Site icon TNTV Tahiti Nui Télévision

Hoanui Ekouma, le dessin polynésien à la sauce japonaise

(Crédit Photo : Hoanui Ekouma)

On peut ne pas avoir aimé – du tout – l’école, et devenir professeur. C’est le cas de Hoanui, artiste numérique Polynésien qui s’apprête à intégrer, avec François Pommiez, Evans Bohl ou encore Manoa Salmon, l’équipe pédagogique de l’école de la créativité numérique Kanea, dont les portes s’ouvrent le mois prochain pour la première rentrée.

Hoanui Ekouma Ndong, de son nom complet, a su très tôt ce qu’il ne voulait pas faire. « Très tôt dans ma tête, j’ai cherché quelque chose qui me permettrait de ne pas faire ce que je faisais déjà à l’école, de faire quelque chose dans lequel je me sentirais épanoui, confie-t-il. Le déclic viendra du Japon, alors qu’il est âgé de 10 ans.

Un petit tour sur sa page d’artiste permet d’identifier l’auteur de ce coup du sort : le monde du jeu vidéo. C’est l’un des plus grands jeux de l’histoire qui l’amène à dessiner : The Legend of Zelda : Ocarina of time, classique ultime du début des années 2000 (sorti en 1998 sur N64, NDLR). « C’est un jeu qui a obsédé toute mon enfance. Je ne l’ai pas eu quand j’étais petit, mais j’étais fan, se souvient-il. C’est ce manque qui a fait que j’ai commencé à dessiner pour compenser. Et c’est de là qu’est venue ma passion pour le dessin » . D’ailleurs, Hoanui a la carrure de Ganondorf et la douceur de Link.

– PUBLICITE –

Pays de gamers, le Japon est d’abord celui du manga, dont l’exportation internationale est massive à l’heure d’internet. Très vite, les Français accrochent le train et comptent parmi les premiers consommateurs de bande dessinée ou de film d’animation japonais. Hoanui n’y échappe pas. Akira Toriyama (Dragon Ball) ou Kentaro Miura (Berserk) deviennent ses modèles. Plus tard, Hoanui a même l’occasion de contribuer à l’anime de Ranking of Kings, dessiné par Sōsuke Tōka.

Le dessin est une obsession pour le jeune Hoanui. Autour de lui, ses potes dessinent, parfois mieux que lui. « Je me disais, je vais dessiner. Je ne sais pas encore, je ne savais pas vraiment dans quel domaine, si ça allait être dans le jeu vidéo, dans l’animation. Mais je savais que je voulais faire un métier artistique en lien avec ma passion » . Après ses années d’écolier au fenua, il s’envole pour la Belgique et l’École supérieure d’Infographie Albert Jacquart. La première année, il y apprend « un petit peu de tout » , puis se spécialise ensuite en animation, illustration 2D, et jeu vidéo une fois son diplôme obtenu.

Au sein de l’École, il conçoit deux courts métrages, où l’on note déjà sa patte artistique. Il passe en tout six ans au pays de Hergé, avant de revenir au fenua, en 2018. « C’était plutôt difficile de trouver du job dans la région où j’étais, à ce moment-là, souffle-t-il. Donc, à l’époque, je me dis, en fait, il vaut mieux revenir à Tahiti, dans un endroit un petit peu plus stable, avant de voir si je veux rebouger dans le monde » . Finalement, il reste sur Tahiti, où il fait la rencontre des membres du studio Lucid Dream Productions.

« De bout en bout, je commence à faire des petits contrats pour des affiches, et puis je commence à donner des cours à Poly 3D » , raconte-t-il. Une école, donc, dans laquelle il n’est pas cet enfant scotché à son bureau. Il transmet aux jeunes artistes polynésiens son savoir-faire et ses conseils pour progresser, sa spécialité exigeant, comme toute forme d’art, un immense travail. « C’est énormément de temps, en fait, de boulot. Et puis, c’est un poil plus compliqué que juste dessiner. Je pense qu’il faut beaucoup de passion, plus que de patience. Il faut être très patient, évidemment » , assure-t-il.

Douze ans de progrès (Crédit Photo : Hoanui)

« Pour moi, c’est un travail d’une vie » .

D’autant plus que Hoanui n’a jamais souhaité se fermer à une forme d’expression artistique, lui qui est aussi musicien. Il s’est essayé à la peinture murale lors du festival de Street Art Ono’u, en 2022, à Vaitavatava. Une « super expérience » où il teste un autre médium de dessin que la simple combinaison papier-crayon. Un ensemble d’expériences qui complètent sa palette, sans qu’il considère pour autant qu’il est un artiste accompli. « Pour moi, c’est un travail d’une vie. Il faut aimer le procédé. Il faut aimer le faire, en fait. Et plus le faire que le résultat, pour moi. C’est ça, le secret » , sourit-il.

Mais le syndrome de la page (ou de la toile, c’est selon) blanche n’est jamais très loin. Hoanui s’est habitué à vivre au rythme de ses commandes et des cours de Poly 3D, et a du temps pour lui. Il ressent ses premiers blocages, et son stylet commence à devenir « de plus en plus lourd » , au point de devenir « un artiste qui ne s’exprime pas » . Par perfectionnisme, un peu, et par idéalisme, surtout. « Sans m’en rendre compte, j’ai commencé à tirer ma valeur dans le regard des autres. C’était tout ce dont j’avais besoin pour des années de pages blanches (…) Je commençais même à me persuader que je pouvais très bien faire mes dessins dans mon coin et que je n’avais pas besoin de les montrer au monde. Même si je dessinais, je ne vous le montrais pas » , résume-t-il dans un post début 2024.

Hoanui réfléchit à la direction qu’il souhaite donner à sa carrière, pour préserver intacte une passion qu’il cultive depuis près de 20 ans. Il pense à sa santé, et à ses proches, toujours prêts à le soutenir. Ce sont eux qui vont le chercher pour intégrer Kanea, où son job devrait lui imposer un emploi du temps plus arrêté. « C’est peut-être même ce qui me manquait ces dernières années. J’avais un petit peu trop de temps libre. Le fait d’avoir un petit peu plus de travail, ça va me porter de la stabilité financière, c’est cool » , sourit-il.

Il y dispensera principalement des cours de dessin, sa grande force. « D’anatomie, dessiner des personnages, dessiner des décors aussi. Je vais donner des cours de 3D, d’animation. Voilà, mes trois spécialités, entre autres… ça s’est fait un peu naturellement, cette invitation dans cette nouvelle école. Le feeling est bon de mon côté » .

Nul doute que Hoanui continuera à dessiner pour ses projets personnels. L’on imagine qu’il ne créera pas pour faire plaisir à ses followers, mais pleinement pour lui. Et si Honaui se lance dans une nouvelle aventure, la phrase de Camus peut s’avérer de bon usage : « Les vrais artistes ne méprisent rien, ils s’obligent à comprendre au lieu de juger » .

Suivez Hoanui sur ses réseaux sociaux : Facebook, Artstation & Instagram.

Quitter la version mobile