Pour le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, la sexagénaire n’a pas été exposée à une dose annuelle de rayonnements ionisants supérieure à 1mSv (millisivert) sur 12 mois consécutifs.
Le Civen s’appuie sur le rapport du commissariat à l’énergie atomique de 2006. Le CEA avait alors effectué une reconstitution des doses reçues par la population lors des essais atmosphériques de 1966 à 1974.
Le Civen s’est également justifié en prenant pour référence le bilan de la surveillance de la radioactivité en Polynésie française établi en 2014 par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui assure depuis 1962 une surveillance radiologique consistant à prélever et analyser des échantillons dans l’air, l’eau, le sol et les denrées alimentaires.
Comme l’a résumé le rapporteur public : « il résulte de ces études que seuls les tirs atmosphériques réalisés de 1966 à 1974 ont été à l’origine de retombées radioactives, immédiates ou différées, susceptibles d’effets à long terme sur les populations de la Polynésie française, et que la contamination de l’air, de l’eau et des différents produits alimentaires locaux n’a cessé de diminuer depuis 1974, à l’exception de la viande de bœuf produite à Tahiti, pour laquelle les valeurs du césium 137 demeurent très variables d’un prélèvement à l’autre, sans toutefois que sa consommation soit susceptible d’avoir une incidence notable sur la dose annuelle reconstituée d’exposition ».
Selon ces calculs, la requérante n’aurait ainsi été exposé qu’à une dose annuelle inférieure 0,045 mSv à partir de 1984.
La logique est la même pour une autre requérante de 54 ans ayant résidé à Arue depuis sa naissance puis à Vairao. Malgré son cancer du colon, inscrite à la liste des maladies radio-induites, le Civen s’est basé sur les mêmes études que le cas précédent. Elle fait toutefois mention de l’essai Centaure de 1974, où un enfant de 8 ans habitant Arue n’aurait, selon les études du CEA et de l’IRSN, reçu qu’une dose de 0,69 mSv, et donc sous le seuil fatidique des 1 mSv.
Pour ces deux demandes, le rapporteur public a conclu en rejet de leurs requêtes. Il n’en va pas de même pour les deux autres dossiers examinés par la juridiction « d’appréciation plus délicate et concernent des requérantes qui résidaient à Papeari au moment de l’essai Centaure, cas sur lequel vous n’avez encore jamais eu à vous prononcer » a estimé la magistrate. Les deux requérantes avaient 11 et 29 ans au moment de l‘essai Centaure. Pour le Civen, elles n’auraient alors été exposées qu’à des doses de 0,69 mSv et 0,57 mSv.
Les études et rapports « distinguent Hitiaa et Taravao du reste des Iles de la société dans la mesure où les retombées de l’essai Centaure ont été plus importantes au sud de l’isthme de Taravao, à proximité de Teahupoo, et à Hitiaa du fait des précipitations localisées plus importantes. La dose efficace reconstituée dépasse dans ces cas de figure le seuil d’1 mSv, à savoir 2,6 mSv pour Hitiaa et 3,6 mSv pour Taravao pour un adulte, l’exposition étant majorée pour un enfant. »
Ces études sont beaucoup moins précises pour Papeari. Le Civen produit une carte des estimations des retombées sur Tahiti. Une justification insuffisante pour le rapporteur public alors que Papeari est limitrophe de la Presqu’île, où des dépassements d’exposition ont été constatés en 1974.
Selon la magistrate, les deux requérantes ont donc raison de demander à être indemnisées. Elles avaient évalué leurs préjudice à hauteur de 30 millions. Le rapporteur public a demandé qu’une expertise soit menée pour justifier cette somme avant que soit ordonné son paiement par le Civen. Le tribunal rendra sa décision le 25 mai.