Après Papara, la bataille des pharmacies se déplace sur le terrain de Bora Bora. Ce mardi matin, le tribunal administratif a examiné deux requêtes demandant l’annulation d’un arrêté du Pays autorisant un jeune pharmacien, le Dr Teano Cojan, à créer son officine du côté de Matira, à quelques encablures de la seule et unique pharmacie de l’île, gérée par le Dr Loyer à Vaitape. C’est ce dernier, ainsi qu’une porteuse de projet concurrent, qui souhaitent faire annuler son installation.
Teano Cojan avait déjà obtenu l’autorisation du Pays de créer son officine en 2021, sur la commune de Nunue. Mais celle-ci avait été annulée une première fois par le tribunal administratif, au motif qu’elle « ne répondait pas au besoin optimal de médicaments de la population de Bora Bora« . Cette première annulation fera d’ailleurs, dans quelques semaines, l’objet d’une audience en appel à Paris.
Le Dr Cojan a une nouvelle fois été autorisé à s’installer à Nunue, début 2022. Mais la rapporteur publique estime que le dossier est inchangé et en tire les mêmes conclusions, à savoir que la population de Bora Bora, notamment de la commune d’Anau où l’ouverture d’une seconde officine avait un temps été suggérée par le Pays, n’est toujours pas prise en compte « de façon optimale« .
« C’est la deuxième fois que le Dr Cojan revient demander le même agrément et que le Pays lui accorde dans les mêmes termes, alors que sa demande ne respecte pas les lois du Pays« , soutient Me Dumas, avocat du Dr Loyer. « Cela a été reconnu explicitement à l’audience par Me Fidele (avocat du Dr Cojan), qui a dit que la loi du Pays serait ‘mal rédigée’, et demandant au tribunal administratif de tordre le cou à cette loi« . Pour le conseil du Dr Cojan, ce n’est pas le découpage « électoral » qu’il convient d’appliquer mais celui par « quartiers », le Sud-Est (Nunue, donc) concentrant l’essentiel de l’activité et une population dense, y compris les touristes nécessitant des soins.
La loi précise en effet que ce sont les résidents de la zone qui doivent être considérés dans le cadre d’une ouverture de pharmacie, et non pas la population de passage, dont les touristes et scolaires font partie. Sur ce point, Me Fidele et le Dr Cojan se sont prévalus de la prévention auprès du Lycée Polyvalent de Bora Bora, et l’évolution du métier de pharmacien, illustré par les besoins de vaccination pendant la cise Covid. « Il y a la contraception mais il y a d’autres aspects, il y a la vaccination et d’autre choses qui arrivent. Titulaire d’un master spécialisé sur la distribution des produits de santé, le Dr Cojan estime qu’il pouvait, depuis Nunue, apporter un service optimisé pour l’ensemble de la population, de l’importation des médicaments au transfert via les pharmacies, jusqu’à la dispensation au niveau des patients« .
Le Dr Cojan, qui a aussi pris la parole pendant l’audience, a par ailleurs dénoncé une situation de « monopole pharmaceutique » du Dr Loyer, qui selon lui « loue des locaux vides » sur l’île pour dissuader d’éventuels concurrents de rentrer dans l’arène : « si vous cautionnez cela, vous cautionnez un monopole« , a-t-il lancé au tribunal. Des éléments mensongers, selon Me Dumas, qui a annoncé apporter des éléments contraires dans le cadre d’une note en délibéré.
Les membres de la commission spécialisée dans le réseau pharmaceutique du Pays, où siègent le président de l’Arass, du Conseil de l’ordre des pharmaciens, ainsi qu’un représentant de l’APF, de la CPS et des usagers, sont en tout cas unanimes sur le besoin de l’île d’une deuxième pharmacie. Les quelques 10 600 habitants de Bora, principalement concentrés au Sud-Est de l’île, pourraient donc patienter avant de voir se concrétiser le projet d’une deuxième pharmacie.
Le tribunal administratif rendra sa décision le 28 février.