L’incendie s’était produit en début d’après-midi de ce 10 juin 2018 dans le quartier de Nuutania à Faa’a. D’origine humaine, il aurait été déclenché par l’une des résidentes de ce “foyer” de Faa’a, schizophrène. Les flammes avaient rapidement embrasé le 2e étage de la bâtisse causant la mort d’un homme de 31 ans, asphyxié par les fumées toxiques.
Le bâtiment accueillait de nombreuses personnes sous tutelle ou curatelle, placées par l’une des associations du fenua intervenant dans le domaine. Mais le “foyer” était loin d’être aux normes, c’est le moins que l’on puisse dire.
Il avait en effet été construit par ses propriétaires sans délivrance d’un permis du service de l’Urbanisme, n’avait pas non plus été déclaré comme établissement recevant du public, et ne disposait d’aucun détecteur de fumée, ni de sortie de secours. Aucune assurance n’avait en outre été souscrite.
“Vous fonctionniez dans l’illégalité la plus totale. C’était un no man’s land juridique”, a résumé le président du tribunal face au couple âgé appelé à la barre. “On était sûr qu’on n’allait pas accepter notre permis de construire. On a essayé de régulariser la situation, mais on nous a dit que ce n’était pas possible”, a tenté de se justifier l’épouse.
Celle-ci a ajouté que l’association lui demandait d’héberger de nombreuses personnes et qu’elle acceptait de les accueillir car elle avait “la bonté du cœur”. “C’est peut-être aussi l’amour de l’argent. Ils payaient combien les gens ?”, a retorqué le président. “34 000 francs par mois”, lui a répondu la sexagénaire.
La prévenue fait un malaise
“Cette affaire vous a-t-elle affectée ?”, a enchaîné le magistrat. “Je n’en dors plus”, a soufflé la prévenue avant d’être victime d’un malaise dans la salle d’audience. Les pompiers ont dû intervenir et la conduire à l’hôpital, accompagnée de son mari. Le procès s’est donc poursuivi sans eux.
“C’est un dossier pénible et assez effrayant. La déclaration de madame sur la bonté du cœur me reste un peu sur le ventre. Il y a eu de multiples fautes causales et répétées de ce couple qui ont abouti à cette tragédie”, a tonné la procureure. Selon ses calculs, le chiffre d’affaires annuel générait par les locataires oscillait entre “5 et 10 millions de francs”.
La représentante du parquet a également vertement critiqué l’association qui orientait les personnes qu’elle était censée protéger vers ce foyer qualifié de “poubelle” : “Quand on est un service de tutelles et qu’on envoie ses protégés dans un endroit pareil, il faut oser. Même si cela n’enlève rien à la faute des époux”.
Un moyen de défense également soulevé par l’avocate du couple, Me Béatrice Eyrignoux : “J’ai l’impression que tout le monde n’est pas présent à la barre aujourd’hui (…) Le problème, pour moi, c’est un peu cette association. Même beaucoup”.
“Oui, mes clients ont été payés pour accueillir ces personnes. Et cela a pris une telle ampleur qu’ils ont dû construire un étage à la demande, peut être, de cette association (…) Mes clients n’ont jamais imaginé une seule seconde qu’ils se retrouveraient un jour dans un dossier aussi grave (…) Ce sont des gens qui ont tout perdu”, a plaidé l’avocate.
Le couple a été reconnu coupable d’homicide involontaire par violation manifeste d’une obligation de sécurité. Les époux ont écopé de la même peine : 3 ans de prison entièrement assortis du sursis. Ils devront également verser 1 million de francs de dommages et intérêts au frère du défunt.