La chambre criminelle de la Cour de cassation a dessaisi, ce mardi, le juge d’instruction de Nouméa de l’enquête sur les émeutes de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie, au cours desquelles 14 personnes étaient décédées. L’affaire a été renvoyée à un magistrat de Paris, selon une décision consultée par l’AFP.
« Les circonstances locales, et notamment l’exécution en dehors de la Nouvelle-Calédonie des mesures de sûreté en cours » , une référence au placement en détention provisoire dans l’Hexagone de plusieurs indépendantistes, « justifient le renvoi de la procédure » , souligne la décision.
A partir du 13 mai, la Nouvelle-Calédonie a été en proie à des violences en lien avec la réforme du corps électoral, au cours desquelles quatorze personnes, dont deux gendarmes, ont été tuées et des centaines de personnes blessées.
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Les dégâts matériels sont estimés à au moins 2,2 milliards d’euros.
Une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Nouméa pour complicité de tentatives de meurtres, association de malfaiteurs, participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens, vols avec arme et destructions par un moyen dangereux, en bande organisée, concernant des faits commis du 12 mai au 19 juin.
Elle sera donc désormais menée à Paris.
Dans le cadre des investigations, treize militants indépendantistes appartenant à la Cellule de coordination des actions de terrains (CCAT) avaient été mis en examen, et sept d’entre eux avaient été placés en détention provisoire, transférés dans l’Hexagone le 23 juin à bord d’un avion spécialement affrété, soit à 17.000 km du Caillou.
Parmi eux, Christian Tein, placé par l’Union calédonienne (composante du FLNKS) à la tête de la CCAT pour organiser la mobilisation contre une réforme électorale accusée de marginaliser la population autochtone kanak, et à qui l’Etat impute d’avoir coordonné les émeutes.
« Importance des enjeux »
Huit des militants de la CCAT mis en cause par le juge d’instruction de Nouméa avaient réclamé le dépaysement de l’information judiciaire, dénonçant des violations répétées de la présomption d’innocence.
Mais le procureur général de la cour d’appel de Nouméa avait rejeté ces accusations de partialité. « Tout le débat, c’est de savoir si la CCAT est, en totalité ou en partie, une organisation criminelle » , avait-il considéré.
Un recours contre la décision de ce procureur général avait été formé, et la chambre criminelle de la Cour de cassation avait été saisie fin octobre par le procureur général Rémy Heitz « face à l’importance des enjeux » et « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice » .
A l’AFP, Me Roux rappelle avoir dit « depuis le début qu’il y avait trop d’enjeux sur place en Nouvelle-Calédonie » .
Il a souligné les « déclarations qui avaient été faites par les autorités, que ce soit le procureur, que ce soit le haut-commissaire, que ce soit à l’époque le ministre de l’Intérieur qui avait traité nos clients de voyous et de mafieux. Je pense que ce n’était pas propice à une instruction du dossier sereine » .
« Cette question est une question de décolonisation (…) Pour nous, nos clients sont des prisonniers politiques et il est temps que ça cesse » , a ajouté le conseil.
La discussion politique sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie continue par ailleurs : dans son discours de politique générale, le 14 janvier, le Premier ministre François Bayrou a déclaré qu’il inviterait les forces politiques calédoniennes en vue de discussions devant aboutir à un accord sur l’avenir institutionnel de l’archipel océanien avant fin mars 2025.
Une délégation d’indépendantistes du FLNKS doit se rendre dans les jours à venir à Paris pour une « prise de contact » avec le gouvernement, avant d’éventuelles négociations qui devront se tenir « en Nouvelle-Calédonie » , a indiqué dimanche le mouvement à l’issue de son congrès.