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Le confinement : un problème aussi pour la justice

L'avocat Philippe Neuffer et le bâtonnier Benoît Bouyssié.

Le confinement : un problème aussi pour la justice

TNTV : Comment cela se passe à Nuutania, selon les informations que vous avez ?
Maître Benoît Bouyssié, bâtonnier de l’ordre des avocats en Polynésie française : « Nous avons en Polynésie deux centres pénitentiaires, et on peut dire que nous avons en réalité le pire et le meilleur. La situation de Nuutania est particulièrement préoccupante, mais elle n’est pas préoccupante simplement du fait de la crise Covid-19, elle est préoccupante de manière générale depuis des années, à raison de la surpopulation carcérale, à raison de l’état sanitaire de cet établissement pénitentiaire. Naturellement, la crise du Covid n »est venue rien arranger. »

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On imagine qu’il y a encore moins de parloirs, qu’il y a aussi finalement eu peu de personnes qui sont sorties de prison comme c’était prévu par la garde des Sceaux…
« Alors c’est vrai que madame la garde des Sceaux avait fait des annonces en ce sens. Elle avait donné des instructions pour que des détenus en fin de peine puissent être libérés, environ 5 000. Je crois qu’en France, ces chiffres ont été respectés ou même dépassés. En revanche, selon la juridiction, la situation est vraiment différente, et ici, en Polynésie, je crois savoir que nous avons eu un peu moins de 5 libérations. »

Plus généralement, quelles sont les conséquences du confinement sur l’activité du tribunal. Est-ce que vous pouvez en voir de votre côté, en tant qu’avocat ?
« Alors, comme vous le savez, le tribunal est fermé du fait de la crise Covid, mais il est fermé uniquement au public, c’est-à-dire qu’en réalité, derrière les murs, les gens sont présents, les gens travaillent, bien-sûr certains des personnels sont confinés, mais des roulements ont été mis en place pour que le tribunal fonctionne à peu près normalement. On a établi un plan de continuité avec les magistrats de la cour, les magistrats du tribunal civil. Et ce plan de continuité, donc, s’écoule à peu près normalement, ce qui permet de gérer les dossiers les plus urgents, les plus essentiels, et naturellement, ceux qui le sont moins sont renvoyés à des dates ultérieures. »

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Est-ce qu’on peut imaginer que dans ces conditions, certains échappent à la justice ?
« Non, je ne pense pas, parce que pour tout ce qui est atteinte aux biens, atteinte aux personnes, la juridiction correctionnelle fonctionne au moyen des comparutions immédiates, qui est une procédure pénale rapide. Personnellement, lorsque je dois envoyer des avocats ou désigner des avocats pour intervenir en garde à vue ou même lors des commissions disciplinaires dans les établissements pénitentiaires, eh bien, j’ai toujours des avocats qui sont soit sur une liste et qui tournent eux-aussi, soit qui sont tout à fait prêts à se rendre et à exercer les droits de la défense. »

Quelles sont les conséquences, peut-être économiques et sanitaires, sur la profession des avocats ?
« C’est vrai que nous traversons, comme beaucoup d’entreprises, -parce qu’un cabinet d’avocats c’est une petite entreprise également, une période extrêmement difficile. Il y a des conséquences sanitaires et économiques graves.
Les conséquences sanitaires sont celles que nous connaissons tous, c’est-à-dire qu’un avocat comme une autre profession libérale ou comme une autre petite entreprise, ne se contente pas de rester derrière un bureau ou d’aller au tribunal. Les avocats, de jour comme de nuit, sont parfois désignés à amener à intervenir à l’autre bout de l’île pour assister des gens en garde à vue. Et donc ce sont des conditions de travail qui sont difficiles parce qu’il y a à ces moments-là une promiscuité judiciaire importante qui est potentiellement pathogène. Et c’est une des raisons qui ont fait que les avocats étaient très demandeurs de ce que les gestes barrières dont on nous parle tant soient effectivement respectés à l’intérieur des lieux de justice, dans les bâtiments qui sont sous la responsabilité de l’État.
(…) Nous avons eu grâce au pays un lot de 200 masques, mais c’est un lot qui va s’épuiser, je pense, malheureusement rapidement.
Et puis les conséquences économiques… c’est vrai qu’un tribunal fermé, un cabinet qui lui-même n’est pas ouvert à sa clientèle, c’est un cabinet qui ne génère pas de chiffre d’affaires, qui n’a pas de revenu, et donc c’est une situation qui ne peut pas durer. Il est important que les affaires reprennent dès qu’on sortira de ce confinement, que la machine judiciaire se ré-enclenche et fonctionne à peu près normalement. »

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