’est ça qui me permet d’avoir un équilibre en fait.” »

Son matériel pour une séance de sketching

Aujourd’hui, l’artiste a envie d’explorer de nouveaux supports, des matériaux plus naturels, comme le tapa, pour y apporter quelque chose de “dissonant”, tout en restant ancré dans l’authenticité. D’un naturel pudique et réservé, Teraitua préfère laisser les autres se mettre en avant plutôt que de parler de lui-même.

« Le paradoxe d’être artiste, c’est que tu es obligé de t’exposer, de montrer et d’assumer cette forme d’orgueil, entre guillemets, d’artiste. Je me dis que, peut-être, il est temps… »

Bonne nouvelle, Teraitua Yvon, artiste aux peintures d’inspiration polynésiennes pleines de couleurs, de tendresses et de messages, sent que le moment est venu de franchir ce pas, de se dévoiler et d’embrasser pleinement son chemin artistique. L’exposition collective à la Galerie Au chevalet est l’occasion idéale pour partir à sa rencontre.

©Photos : Cl Augereau pour Hommes de Polynésie

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