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Cannes à sucre : une « dizaine de variétés » répertoriées en Polynésie

Crédit : Tahiti Nui Télévision

Cannes à sucre : une "dizaine de variétés" répertoriées en Polynésie

TNTV : En quoi ont consisté les travaux de recherche que vous venez de terminer ? 
Marotea Vitrac, président du syndicat des producteurs de rhum polynésien : « En fait, ces travaux de recherche sont liés étroitement à notre démarche d’indication géographique (IGP). Il faut savoir qu’il y a toute une filière Cannes à sucre et rhum qui s’organise et s’articule autour de ces vieilles variétés, ces variétés ancestrales. Et donc l’IGP, c’est la valorisation de ce patrimoine et également tout l’apport qu’elle constitue. Donc, c’est véritablement l’indication géographique qui est porteuse globalement de cette mission. »

TNTV : Vous parlez de cannes ancestrales : comment sont-elles arrivées en Polynésie ? 
Jean-François Butaud, botaniste : « Les cannes ancestrales, une bonne partie, sont arrivées par les premiers Polynésiens qui sont arrivés sur les pirogues, il y a à peu près 1000 ans, comme l’arbre à pain, comme le tiare Tahiti et d’autres plantes alimentaires. Il y a une dizaine de variétés qui ont été retrouvées lors des différentes missions ici. D’autres variétés de cannes, par contre, ont été introduites à l’arrivée des premiers navigateurs européens et puis jusqu’à plus récemment, pour des besoins en sucre notamment. » 

Lire aussi : À la recherche des variétés de cannes à sucre polynésiennes

TNTV : On parle de combien de variétés autochtones ? 
Jean-François Butaud : « Donc là, on a pu démontrer le travail de Marotea dans la Société, puis les inventaires qui ont eu lieu aux Australes. On a pu mettre en évidence une dizaine de variétés. Les travaux avec nos collègues français et américains permettront de valider la distinction en variétés, être sûrs que ce qu’on a vu aux Marquises était différent des Australes, différent aussi de Hawaii. On est sur une dizaine de variétés, sachant qu’à Hawaii, ils en avaient une trentaine. On peut penser qu’on en a peut-être perdu quelques-uns ou qu’il reste encore à bien fouiller dans les fa’a’apu des gens. »

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TNTV : Pourquoi est-ce important, Marotea, de les étudier ? Quelle connaissance avez-vous de ces variétés dites ancestrales ? 
Marotea Vitrac : « La connaissance qui a été produite, elle est surtout patrimoniale et c’est bien le tout premier intérêt. C’est-à-dire qu’il faut comprendre que la canne à sucre, ou plutôt la canne à rhum, donc la canne qui est destinée à l’industrie du rhum, elle a été introduite dans la plupart des îles où sont produits les rhums, notamment les Antilles ou la Réunion, par les Européens. Donc, ce sont des introductions qui sont anciennes, mais plus récentes que l’introduction en Polynésie, par nos ancêtres polynésiens. On a la chance, nous, de travailler avec des variétés autochtones qui ont été véhiculées par nos ancêtres sur leur pirogue à voile d’île en île pour arriver jusqu’en Polynésie et aujourd’hui, nous, on est allé déterrer ce patrimoine et les utiliser dans nos rhums.  Donc ça, c’est le premier argument. Le deuxième argument, il est qualitatif. C’est qu’on soupçonne que, comme le cépage au vin, la variété ancestrale de canne apporte une aromatique particulière à nos rhums de Polynésie. »  

TNTV : Les Polynésiens utilisaient justement la canne à sucre pour s’alimenter, se soigner. Aujourd’hui, nous en faisons du jus et du rhum. Quelles autres applications sont envisageables ? 
Jean-François Butaud : « Il y avait quelques usages aussi pour faire de la vannerie, des tressages, que ce soit avec les feuilles ou avec l’écorce de tiges qui est différemment colorée selon les variétés. Donc ça peut faire des motifs. Après, d’autres usages, c’est l’usage dérivé de la bagasse, notamment pour quelques produits. »
Marotea Vitrac : « Oui, il y a de la valorisation de la bagasse qui peut être réalisée pour réaliser des étoffes, des emballages, des sacs. La bagasse, c’est ce qu’on a écrasé, pour préciser. C’est le résidu fibreux après qu’on ait pressé la canne et qu’on en ait extrait le jus.« 

TNTV : Marotea, en termes de production, faut-il privilégier une ou plusieurs espèces de cannes à sucre ? 
Marotea Vitrac : « Alors ça, c’est la suite des recherches parce que la recherche, naturellement, ce sont des processus, des méthodes de travail qui demandent un certain temps, quand même beaucoup de moyens, beaucoup d’investissements aussi. Et donc, les prochaines étapes, ce sera effectivement quelle valorisation et quelles espèces en particulier. On a déjà une petite idée, mais je dirais que c’est surtout par expérience et de façon empirique parce que ça fait quand même dix ans qu’on travaille avec ces vieilles variétés. Donc, on en a deux aujourd’hui, Torearea et Toute, qui sont très intéressantes d’un point de vue agronomique ou en tout cas qui présentent des caractéristiques un petit peu plus importantes que les autres. Mais comme on vient de découvrir aux îles Marquises trois nouvelles variétés, il conviendra de les mettre à l’essai également.« 

TNTV : La qualité du rang polynésien est reconnue aujourd’hui au niveau national et international. Une norme IGP peut favoriser son essor ?
Marotea Vitrac : « Alors, l’IGP, c’est naturellement très important. Pourquoi ? Premièrement, parce que c’est un gage de qualité. Une indication géographique protégée, c’est un cahier des charges. C’est la garantie pour le consommateur que les producteurs aient travaillé tous dans le même sens avec des contrôles. Donc, c’est véritablement un gage de qualité. Deuxièmement, c’est la garantie pour le consommateur qui ne connaît pas nos entreprises et notre façon de travailler de s’assurer de la qualité véhiculée par cet IGP. L’exemple simple, c’est l’exemple des Antilles qui ont doublé leur volume à l’exportation grâce à leur AOC, leur appellation d’origine contrôlée. Il faut bien prendre conscience qu’en Polynésie, ce sera la toute première indication géographique. C’est vraiment très, très important et on espère de belles retombées naturellement à l’export pour nos produits. »

TNTV : Ma dernière question pour vous deux, messieurs, à quelles échéances pourront nous connaître les résultats des recherches que vous avez menées ? 
Jean-François Butaud : « il y a des rapports de mission, des rapports morphologiques, il y a une partie génétique. Il faut être sûr que les différents cultivars sont pareils ou distincts en fonction des archipels. Ça va demander quelques mois. (6:19) Une première partie peut être faite en quelques semaines, mais je pense l’aspect (6:22) génétique va demander plus de temps.« 
Marotea Vitrac : « Il y a une production scientifique qui sera faite visiblement pour l’année 2025. En tout cas, c’est quasi certain. » 

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