Entre avril 2011 et septembre 2015, la prévenue soutire au total plus de 6 millions de Fcfp à un couple de matahiapo qui vivent de la terre, à Raiatea. Au moment des faits, la femme exerce en tant que commerciale patentée pour une entreprise externe et est également gérante d’une boutique. Elle démarche divers produits auprès de 4-5 clients, selon ses dires, mais découvre la poule aux oeufs d’or lorsqu’elle frappe à la porte d’un couple de personnes âgées. Commence alors le « business » parfait : la démarcheuse parvient à leur vendre plusieurs produits dont 8 couvertures d’une valeur d’environ 30 000 Fcfp chacune. Pour régler les achats, le couple, dont la pension de retraite ne s’élève qu’à 41 000 Fcfp par mois, accepte de signer plusieurs ordres de paiement.
Rien d’anormal jusqu’ici. Sauf que la vieille dame est atteinte de la maladie d’Alzheimer et que c’est surtout avec elle que s’entretient la démarcheuse. « Comment avez-vous fait pour convaincre la mamie de signer les papiers à chaque fois ? » interroge le juge. La démarcheuse explique avoir eu connaissance du potentiel lucratif de l’affaire lorsqu’une des employées de sa boutique a déposé un ordre de virement par erreur qui a été, contre toute attente, accepté. Là, les signatures s’enchainent. En tout, 107 ordres de virement sont comptabilisés, d’une valeur totale de 6 millions de Fcfp.
Malgré les questions du président de la Cour, la commerciale n’avoue qu’à demi mot avoir eu conscience de l’état de santé de la mamie. Ce n’est que face aux questions plus insistantes du Procureur que la quarantenaire admet avoir profiter de la vulnérabilité de sa cliente.
Néanmoins, elle se justifie en répétant qu’elle avait « du mal à joindre les deux bouts ». Mère de deux enfants qu’elle élève seule, elle explique utiliser l’argent soutiré uniquement pour payer les frais de scolarité et les charges liées à sa boutique.
Alors pourquoi le montant des ordres de virement augmente-t-il au fil des années ? interroge le juge, peu convaincu. De 25 000 Fcfp au départ, à 50 000 Fcfp et jusqu’à 160 000 Fcfp par ordre en 2015… D’autant que le dossier mentionne que la femme a déclaré toucher 7 millions de Fcfp de commission par an, grâce à son activité de démarcheuse.
« Madame avait bien compris que ces clients, c’était ceux-là qu’elle pouvaient considérer comme des vaches à lait », s’indigne le Procureur. Pour lui, la démarcheuse a clairement « abusé de ces pauvres gens », tous deux décédés aujourd’hui.
Du côté de la partie civile, le couple de matahiapo est dépeint comme d’honnêtes paysans, qui, pour rembourser leurs dettes auprès de la démarcheuse, « faisaient le marché tous les jours » pour vendre leurs légumes, malgré leur âge avancé. Le papy « était à quatre pattes dans son fa’a’apu tous les matins », s’émeut l’avocate de la partie civile, avant de s’étonner des objets vendus. Des bijoux et « des couvertures en pays chaud », rappelle-t-elle. « [La mamie], elle ne se souvenait même pas [avoir signer des papiers]. Heureusement que de temps en temps de loin, les voisins ou la famille voyaient [la démarcheuse]« , ajoute la partie civile.
Ce n’est qu’après 4 ans d’abus que le papy se décide à porter plainte contre l’escroc. Cette dernière revient alors le voir et le supplie à genoux de retirer sa plainte. Elle fait de même auprès de la fille du couple, promettant de rembourser ses parents. En vain.
Dès octobre 2015, et malgré le refus de la fille du couple, la démarcheuse réalise régulièrement des virements sur le compte des matahiapo. « Elle a pris conscience qu’elle a commis une faute et c’est là le plus important », avance son avocat qui estime qu’aujourd’hui, plus de 3,9 millions de Fcfp ont été remboursés. L’autre partie de la somme, c’est la société employant la commerciale qui l’a reversée aux victimes. Société que l’accusée s’emploie à rembourser encore aujourd’hui. Par ailleurs, « c’est le seul écart qu’elle ait eu » poursuit l’avocat de la défense qui souligne que sa cliente reconnaît l’entièreté des faits.
Après délibération de la cour, la démarcheuse a été condamnée à un an de prison avec sursis et obligation d’indemniser les victimes sous peine de révocation du sursis. À la demande de l’avocat de la défense, la condamnation ne sera pas inscrite sur le casier judiciaire B2 (accessible aux entreprises) de la commerciale afin qu’elle puisse continuer de travailler pour rembourser ses dettes.