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Gotz : « La notoriété que j’ai eue m’a toujours étonné »

(Crédit Photo : Gotz)

Lorsqu’on lui demande naïvement en guise d’introduction comment, en 1991, il est arrivé à Tahiti, Gotz ne rate pas l’occasion de placer sa première blague. « Ben, en avion » , sourit-il, dans un ton farceur qui le caractérise. Au moment de l’entretien, le créateur de Pito Ma, dont il a dessiné le treizième album – 6 ans après le dernier tome – revient tout juste de Huahine, où il s’est isolé pour dessiner sur sa tablette. La faute à un voisin un peu bruyant, à deux pas de son atelier de Moorea.

Pour lui qui a commencé à Tahiti en dessinant des planches pour Muriel Pontarolo et Les Nouvelles de Tahiti « à l’ancienne sur des feuilles de papier, avec des scans, des machins, des bidules » , l’Ipad est une révolution. « Je vais plus vite, je peux travailler n’importe où. Je me suis fait la main dessus il y a 3-4 ans et, de fil en aiguille, j’en suis arrivé à plus de 300 planches de BD en couleur, se souvient-il. Je me suis dit, bon, faudrait faire quelque chose avec. Pas juste que ça reste là » . Ainsi révèle-t-il au monde Apower, sa bande dessinée inspirée par Marvel mettant en scène des super-héros made in Tahiti. Pito devient Pitoman : il peut voler et fait de la lumière, un atout pour la pêche.

Une variante comics de Pito Ma dans lequel il s’amuse à peindre avec dérision la société polynésienne, source d’inspiration « inépuisable » selon lui. « Je prends toujours du plaisir à avoir un œil malicieux sur la société polynésienne et à la retranscrire, assure-t-il. Et surtout, je vois que ça donne beaucoup de plaisir à plein d’autres gens, c’est très agréable. On me dit que c’est marrant, qu’on se reconnaît bien là-dedans. Ça fait du bien » .

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Si Gotz accueille si bien les compliments des locaux, c’est parce que lui même se considère encore aujourd’hui comme un « invité » au fenua. Décrivant une enfance « déracinée » et solitaire, s’abandonnant au dessin et aux couleurs, il passe d’une « grande maison très froide » en Haute-Savoie à la Polynésie, à 27 ans, où il trouve des réponses et un environnement qui lui semblent naturels. « Je me sens bien ici, c’est surtout la relation humaine qui me plaît beaucoup. On a la chance d’avoir une relation facile avec toutes les catégories de gens, on peut discuter (…) Il y a une ouverture d’esprit que j’apprécie énormément, il y a aussi un rapport à l’humour, tout passe par l’humour dans la communication, observe-t-il. Mais je me considère toujours comme un invité. Je suis un peu, comme on dit, un coco qui flotte sans racines parce que ça fait longtemps que j’ai quitté la France, je ne me sens plus vraiment Français, je ne me sens pas vraiment Polynésien de naissance ou de nature » .

« Je suis un peu un coco qui flotte sans racines »

L’essentiel étant pour lui de rester simple. « La notoriété que j’ai eue m’a toujours étonné, confie-t-il. En fait, j’ai le désir de ne pas avoir trop de frais. Ça me permet de pouvoir être indépendant et ne pas devoir trop courir derrière l’argent, rit-il. Je suis plutôt un homme de la nature ou de la campagne. Je vis assez simplement » . Cet œil extérieur et impliqué au milieu des Polynésiens, Gotz s’en sert aussi pour la peinture. Dernièrement, Gotz a participé à une exposition d’œuvres d’art au musée de Tahiti et des îles, sur le thème Horue. Pour l’occasion, il s’est essayé à une grande toile de 2×1 mètres, représentant le moment où la vague s’ouvre et dévoile les profondeurs de l’océan. 21 artistes de la scène contemporaine locale y présentent leurs œuvres du 19 avril au 27 septembre 2024.

Les toiles ‘Tiopoo Ma’et Horu’e’ sont exposées au Musée de Tahiti et des Îles jusqu’au 27 septembre (Crédit : Gotz)

Contrairement au vent ou à la houle, son personnage de Pito Ma, lui, n’est pas éternel. Raisons pécuniaires obligent, Gotz envisage de boucler les aventures de son personnage avec le treizième opus, même s’il aime toujours autant le dessiner. « Je n’ai plus de support hebdomadaire ou mensuel ou autre qui va me payer les planches. Si mes planches ne sont pas payées, ça veut dire que je travaille gratuitement. Et si je dois compter sur les droits d’auteur pour rentabiliser mon travail, ce n’est pas trop la peine d’y penser » , constate-t-il. Une adaptation en dessin animée, sur laquelle il a beaucoup travaillé, était pourtant dans le tuyaux. Mais le projet est aujourd’hui en stand-by.

Une chose est certaine, le travail de Gotz a inspiré quelques jeunes dessinateurs. « ça me rajeunit pas. Le troisième âge, c’est une expérience » , taquine-t-il. S’il a toujours su s’adapter, en trente ans de carrière, la déferlante de l’intelligence artificielle l’interroge. « D’un côté, ça me fout quand même la trouille, concède-t-il. De toute façon, en général, on a peur des nouveautés. Et quand je me dis qu’aujourd’hui, je peux vivre en faisant des illustrations et que demain, si la mêmepersonne, en tapant dix mots, peut obtenir libre de droit en trois secondes une illustration qui lui convient, ça c’est du boulot au moins pour moi. Donc c’est sûr que je serre un peu les fesses (…) Et puis d’un autre côté, ça ne sert à rien d’aller résister, d’aller contre l’évolution des choses. La façon la plus intelligente, c’est de voir ce que je peux faire avec, et si ça peut m’être utile d’une façon ou d’une autre » .

À en croire Gotz, c’est sur les vieux papiers qu’on trace les meilleurs traits. « J’ai déjà mon intelligence personnelle. Ça me suffit pour faire un dessin » , conclut-il.

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FB : Gotz Artist PeintrePito Ma Tahiti

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