Torrra, cultivateur de projets

Tereora Chung-Tehio, dit Torrra, tahitien expatrié dans l’Hexagone, a l’esprit du voyageur. Hommes de Polynésie est allé à la rencontre de ce jeune créatif qui s’adonne au dessin, à la photo et au tatouage, inspiré par le monde.

Tereora Chung-Tehio naît et grandit à Papeete. Enfant, il se réfugie dans l’élaboration de son propre monde, bruyant d’images et silencieux pour ceux qui l’entourent.

« Je dessine depuis toujours. Je me suis rendu compte, en arrivant au lycée, que je voulais faire autre chose qu’une filière générale. »

Crédit : Torrra

N’étant pas intéressé par le parcours scolaire classique, il se dirige vers une filière STD2A1 au lycée Raapoto, un choix plus artistique qui lui correspond mieux. Lorsqu’il obtient son bac en 2013, il doit penser à son avenir. 

« Plusieurs possibilités se présentaient à moi pour faire les grandes écoles : la Nouvelle-Zélande, le Canada, les États-Unis… Je viens d’une famille modeste donc, la France, c’était le plus simple me concernant. Il y a des aides pour les billets d’avion, la bourse… »

 Le jeune homme décide alors de passer un an au conservatoire de Papeete, en arts-plastiques.

En 2014, il s’envole pour l’Hexagone où il rejoint une école de graphisme à Angoulême.

« Tu es dans une ville à échelle humaine ; pourtant, il y a énormément de choses à voir, un paysage culturel et artistique immense. »

Crédit : Torrra

S’adaptant rapidement à cette nouvelle vie, il réalise l’opportunité que lui offre ce changement d’environnement.

« Être en France, ça permet de découvrir plein de cultures différentes, que ce soit en voyageant à travers le pays ou en Europe. »

Pour Tereora, c’est la première fois qu’il s’aventure aussi loin des lagons de la Polynésie, et il y prend goût.

« Mon projet principal, c’est de voyager. C’est très important pour moi d’aller à la rencontre des gens, des pays, des cultures. J’ai faim de ça. »

Crédit : Torrra

Sa créativité se nourrit de changement. Une des expériences qui le marque, c’est le festival de la bande dessinée, un événement où auteurs, dessinateurs et férus de BD se retrouvent pour échanger et apprendre les uns des autres.

« Ce qui m’a plu, c’est la rencontre avec plein de gens dans tout ce qui touche à l’image. »

De périples en voyages, le voici au Maroc, avec sa compagne. Un van comme habitation mobile et du pays à perte de vue.

            « Par chance, j’ai fait tomber mon téléphone dans l’eau. Je n’avais donc plus d’écran devant les yeux pour m’occuper. Je suis quelqu’un qui s’ennuie vite. Je me suis laissé inspirer par le temps qui passe, ce que j’observais : les paysages, les rencontres… »

Au cours de cette pérégrination, il rédige son premier conte, intitulé Le Loup et le Kappa.

Crédit : Torrra

« Ce que j’aime dans la création d’images, c’est raconter une histoire. »

Le dessinateur devient alors conteur, faiseur de légendes.

Artiste pluridisciplinaire, Torrra aime l’expérimentation. Attiré par l’image, il s’offre un appareil photo argentique.

Crédit : Torrra

« La photo, pour moi, c’est se balader. Tu es obligé de sortir de chez toi pour pratiquer. Ce que j’aime, c’est l’instant. »

Il se passionne pour ce médium inédit et investit dans du matériel.

« L’argentique, c’est que des contraintes. Tu dois faire avec, connaître ton matériel… Il y a un goût de challenge. »

Crédit : Torrra
Crédit : Torrra

Au cours d’un été austral où il rend visite à sa famille et ses amis à Tahiti, il utilise une dizaine de pellicules en seulement deux mois. Il doit patienter et rentrer en métropole pour enfin visualiser le fruit de son travail.

« C’est génial de devoir attendre de découvrir ce que toi-même tu as pris en photo. »

« Artiste, c’est un grand mot, un terme valise. Je pratique plusieurs formes d’art, je suis un créatif, ça me suffit. »

En plus de la photographie, du dessin et de l’écriture, Tereora Chung-Tehio pratique le tatouage.

« J’apprends seul. C’est un rythme plus lent que si j’étais apprenti au salon, mais ça me plaît ainsi. »

Il s’expérimente sur la peau des personnes qui lui accordent leur confiance.

Crédit : Torrra

« Je ne tatoue pas du polynésien. Je n’ai pas l’impression qu’on m’ait transmis ce truc, je ne me sens pas légitime. Je tatoue ce que j’aime dessiner, tout simplement. Il y a des jeunes de ma génération qui, eux, transmettent les traditions. Je les admire beaucoup. »

Les moyens de transmissions divers et variés, dont il s’accapare les techniques, occupent une grande partie de son temps. L’esprit divague et cherche toujours des aptitudes à acquérir, des récits à raconter.

« Je cultive les projets. »

Mais ce à quoi Tereora aspire le plus profondément, c’est l’échange.

Crédit : Torrra

« Ce que j’aimerais faire avant tout, ce sont des projets collectifs. J’adore le partage de disciplines. »

©Photos : Torrra pour Hommes de Polynésie

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