Le ciel s’obscurcit encore un peu sur la filière crevetticole. Depuis un an, les éleveurs connaissent de nombreux déboires : surmortalité des larves, météo capricieuse et des vols à répétition.
Toa Vivish, jeune aquaculteur, vient de jeter l’éponge. Sans amertume, il veut retenir les bons moments : « Après 11 ans d’un travail acharné, j’en ai tiré beaucoup d’expériences. C’est un métier à multiples casquettes. J’en sors grandi, mais j’aurais voulu que ça se termine autrement ».
S’il salue le soutien, ces dernières années, de la Direction des Ressources Marine, il déplore toutefois un manque de cohérence des autorités dans la maîtrise des productions locales.
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« La ligne directrice du Pays c’est l’autosuffisance alimentaire. Le gouvernement devrait peut-être faire un peu plus pour ce genre d’activité qui, pour moi, a beaucoup d’avenir pour les Polynésiens », dit-il.
Le ministre en charge du secteur regrette cette fermeture soudaine, mais il estime que le Pays n’a pas failli dans ses missions. « Dire que le Pays n’est jamais venu en soutien, ce n’est pas vrai. Ils ont toujours été accompagnés par la Direction des Ressources Marines, en particulier au niveau technique et scientifique, mais également au niveau de la fourniture de bassins et de filets de protection. Ils ont aussi eu une aide de développement aquacole à hauteur de plus de 5 millions de francs », indique Taivini Teai.
Il n’en demeure pas moins que le gérant est aujourd’hui asphyxié par les dettes qu’il estime « à plus de 60 millions de francs ». Il a donc ouvert une cagnotte en ligne pour que « des âmes charitables » lui donnent un coup de pouce. « L’investissement a été très lourd par rapport à la rentabilité de l’entreprise (…) On s’est rendu à l’évidence que, financièrement, on ne pouvait plus tenir », souffle-t-il.
Cette fermeture serait-elle la première d’une longue série ? Pour son concurrent et ami, Teva Siu, plus important producteur de crevettes bleues de Polynésie, la filière est en souffrance.
« C’est une très mauvaise nouvelle (…) Le cas de Toa reflète la santé générale de la filière. Elle traverse une période très difficile (…) On a besoin du soutien du gouvernement pour nous aider à passer ce cap (…) On a des rendements historiquement mauvais », explique-t-il.
L’une des causes avancées est « le manque de production de post-larves ». « Quand tout marche bien, l’écloserie est extrêmement performante, mais quand il y a un souci, il y a un problème de capacité de réaction », ajoute-t-il.
Les professionnels souhaiteraient qu’une seconde écloserie voit le jour. « Le Pays en est conscient. Après, ce sont des problèmes de financement et de foncier. Tout ça prend du temps. Mais le temps nous pose un problème », conclut Teva Siu.
Toa Vivish, lui, souhaite aujourd’hui passer à autre chose, mais il n’exclut pas, un jour, de revenir à ses premières amours « si les conditions sont réunies ».