Ouverte en grande pompe à Nunue en octobre dernier, la pharmacie Te Ora n’aura pas fait long feu. Ce mardi, le tribunal administratif a répondu favorablement à la demande du gérant de la pharmacie Lafayette, installée à Vaitape, de faire annuler l’arrêté autorisant l’ouverture de cette seconde pharmacie sur Bora Bora. C’est le troisième revers en justice pour le jeune Dr Teano Cojan et pour le Pays, qui l’avait autorisé à ouvrir son officine à deux reprises, en 2021 et 2022.
Les habitants de l’île, qui s’étaient mobilisés sur place, à Tahiti et sur les réseaux sociaux au cours des dernières semaines pour soutenir le jeune pharmacien, accusent le coup. « Pas juste pour cet enfant du fenua, et ça faisait de la concurrence » , glisse une cliente. En six mois d’ouverture, les clients avaient en effet observé des baisses de prix dans la pharmacie Lafayette, qui avait par ailleurs étendu ses horaires.
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Mais, encore une fois, le tribunal estime que l’endroit où est implanté Te Ora (le 3e district de Nunue, NDLR) ne répond pas à une « desserte optimale de la population » résidente, selon les textes en vigueur. Une décision saluée par Me Dumas, avocat du pharmacien de Lafayette. « On se bat pour faire respecter la loi applicable sur la création des officines de pharmacie dans ce dossier » , justifie-t-il. Il assure que son client « n’est nullement opposé à la création d’une seconde pharmacie » . « Il y a des solutions alternatives qui existent d’ores et déjà, mais pour une raison qui n’est pas explicitée, la Polynésie française s’évertue à vouloir concentrer les officines de pharmacie dans une même partie de l’île et à vouloir créer un désert médical de l’autre côté de l’île, ce qui n’est pas dans l’intérêt de la population » , poursuit-il. « La loi de Pays contient des contradictions dont Teano Cojan est victime, mais si on estime que la loi est mal faite, le Pays peut très bien la changer. D’autre part, le Pays a refusé à M. Cojan la création de l’officine de pharmacie à Anau et l’a accepté à côté de la pharmacie existante. La Polynésie française a clairement fait un choix pour la localister à Nunue plutôt qu’à Anau alors qu’elle avait deux dossiers soumis, avec un avis favorable de l’ARASS » .
Te Ora, installée à 4,4 kilomètres de la pharmacie Lafayette, ne peut pas se prévaloir des médicaments fournis aux touristes, le tribunal estimant – comme la Cour d’appel de Paris, saisie une première fois du dossier – que la population saisonnière et sa répartition ne sont pas précisément établis par le Dr Cojan, malgré quelques chiffres avancés en 6 mois d’exploitation. Quant à la proximité du collège-lycée et de ses 45 internes, elle n’est « pas au nombre des critères qui peuvent être légalement pris en compte pour apprécier la satisfaction des besoins en médicaments de la population » , balaye la décision.
Les juges ont toutefois relevé que le Dr Cojan justifiait d’une « maîtrise de la langue tahitienne facilitant ainsi indéniablement sa pratique professionnelle avec la population » ou que celui-ci était « le seul professionnel à l’occasion de la dernière fenêtre à solliciter l’ouverture d’une officine pharmaceutique sur l’île de Bora Bora » . Des arguments avancés par le Dr Cojan lui-même au cours de l’audience du 12 décembre dernier, qui ne sont « pas légalement de nature à justifier de l’autoriser à créer et exploiter l’officine de pharmacie en litige » , retient le tribunal, qui conclut que l’arrêté du Pays « doit être regardé comme étant entaché d’une erreur d’appréciation » , et donc son autorisation annulée.
Teano Cojan a annoncé qu’il fera de nouveau appel de la décision. Mais les délais d’instruction de la cour de Paris sont longs – l’appel du Dr Cojan sur la deuxième annulation, de 2022, est toujours en cours – et Te Ora devra, en attendant, fermer ses portes.