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Municipales à Paris : le candidat macroniste Benjamin Griveaux se retire après la diffusion d’une vidéo intime

Crédit : Lionel BONAVENTURE / AFP

L’air grave, Benjamin Griveaux a annoncé en début de matinée qu’il avait « décidé de retirer (sa) candidature » au scrutin des 15 et 22 mars. « Cette décision me coûte mais mes priorités sont très claires. C’est d’abord ma famille, vous l’aurez compris », a expliqué le candidat de La République en Marche dans cette déclaration enregistrée au siège de l’AFP, en présence également de BFM Paris.

Cette annonce est intervenue un peu plus de 24 heures après la diffusion, mercredi soir, d’une vidéo intime et de messages à caractères sexuels adressés à une femme, par un site affirmant qu’ils émanaient de l’ancien porte-parole du gouvernement.

L’artiste contestataire russe Piotr Pavlenski, qui avait incendié la façade d’une succursale de la Banque de France en 2017, a affirmé avoir mis en ligne cette vidéo. Selon Libération qui lui a parlé, il affirme la tenir « d’une +source+ qui avait une relation consentie avec Benjamin Griveaux ».

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La séquence a été publiée « sur un site clandestin sans mention légale, hébergé aux États Unis, lié dit-on, à un activiste russe », a commenté l’avocat Richard Malka, conseil de Benjamin Griveaux, qui lui a demandé « d’engager des poursuites contre toute publication » qui ne respecterait pas sa vie privée. « On va prendre le temps d’étudier tout ça, la situation est complexe d’un point de vue juridique et encore plus d’un point de vue technique », a souligné Me Malka.

Le site en question n’était plus accessible vendredi soir.

Depuis 2016 et l’adoption de la loi « pour une République numérique », la diffusion de « revenge porn » est passible de 2 ans d’emprisonnement et 60.000 euros d’amende. 

En quête d’un candidat

Benjamin Griveaux a jeté l’éponge 24 heures après avoir présenté son programme pour Paris devant une centaine de soutiens et ses têtes de listes dans les arrondissements. Avec l’espoir de faire décoller une campagne jusqu’alors en deçà des espoirs, les sondages ne le plaçant qu’en troisième position derrière la maire Anne Hidalgo (PS) et la candidate LR Rachida Dati.

L’ex-porte parole du gouvernement a indiqué à l’AFP s’être entretenu tard jeudi soir avec le président Emmanuel Macron, qui l’a selon lui assuré de son soutien « quelle que soit sa décision », en l’invitant à protéger les siens. L’entourage du chef de l’Etat a confirmé qu’un échange avait eu lieu.

Dans l’urgence, le parti présidentiel, qui multipliait les consultations, s’est mis en quête d’un nouveau candidat car il y aura « quoi qu’il arrive » une liste LREM à Paris, a assuré la députée Olivia Grégoire, l’une des porte-parole de Benjamin Griveaux.

Ce ne sera pas Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité femmes-hommes, qui a affirmé qu’elle ne serait pas candidate. 

Parmi les noms cités, figurent celui de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, l’ex-ministre Mounir Mahjoubi qui s’est dit « disponible », ou encore Delphine Bürkli, la maire sortante du IXe arrondissement (ex-LR), proche d’Edouard Philippe.

Inconnu il y a encore quelques années, le « revenge porn » ou « vengeance pornographique », dont a été victime Benjamin Griveaux, consiste à diffuser des images intimes sans l’accord des personnes concernées, et est désormais sévèrement puni par la loi.

Qu’est-ce que le « revenge porn » ?

Le phénomène consacré par l’expression « revenge porn » en anglais consiste à mettre en ligne des photos ou vidéos à caractère sexuel sans le consentement des personnes concernées.
Un exemple type est l’échange d’images dans l’intimité d’un couple. Lors d’un conflit ou après la rupture, l’un des membres du couple diffuse ce contenu par esprit de vengeance, à des proches ou sur les réseaux sociaux.
Que les images aient été prises par la personne ou avec son autorisation importe peu : c’est désormais leur diffusion qui est punie. Les peines peuvent être aggravées si les images montrent des mineurs.
Généralement précédée de menaces ou de chantage, la publication d’images intimes « est souvent une mesure de rétorsion, après qu’un des membres du couple se soit senti maltraité », indique Justine Atlan, directrice de l’association e-Enfance. 
« Ce comportement est assez répandu chez les jeunes, qui ont intégré le numérique dans leurs rapports affectifs et sexuels », souligne Justine Atlan. « Le smartphone est un outil très intime, et a en même temps une capacité de médiatisation très forte. Il peut pousser à une réaction de vengeance très impulsive ».

Que risquent ceux qui le diffusent ?

Depuis 2016 et l’adoption de la loi « pour une République numérique », la diffusion de « revenge porn » est passible de 2 ans d’emprisonnement et 60 000 euros (7 millions de Fcfp) d’amende.
La loi prévoit de punir tous ceux qui participent à la diffusion de ces images, même par une simple republication sur les réseaux sociaux. La victime peut également réclamer des dommages et intérêts.
« Le consentement est au centre de la loi : ce que j’ai accepté dans la sphère privée ne vaut pas pour la sphère publique », souligne Justine Atlan.
« Il faut absolument que des poursuites soient conduites, que les sanctions soient très fermes », a souhaité le ministre de la Culture Franck Riester sur BFMTV au sujet de la vidéo visant Benjamin Griveaux.
L’avocat du député, Richard Malka, s’est toutefois interrogé sur la même chaîne sur la possibilité technique de ces poursuites : « remonter à la source de la diffusion d’un site internet hébergé à l’étranger, avec des grands acteurs d’internet qui ne jouent pas le jeu de la législation française, c’est très compliqué ». Si la justice n’y parvenait pas, « il faudra peut-être renforcer les dispositifs juridiques », a reconnu le ministre de la Culture.

Quelles conséquences pour les victimes ?

Souvent adolescentes, elles sont ostracisées, cyber-harcelées et parfois poussées au suicide. 
Une fois diffusées, les images peuvent assez vite se retrouver sur plusieurs réseaux sociaux et sur des sites pornographiques.

Quelles condamnations ?

Les cas se sont multipliés avec l’explosion des réseaux sociaux. 2.839 plaintes ont été déposées pour des diffusions d’images ou de documents à caractère sexuel en 2019, contre 2 564 plaintes en 2018, selon la Police nationale. 
Ces chiffres « ne représentent pas la réalité » car « les personnes n’osent pas déposer plainte » et la loi n’existant que depuis 2016, il faut que « chacun sache que l’infraction existe », précise Grégory Arlaud, porte-parole de la Police nationale.
Un homme a été condamné en 2019 à verser 17 000 euros (2 millions de Fcfp) en réparation pour avoir révélé l’homosexualité de deux de ses ex-compagnons, notamment en publiant des photos intimes sur un compte Instagram.
L’ex-maîtresse d’un homme marié a été condamnée en 2018 pour avoir diffusé à ses proches, dont sa femme, des photographies de son intimité et des extraits de leur correspondance. Leur relation étant déjà connue de l’entourage de l’homme avant l’envoi des messages, le montant des dommages et intérêts a été fixé à 800 euros (environ 95 000 Fcfp)

Que faire si l’on est menacé ?

« Il ne faut pas rester seul, en parler à quelqu’un, réaliser des captures d’écran pour matérialiser la preuve, déposer plainte, et aviser le réseau social pour faire supprimer l’image », souligne Grégory Arlaud, de la Police nationale. 
« Souvent, on n’a même pas besoin d’aller au tribunal », précise maître Avi Bitton, avocat en droit pénal. « On envoie une lettre d’avocat à la personne qui a diffusé les images, ou a menacé de les diffuser, et elle les retire »

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