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Michel Barnier, nouveau Premier ministre, promet « ruptures » et « changements »

Crédit : Thomas SAMSON / AFP

« Il s’agira de répondre, autant que nous le pourrons, aux défis, aux colères, aux souffrances, au sentiment d’abandon, d’injustice », a déclaré l’ex-commissaire européen de droite, 73 ans, soulignant le « besoin d’unité et d’apaisement », lors de la passation de pouvoirs avec Gabriel Attal à Matignon.

Répondant à son prédécesseur, il a assuré que l’école resterait « la priorité », citant également la sécurité, l’immigration, le travail et le pouvoir d’achat, autant de questions sur lesquelles il est attendu par le Rassemblement national. 

S’il a promis de reprendre des « tas de projets en suspens » depuis la dissolution surprise de l’Assemblée par Emmanuel Macron, il a aussi marqué sa volonté d’imprimer sa marque en apportant sa « propre valeur ajoutée ».

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« Nous allons davantage agir que parler pour trouver partout les solutions qui marchent », a-t-il assuré, dans une critique voilée de son prédécesseur et du chef de l’État.

« On attend d’un Premier ministre qu’il dise la vérité sur la dette financière et la dette écologique », a-t-il notamment pointé, alors qu’il va devoir s’atteler de toute urgence au budget 2025 et rassurer des partenaires européens inquiets de la dérive des finances publiques.

Soixante jours après le second tour des législatives, qui n’ont débouché sur aucune majorité claire, le choix d’Emmanuel Macron s’est finalement arrêté sur son nom, après de multiples tergiversations, suscitant aussitôt la réprobation de la gauche qui a dénoncé un « quitus » du RN, le parti de Marine Le Pen n’ayant pas agité la menace d’une censure immédiate.

« Stabilité »

Michel Barnier devient le plus vieux Premier ministre de la Ve République, succédant ainsi au plus jeune Gabriel Attal, 35 ans, qui avait été nommé en janvier seulement.

Le nouveau Premier ministre, qui sera soutenu par le camp présidentiel et le parti Les Républicains dont il est issu, mais sans majorité, va devoir tenter de former un gouvernement susceptible de survivre à une censure parlementaire, pour mettre fin à la plus grave crise politique depuis 1958.

Le président « l’a chargé de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français », a déclaré l’Élysée dans un communiqué. Emmanuel Macron « s’est assuré que le Premier ministre et le gouvernement à venir réuniraient les conditions pour être les plus stables possibles », a ajouté la présidence.

Avant d’opter pour Michel Barnier, le chef de l’État, avait épuisé plusieurs autres cartouches, de Bernard Cazeneuve à gauche à Xavier Bertrand à droite, en passant par le président du Conseil économique, social et environnemental Thierry Beaudet.

Le nouveau Premier ministre, qui fut aussi candidat malheureux à la primaire de LR en vue de la présidentielle de 2022, hérite d’une tâche aux allures de mission impossible, tant aucune coalition viable n’a jusqu’ici émergé.

Prenant acte de la situation, il a promis de faire montre de « respect à l’égard de toutes les forces politiques représentées », un signal en direction du RN et de ses 11 millions d’électeurs.

Michel Barnier devrait réunir 235 sièges avec le bloc central (166 sièges), les LR (47) et le groupe centriste Liot (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires, 22), loin de la majorité absolue (289). En face, le RN et ses alliés alignent 142 sièges et l’alliance de gauche Nouveau front populaire (NFP) 193 sièges.

Vieux routier de la politique, le nouveau Premier ministre est réputé bon médiateur: il a été le négociateur en chef de l’Union européenne pour le Brexit lorsque le Royaume-Uni a quitté le bloc continental. Avant cela, il a été ministre à plusieurs reprises depuis 1993, notamment sous les présidences de Jacques Chirac (Affaires étrangères et européennes) et de Nicolas Sarkozy (Agriculture).

Plus récemment, lorsqu’il lorgnait l’Elysée, ce gaulliste centriste avait durci son discours sur l’immigration, prônant un « moratoire » et allant, lui l’Européen convaincu, jusqu’à remettre en cause la Cour européenne de justice au nom de la « souveraineté juridique ».

« Déni démocratique »

Mais il est attendu de tous côtés. A gauche, le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon a aussitôt dénoncé une « élection volée aux Français », assurant que Michel Barnier avait été nommé « avec la permission et peut être sur la suggestion du Rassemblement national » et appelant à la « mobilisation la plus puissante possible » samedi lors d’une manifestation anti-Macron.

Le RN a « donné une forme de quitus » à la nomination de Barnier, a abondé François Hollande.

Le patron des socialistes Olivier Faure a crié à « la crise de régime » et au « déni démocratique porté à son apogée » avec « un Premier ministre issu du parti qui est arrivé en 4e position et qui n’a même pas participé au front républicain » contre le RN. 

Le parti de Marine Le Pen, qui peut à tout moment faire tomber le futur gouvernement en votant une motion de censure qui serait déposée par la gauche, est resté pour sa part plus circonspect. Il « jugera sur pièces son discours de politique générale », a déclaré le président du parti, Jordan Bardella.

Le dirigeant LR Laurent Wauquiez a jugé pour sa part que Michel Barnier avait « tous les atouts pour réussir dans cette difficile mission qui lui est confiée ».

Venu d’une droite pro-européenne et jugée « pragmatique », Michel Barnier a souvent été considéré « Macron-compatible ».

« L’odeur de cohabitation » que l’entourage d’Emmanuel Macron recherchait pour incarner une forme d’alternance, ne sera peut-être pas la plus enivrante avec sa personne, et on avançait plutôt jeudi dans l’entourage présidentiel le terme de « coexistence exigeante ». En effet, les macronistes resteront une composante de la nouvelle coalition.

Pour nombre d’entre eux, qui ont dû se résigner à son choix, Michel Barnier apparaît finalement comme le plus petit dénominateur commun et vu son âge, il ne devrait pas effrayer tous ceux qui rêvent de briguer l’Élysée en 2027.

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