TNTV : Nuihau Laurey veut quitter la majorité Tapura parce qu’il pense que le gouvernement n’a pas pris la mesure de la crise. Il préconise un emprunt important pour relancer l’économie, est-ce que c’est la stratégie de votre gouvernement ?
Nicole Bouteau : « Dans un premier temps, je voudrais dire à monsieur Nuihau Laurey qu’il aurait été bien de venir en discuter le gouvernement et sa majorité. La porte a toujours été ouverte. Nous leur avons même suggéré au sein de l’assemblée de Polynésie française de mener des travaux de réflexion pour aider justement notre gouvernement et notre pays a sorti de la crise que nous traversons actuellement. »
Mais alors cet emprunt, c’est une bonne idée ou pas ?
« Ce n’est pas l’option prioritaire que retient le Pays. Emprunter, oui, mais pour investir. Investir dans de l’investissement public, dans de l’aménagement, pour structurer, pour relancer l’économie. Mais emprunter pour venir abonder la trésorerie du pays, comme aime à le dire le vice-président, ça serait comme brûler un tas de feuilles dans sa cour. »
En métropole, il y a des exonérations de taxes qui seront importantes, ici, ce sont plutôt des reports. Pourquoi ne pas exonérer les entreprises afin de préserver leur trésorerie, et donc de les sauver ?
« Parce qu’aujourd’hui, le Pays pilote sa trésorerie. Nous entendons effectivement monsieur Nuihau qui n’est plus au gouvernement depuis déjà quelques années. Aujourd’hui, nous avons une situation effectivement où nous avons la chance dans le cadre de cette crise, d’avoir une situation financière qui soit bonne, mais cette trésorerie fond comme neige au soleil, et c’est pour ça que le pays, par l’intermédiaire de notre président, fait appel à la solidarité nationale, parce que nous estimons qu’il doit y avoir une participation. Ensuite, nous sommes dans l’échange avec l’État, sur la manière dont cette solidarité doit intervenir. »
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Lors de la réunion tripartite, vous avez notamment émis le souhait que les aides soient un encouragement à l’activité et non à l’inactivité. Comment peut-on garantir cela ?
« Je voudrais d’abord rappeler que le Pays, le gouvernement, ont mis en place des dispositifs de sauvegarde des emplois dans le cadre du confinement, c’était un premier temps. Fort heureusement, nous allons sortir de ce confinement, puisque l’épidémie est maîtrisée. Donc nous préparons cette sortie de confinement sur le plan économique avec notamment ce plan de sauvegarde de l’emploi, et toute une série de dispositifs dont nous avons discuté avec les partenaires sociaux. »
Mais comment pouvez-vous garantir que votre dispositif soutienne l’activité et non l’inactivité ?
« Eh bien parce qu’il est important. Nous allons pendant quelques semaines, quelques mois, vivre dans ce qu’on appelle une bulle interne, le déconfinement va concerner Tahiti et les archipels. Et l’idée, c’est de pouvoir stimuler la reprise, la relance de notre économie, en incitant les Polynésiens à consommer, à s’engager, à acheter, et à voyager local. Je pense que c’est important. Nous en appelons vraiment à la citoyenneté et au patriotisme polynésiens. Et ces dispositifs que nous mettons en place, sont conditionnés effectivement par une reprise d’activité, même si elle est partielle. »
La CPME et les syndicats veulent faire de la Polynésie une zone franche touristique pendant six mois, avec la suppression de toutes les taxes, et des prix cassés sur les vols, les hébergements, les activités… Êtes-vous d’accord avec ce principe ?
« Nous avons découvert cette proposition dont nous allons discuter. Une zone franche, ça veut dire zéro taxe sur plus de taxe, concrètement, comment est-ce qu’on alimente le budget du Pays ? Donc je crois que ce qu’il faut retenir, et là les partenaires sociaux sont force de proposition et nous nous rejoignons, notre industrie touristique est très fortement frappée. La crise est majeure, et il nous faut travailler ensemble sur un plan de sauvetage de cette industrie qui tire le reste de l’économie polynésienne. Donc ils ont été force de proposition, maintenant, nous devons en discuter avec eux. »
Est-ce que ce sauvetage passe, comme ils le suggèrent, par la clientèle des résidents ? Les résidents peuvent permettre de passer ce cap de l’absence de touristes internationaux ?
« En tout cas, nous sommes bien en deux temps. Vous savez que notre industrie touristique est très dépendante de nos marchés émetteurs qui vivent la pandémie, certains sont même des épicentres de cette épidémie. Notre industrie touristique est également impactée par la situation de l’aérien international. Donc dans un premier temps, nous devons vivre dans cette bulle intérieure, et stimuler l’économie, et notamment notre tourisme : aider nos pensions de familles, nos prestataires d’activités touristiques, et les hôtels qui seront en capacité de proposer, mais ça suppose que les efforts soient partagés, et je sais qu’ils le seront, par les opérateurs, avec le soutien du pays. »
À propos de l’aérien, deux des plus grosses entreprises polynésiennes sont parmi les plus touchées. 1 400 employés pour Air Tahiti et plus de 700 pour Air Tahiti Nui. Comment pensez-vous pouvoir sauver ces compagnies et ces emplois ?
« Concernant Air Tahiti Nui, vous le savez, le pays est actionnaire majorité de la société, donc dans le cadre du dernier collectif budgétaire, nous sommes déjà intervenus pour aider notre compagnie. D’autres moyens sont prévus, et les dispositifs de sauvegarde de l’emploi sont ouverts à ces compagnies puisque les secteurs prioritaires qui ont été listés sont le tourisme et les activités annexes, mais particulièrement l’aérien international et l’aérien domestique. »