La plupart de ces Evasan sont assurées par Air Archipels, une compagnie privée. Elle en réalise environ 500 par an en Polynésie française. Mais quand l’avion n’est pas disponible, ou quand les conditions sont trop difficiles, le haut-commissariat peut réquisitionner l’armée.
Les deux blessés doivent être transportés couchés. Seul le Casa offre assez de place. Aux commandes, le lieutenant-colonel Christophe Ramos : « sur certaines îles, on peut arriver sans moyens d’approche aux instruments, donc il faut arriver à vue, de nuit, avec de la pluie, et là ça peut être un peu délicat ».
Mais aujourd’hui, le soleil brille. La piste étroite apparaît, à quelques mètres du lagon turquoise de Bora Bora. Les deux pilotes et le mécanicien aident le médecin et l’infirmière à débarquer les civières. Elles sont chargées sur le transport à bagages de l’aérodrome : des palettes de bois sur roulettes, tirées par un tracteur.
Cet équipage singulier est attendu par la navette des pompiers, une centaine de mètres plus loin. Car il va falloir traverser une bonne partie du lagon pour rejoindre le dispensaire, sur l’île principale. Au quai, une ambulance attend l’équipe médicale. Sur la route, un adjoint au maire informe le médecin. L’homme qui conduisait le scooter a une vingtaine d’années, sa passagère n’en a que 16.
Au dispensaire, les proches des deux victimes s’inquiètent
« C’est la police municipale qui m’a appelée pour me dire que ma fille a eu un accident, mais je ne sais rien de plus pour l’instant » glisse la mère de l’adolescente, la voix tremblante (lire le compte-rendu de l’accident).
Un peu plus loin, un groupe d’amis en sait un peu plus. Pour eux, les deux blessés ont passé une partie de la nuit au Récif, la seule discothèque de Bora Bora.
A la fermeture, ils ont continué à boire. Et sont partis à l’aube, sans casque et sans assurance. Dans un virage, le scooter s’est déporté sur la voie de gauche et a percuté une voiture.
Le petit ami de la jeune fille arrive, les larmes aux yeux. Il ne parvient pas à parler. Il l’embrasse sur le front. Tout le reste de son corps est déjà couvert de tuyaux et d’appareils médicaux. Elle a plusieurs fractures, dont une au bassin et un grave traumatisme crânien. Elle n’est pas sortie du coma depuis l’accident. L’homme est aussi dans un état grave, mais il est conscient.
Il est midi, l’accident a eu lieu depuis plus de cinq heures. Les deux patients sont stabilisés : il faut parcourir le chemin en sens inverse. Ambulance, navette maritime des pompiers, chariot à bagages, Casa. A Tahiti, deux nouvelles ambulances transportent les patients jusqu’à l’hôpital du Taaone. Elles arrivent à 15 heures.
Pour le chef du Samu, le Dr Vincent Simon, il faut relativiser les huit heures qui se sont écoulées entre l’accident et l’arrivée à l’hôpital : « forcément, avec les distances à couvrir, on n’a pas des délais d’intervention très courts, mais je pense qu’on a un système extrêmement performant, contrairement à d’autres pays ».
Chaque intervention est facturée 3130 Euros (près de 370 000 Fcfp) par l’hôpital. Sur Air Archipel, l’heure de vol coûte 2400 Euros (plus de 286 000 Fcfp) à la collectivité, et environ trois fois plus si les moyens sont militaires. Les Evasan inter-îles coûtent plus de 2,5 millions d’Euros (un peu moins de 300 millions Fcfp) par an rien qu’en transport. Et certains patients doivent être transportés jusqu’en Nouvelle-Zélande, voire jusqu’à Paris.
Les évacuations sanitaires sont déclenchées pour des accidents de la route, les pathologies cardiaques et pulmonaires, des urgences pédiatriques, mais aussi pour des femmes enceintes : elles sont moins bien suivies dans les petites îles peu médicalisées, et en cas d’accouchement prématuré, il faut les rapatrier à Tahiti.
Une autre équipe médicale est déjà sur le départ : un accident de décompression à Fakarava.
L’adolescente sort du scanner
Elle est conduite en réanimation. L’infirmière et le médecin, mobilisées depuis l’aube, n’ont toujours pas mangé. Elles n’ont pas quitté la jeune fille.
« C’est une patiente qui a un gros traumatisme crânien, pas de réflexes du tronc cérébral, le pronostic vital est très engagé » confie le Dr Eric Bonnieux, médecin en réanimation.
« Elle est têtue, mais c’est une gentille fille » chuchote sa mère en écrasant une larme. « Je l’aime » sanglote-t-elle derrière la porte, qui se referme avant l’opération.
Un reportage TNTV