C’est lors d’un contrôle de papiers à bord d’un paquebot en escale à Raiatea, le 17 mars 2022, que les forces de l’ordre effectuaient une saisie historique de 21kg d’ice, dissimulés dans les valises d’un voyageur originaire de Moorea. Une partie de la cargaison était cachée dans du matériel de musique et dans des pots de protéines à double-fond. La mule avait récupéré la commande passée auprès de trafiquants mexicains à Los Angeles, avant de s’embarquer sur une croisière passant par la Polynésie française.
Le coup était dans les tuyaux depuis 2019, a révélé son instigateur, un homme de 29 ans déjà condamné en appel pour l’importation de 2 kilogrammes d’ice la même année. Se renseignant sur le trafic par voilier « sur internet et avec des reportages » , il avait finalement opté pour la solution de la mule sur un navire de croisière.
L’homme ayant servi de mule, skipper de métier, était consommateur régulier de paka depuis ses 9 ans. Il était ensuite tombé « dans le fléau de l’ice » , sans pour autant se livrer à du trafic. Parti en métropole à l’hiver 2021 pour visiter sa grand-mère, il est contacté par une de ses vieilles connaissances de lycée, qui lui propose de participer avec lui à un festival aux États-Unis et de rentrer par un bateau de croisière à Raiatea à ses frais, en mars 2022. Rapidement, le skipper est informé que son ami annule le festival et qu’il fera le voyage seul. Avec, en plus, des valises à rapporter en Polynésie.
« C’est trop pour Tahiti,
ça va niquer tout le monde »
Son ami lui révèle qu’il est impliqué dans un trafic d’ice, et lui propose une avance de 1,2 millions de Fcfp, puis 50 millions une fois la livraison effectuée. Le skipper accepte, projetant de s’acheter un bateau et d’aider sa famille. Mais ce dernier prend peur lorsqu’il constate qu’il transporte bien plus que les 10 kilogrammes prévus. « C’est trop pour Tahiti, ça va niquer tout le monde » , dit-il à son complice au téléphone.
À Raiatea, il se fait interpeller lorsqu’il débarque et veut déposer une valise, paniqué. L’intermédiaire, qui l’attend près du quai, appelle son chef pour le prévenir que le plan a échoué. Celui-ci lui fait comprendre qu’il les lâche et lui laisse « porter le fardeau » . « On s’est servi de moi et de mon handicap » , a déclaré l’intermédiaire au tribunal. Évasané pendant 6 ans en métropole pour soigner des tumeurs à la jambe, il avait reçu un avis d’inaptitude au travail fin 2021 et explique qu’il avait ainsi cédé aux sirènes du trafic de stupéfiants, quand le cerveau de l’opération lui avait promis un montant plus important que le skipper.
Bénéfice potentiel de 2 milliards
Identifiés et arrêtés par les forces de l’ordre à l’issue de la garde à vue de la mule, les deux complices ont reconnu les faits qui leur étaient reprochés. La tête pensante espérait faire deux milliards de Fcfp de bénéfices en écoulant la drogue, achetée pour quelque 7 millions à des Mexicains. « Son dernier coup » , a-t-il assuré devant le tribunal, sans convaincre le procureur de la République, qui l’a qualifié « d’excellent chef d’entreprise » dans ses réquisitions.
Celui-ci a été finalement été condamné à 7 ans de prison ferme, le tribunal ordonnant une confusion des peines à hauteur de 3 ans avec celle prononcée par la cour d’appel Papeete en 2022.
Le transporteur, âgé de 28 ans, a été condamné à une peine de 4 ans de prison, dont 1 an de sursis. En détention provisoire depuis les faits en mars 2022, il y a été maintenu à l’issue du procès.
Enfin, le complice qui passait les appels et servait d’intermédiaire en donnant les directives a été condamné à une peine de 4 ans de prison, dont 3 avec sursis.