Conçu initialement pour protéger les productions locales, l’octroi de mer est devenu un soutien indispensable aux finances des collectivités ultramarines, mais cette taxe est aussi souvent considérée comme responsable de la cherté de la vie.
« Le temps semble venu de réformer en profondeur une fiscalité désormais à bout de souffle à de nombreux égards et qui ne répond plus aux enjeux structurels auxquels font face les outre-mer », affirme la Cour.
Poursuivant « trop d’objectifs simultanément », selon son rapport, l’octroi de mer « connaît de ce fait des problèmes sérieux de cohérence et d’efficience » et souffre d’une « complexité excessive au regard des recettes collectées ».
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L’institution financière estime ainsi que le système enferme les économies ultramarines « dans un modèle peu porteur d’avenir », évoquant un « protectionnisme inscrit dans la longue durée, limitant la concurrence, l’innovation, et préservant des situations acquises ».
Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a notamment évoqué devant la presse « les impacts négatifs avérés » de l’octroi de mer sur le coût de la vie dans les outre-mer, « de l’ordre de 5% à 10% des surcoûts moyens ».
« S’il n’est pas la seule, ni même la principale cause du coût de la vie dans les Drom, l’octroi de mer participe de façon significative » à la cherté de la vie, a-t-il poursuivi.
M. Moscovici a également regretté qu’aucune exemption n’ait été accordée aux services publics, qui ont payé 159 millions depuis 2017 à ce titre, pesant notamment sur les budgets des hôpitaux.
La Cour envisage trois scénarios possibles pour l’avenir de la taxe, dont un statu quo qui « paraît devoir être écarté » et un « scénario de rupture » avec sa suppression d’ici 2027 et sa substitution par une ressource alternative, par exemple une TVA régionale.
Le scénario privilégié, dit « réformiste », doit modifier de façon systémique l’octroi de mer, estime la Cour qui émet douze recommandations.
Parmi celles-ci, des mesures de renforcement du contrôle du dispositif ou la réduction du nombre de taux (de 7 à 16 actuellement selon les Drom).
La Cour souhaite aussi que les collectivités consacrent davantage cette ressource à l’investissement, l’octroi de mer servant aujourd’hui majoritairement à financer leurs dépenses de fonctionnement.
Enfin, pour atténuer les effets de la taxe sur les prix, les magistrats de la rue Cambon recommandent son plafonnement pour des produits de première nécessité et l’exclusion du dispositif des produits pour lesquels il existe un monopole local ou pour lesquels la production locale est très faible.
« L’expiration du régime actuellement en vigueur fin 2027 laisse le temps nécessaire pour une évolution apaisée et concertée », conclut la Cour.
Reste à convaincre des territoires où « la plupart des élus sont très attachés » à cet impôt, concède la Cour.
En 2022, selon ses calculs, l’octroi de mer a généré 1,64 milliard d’euros de recettes pour les cinq DROM (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion) qui la perçoivent, apportant notamment 32% des ressources des communes.
En juillet 2023, un Comité interministériel des outre-mer (CIOM) avait déjà acté la nécessité de réformer « en profondeur » de l’octroi de mer.