Le temps presse pour l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Chargé de réglementer l’exploitation minière en haute mer, l’organisme affilié aux Nations Unies n’a toujours pas réussi à finaliser le Code minier international, futur pilier légal pour l’extraction des minéraux présents sur le plancher océanique. Et ce, malgré l’élection d’une nouvelle secrétaire générale réputée consensuelle, la Brésilienne Leticia Carvalho, le 2 août 2024. Une situation qui pourrait conduire certains États à avancer sans accord global dès 2026.
Car depuis juillet 2023, en raison d’une clause juridique déclenchée par Nauru, petit État insulaire du Pacifique, n’importe quel pays peut déposer une demande de contrat d’exploitation au nom d’une entreprise qu’il sponsorise. Nori (Nauru Ocean Resources Inc.), filiale de l’entreprise canadienne The Metals Company (TMC) cotée au Nasdaq, pourrait ainsi forcer la main de l’AIFM et lui soumettre une demande le 27 juin, avant la deuxième réunion de l’organisation en juillet, obligeant ainsi les représentants des autres États membres à se prononcer sur son approbation. Pour un début d’exploitation des fonds marins du Pacifique début 2026.
Lire aussi – 2025, « moment critique » pour l’exploitation minière des fonds marins, alerte Greenpeace
La présence du Anuanua Moana au port de Papeete lundi et mardi pour une escale technique témoigne de l’intérêt des entreprises minières pour la zone Pacifique. Construit en 2007, le navire de 60 mètres battant pavillon des Îles Cooks a été converti dès 2022 en spécialiste pour l’exploration en eaux profondes dans la région. Il peut accueillir 25 scientifiques, dispose d’un ROV (Véhicule sous-marin téléopéré) et de l’équipement nécessaire pour effectuer des prélèvements entre 4000 et 6000 mètres de fond. L’équipe débarquée à Tahiti mardi était polonaise. Les 18 dernières semaines, le Anuanua Moana, propriété de Moana Minerals Limited, a également travaillé avec d’autres scientifiques européens et des japonais, pour le compte d’entreprises privées tâtant le terrain du Pacifique Sud.
– PUBLICITE –
« Nous avons beaucoup de nouvelles entreprises, et de gouvernements qui sont intéressés à comprendre le potentiel des ressources qui se trouvent dans leur Zone Économique, glisse le vice-président des opérations de Moana Minerals Ltd, Gary Van Eck. Mais vous ne pouvez pas simplement sortir et commencer à faire de l’exploitation. Vous devez d’abord faire de l’exploration, obtenir des données scientifiques, pour pouvoir prendre une décision informelle. Mais il y a certainement un grand intérêt » , confirme-t-il.
Lire aussi – Aux îles Cook, l’exploration des fonds marins a débuté
Nerfs de la guerre, les nodules polymétalliques riches en cobalt, nickel et autres métaux précieux, y sont nombreux. Ainsi, à peine a-t-il su que le navire était à Papeete qu’Oscar Temaru s’y est rendu, répétant à l’envi que l’exploitation de ces nodules seraient un levier pour l’accès du Pays à l’indépendance. Le président du Tavini craint aussi que l’État, membre du conseil de l’AIFM actuellement opposé à l’exploitation – comme Moetai Brotherson – ne profite, à terme, de ces richesses.
Difficile de croire, en effet, que l’opposition française pèsera lourd alors que la Chine cherche à dominer la chaîne d’approvisionnement des minéraux critiques, et que l’Amérique de Trump est favorable à l’exploitation. En décembre dernier, la Chambre des représentants a adopté son projet de loi annuel sur le financement de la défense, incluant une disposition demandant au secrétaire à la Défense de réaliser une étude de faisabilité sur la possibilité de traiter aux États-Unis des minéraux extraits des grands fonds marins.
Une décision faisant suite à la nomination d’Elise Stefanik, Marco Rubio, Howard Lutnick et William McGinley au cabinet de Donald Trump, garde rapprochée ayant déjà exprimé son soutien à l’extraction des ressources océaniques. La nomination en 2024 de Steve Jurvetson, ancien cadre de Tesla et ami d’Elon Musk, au conseil d’administration de TMC, pourrait également favoriser ce cap.