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Crash d’Air Moorea : « Ce qu’attendent aujourd’hui les victimes, c’est une réponse judiciaire adaptée »

(crédit photo : Tahiti Nui Télévision)

Crash Air Moorea : "Ce qu’attendent aujourd’hui les victimes, c’est une réponse judiciaire adaptée"

Les réquisitions de l’avocate générale ont été supérieures à celle du procureur de la République lors du procès en première instance, en êtes-vous satisfaits ?
Me Thierry Jacquet : « Extrêmement satisfait. Madame l’avocate générale avait une connaissance précise du dossier, elle a visiblement analysé tous les rapports qui lui ont été soumis. Je pense qu’elle a balayé tous les arguments avancés par la défense. Et nous sommes satisfaits, c’est un excellent travail. »

2 à 3 ans de prison ferme, c’est une peine justifiée ?
Me Thierry Jacquet : « Ça me paraît à la mesure des conséquences de ce drame. Il ne faut pas oublier qu’il y a 20 personnes qui sont mortes et qu’il y a de nombreuses familles qui attendaient une réponse. »

Me Rosenthal, concernant la sécurité aérienne en Polynésie, vous l’aviez souvent évoqué lors de vos interventions et surtout lors de l’intervention des témoins cités par la défense. Que peut-on dire aujourd’hui sur la sécurité aérienne en Polynésie ?
Me Etienne Rosenthal : « En matière de sécurité aérienne, c’est une nécessité absolue, mais en Polynésie c’est encore plus fort, c’est primordial. La Polynésie, c’est plusieurs archipels au milieu de l’océan Pacifique. Si vous voulez quitter le territoire aujourd’hui, en dehors de la très petite option bateau, vous n’avez que le transport aérien, donc pour moi, il faut avoir une tolérance zéro en Polynésie, en matière de sécurité aérienne. »

Pour vous les manquements dans l’entretien des aéronefs d’Air Moorea sont totalement avérés ?
Me Etienne Rosenthal : « Ils sont totalement avérés et à mon sens, aujourd’hui ils ne doivent plus se reproduire. La façon dont la défense a organisé sa défense, si j’ose dire, laisse penser qu’en voulant contester les fautes qui ont pu être commises par les uns et les autres, on ne reconnaît pas des procédures dégradées qui ont été évoquées par l’avocate générale. Et ces procédures dégradées doivent disparaître. Il doit y avoir, à mon avis, un travail profond qui doit être entrepris au sein des différentes compagnies qui opèrent à Tahiti, au-delà de ce qu’on a pu apprendre avec ce crash. Il faut aujourd’hui prendre les choses sérieusement en main. »

Pour en revenir au débat à la cour d’appel, les experts, ce sont des témoins cités par la défense, mais qui ont un certain niveau de qualification. Que pensez-vous de leurs interventions qui venaient contredire tout ce que les experts judiciaires avaient pu dévoiler lors de leur rapport en première instance ?
Me Thierry Jacquet : « Leurs interventions auraient pu être intéressantes. Elles auraient pu apporter une plus-value si effectivement ils s’étaient soumis eux-mêmes à la déontologie des experts, c’est-à-dire que le principe d’une expertise, c’est le contradictoire, la possibilité d’entendre les avis des uns et des autres, même si ce ne sont pas des avis convergeant. Et en ayant également une méthodologie qui est une analyse globale. C’est-à-dire qu’on ne peut pas demander à un témoin de se cibler sur un point précis et après en tirer quelle conséquence que ce soit. Dans ce dossier, il y a plusieurs éléments, qui sont notamment les problématiques de maintenance au sein d’Air Moorea, les problématiques de respect de la documentation et du contrôle de cette documentation. Par ailleurs il y a la problématique de l’entretien des avions, la problématique des conditions dans lesquelles l’accident est intervenu. Si on prend des experts de manière éparse et qu’on leur pose une question ciblée, forcément leur réponse est ciblée, mais on n’a pas une vision d’ensemble. On a l’impression d’avoir une série d’experts qui arrivent avec des pièces de puzzle, mais chacune d’une taille différente. Et donc avec ça on n’arrivait pas à avoir un paysage complet. Par contre, les experts qui ont été désignés par le juge d’instruction, qui ont été mandatés pour faire une analyse, ils ont balayé l’ensemble des causes. Ils ont regardé l’ensemble des éléments du dossier pour arriver à une réponse cohérente complète. »

Nikolaz Fourreau a expliqué que quelle que soit l’issue du procès, elle ne remplacera pas la vie des 20 personnes disparues… Qu’est-ce que les familles des victimes peuvent attendre de la décision de la cour d’appel ?
Etienne Rosenthal : « Encore une fois, les familles des victimes ne cherchent pas à tout prix à avoir un responsable désigné. Elles attendent aujourd’hui une réponse juridique à une catastrophe, en fonction des fautes qui ont pu être commises. A partir du moment où ces fautes sont avérées, et certains des prévenus ont reconnu à demi-mot l’existence de fautes, mais ont tenté de les réduire à des fautes sans conséquences qui peuvent être mises sur le compte de ci ou de ça. Ce n’est pas acceptable pour ces familles qui savent que, parce que les débats et l’instruction l’ont montré, il y avait ces procédures dégradées dans l’atelier, dans l’encadrement des personnes, dans leur formation, dans leur méconnaissance de l’anglais par exemple. On a pu voir que les manuels de la plupart des constructeurs d’avion sont en anglais, et vous avez un niveau d’anglais qui ne le permet pas, donc on va voir quelqu’un d’autre qui a un dictionnaire… Ce n’est pas tolérable. Donc tout cela a dû concourir, en fonction des fautes de chacun, il y a un ensemble de faits, c’est pour cela qu’on est sur une causalité indirecte, mais certaine ! Ce qu’attendent aujourd’hui les victimes, c’est une réponse judiciaire adaptée. On ne peut pas ramener dans le monde des vivants les personnes qui sont décédées. Mais elle peut sanctionner, je ne parle pas de peines, mais simplement de déclaration de culpabilité, les personnes dont les fautes ont contribué à la survenance du dommage et de l’accident. »

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