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« Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est une fierté de taper des transgenres »

"On dirait qu’un mec qui va taper un raerae, c’est beau à voir, comme un trophée. Il y a un manque de respect (…) On est en 2023, on ne devrait pas se faire frapper gratuitement comme ça. Il y a encore du travail à faire", témoigne Manuarii, ici à droite au côté de sa maman Céline. (Crédit/ TNTV)

Elles n’étaient pas ensemble, ce samedi soir à Papeete, mais elles ont connu la même mésaventure. Manuarii et Temau, deux jeunes transgenres, ont été violentées, sans raison, dans la rue.

« Je me suis fait agresser vers 5h30 par un adolescent, de manière gratuite et devant tout le monde (…) La personne m’a menacée en citant mon nom, donc je pense qu’elle savait très bien qui j’étais. Il est venu vers moi et m’a dit : ‘Manuarii, tu veux que je te frappe ?’. Je lui ai répondu que non. Quand tu vas en boite de nuit, c’est pour t’amuser. Il a continué à me menacer verbalement pour, finalement, me taper. Je me suis défendue et c’est parti en bagarre », explique la première.

Et la jeune femme d’ajouter : « aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est une fierté de taper des transgenres. On dirait qu’un mec qui va taper un raerae, c’est beau à voir, comme un trophée. Il y a un manque de respect (…) On est en 2023, on ne devrait pas se faire frapper gratuitement comme ça. Il y a encore du travail à faire ».

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Céline, sa mère, est-elle aussi choquée par les violences subies par sa fille. Mais aussi par les vidéos qui ont été prises par des badauds durant l’agression avant d’être diffusées sur les réseaux sociaux : « Sur la première, on voit l’agresseur venir vers ma fille, et son ami venir à la charge pour le pousser à la taper de nouveau (…) Et la seconde m’a touchée intimement, car elle était en robe. Quand elle s’est battue, on a vu ses parties intimes et les gens ont partagé et ricané. Ça, je ne peux pas l’accepter ».

Céline dit avoir « l’impression » que les personnes transgenres sont considérées comme « des animaux, qu’on les regarde comme si elles avaient la peste alors que ce sont des êtres humains ».

Après avoir consulté un médecin durant le week-end, pour se voir délivrer un certificat médical, Manuarii s’apprêtait, ce lundi, à déposer une plainte à la DTPN. « J’espère que ça ouvrira les yeux de certaines personnes et que la ville de Papeete sera plus sécurisée (…) J’ai honte et peur. Et j’ai de la haine contre ces personnes », dit-elle.

« Quand on doit sortir, on a peur (…) On est obligé de prendre un couteau dans son sac pour avoir quelque chose au cas où. Ce n’est pas normal« , explique Temau qui a aussi été agressée samedi.

Temau a, elle aussi, été confrontée à des violences, samedi soir, en sortant d’une boite de nuit. « Un mec est venu vers moi. Soi-disant, il avait entendu des piques venant d’un raerae. Il a pensé que c’était moi et m’a foutu un coup avant de partir. La police l’a interpellé et l’a embarqué », témoigne celle-ci qui vient de vivre sa « première agression physique ». Mais ses craintes ne datent pas d’hier.

« Il y a beaucoup d’hommes ou d’adolescents qui tournent dans la ville et qui se moquent, qui nous font des remarques pas du tout agréables à entendre (…) Quand on doit sortir, on a peur (…) On est obligé de prendre un couteau dans son sac pour avoir quelque chose au cas où. Ce n’est pas normal », souffle-t-elle.

Si elle se félicite des « preuves de tolérance » des autorités, ces derniers mois, comme le fait que la Présidence ait hissé le drapeau LGBT, elle regrette que cette prise de conscience ne concerne qu’une « partie de la société ».

« Cela nous fait mal au cœur. Cela touche notre confiance en nous. Les gens ne s’en rendent pas forcément compte (…) Je ne comprends pas où est l’intérêt d’agresser quelqu’un juste à cause de ce qu’elle est », déplore Temau qui, elle, n’a pas souhaité porter plainte contre l’homme qui l’a violentée.

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