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Solène Belaouar : « La lutte contre les violences intrafamiliales, c’est la priorité des priorités »

La nouvelle procureure de la République en Polynésie, Solène Belaouar, était l’invitée du Grand entretien de TNTV, mardi soir. La chef du parquet, récemment installée dans ses fonctions, entend faire de la lutte contre les violences intrafamiliales, notamment celles envers les enfants, sa priorité. « C’est une fatalité que je refuse et que je combats », dit-elle. Interview. (Crédit: TNTV)

Solène Belaouar : « La lutte contre les violences intrafamiliales, c’est la priorité des priorités »

TNTV : Pour commencer, préfériez-vous que l’on vous appelle Madame la procureure ou Madame le procureur ?  

 Solène Belaouar : « A titre personnel, je dis plutôt Madame le procureur, mais je ne me formalise pas si certains préfèrent dire Madame la procureure ».

TNTV : Vous venez de prendre vos fonctions. Lors de l’audience solennelle au Palais de justice, vous avez présenté vos dossiers prioritaires, notamment la lutte contre les violences intrafamiliales. Les statistiques sont dramatiques en Polynésie. Comment peut-on faire mieux ?

Solène Belaouar : « Comme vous l’avez dit, la lutte contre les violences intrafamiliales, et particulièrement les violences conjugales, c’est la priorité des priorités sur le territoire. C’est pour cela que je souhaitais dès vendredi -jour de l’audience solennelle, Ndlr-, face aux différentes autorités et invités, insister sur cet axe qui sera fort dans ma politique pénale.  Comment faire mieux ? On peut toujours faire mieux. Il faut rechercher des moyens d’actions pour mieux détecter les faits, protéger les victimes et éviter la récidive. Il y a déjà beaucoup qui a été fait. Dans l’accueil des victimes notamment, dans une prise de conscience collective de la gravité de ces situations. Il faut continuer à travailler pour améliorer la réactivité, au niveau des services d’enquêtes, au niveau aussi des services du parquet. Utiliser toutes les voies pénales et développer un maximum de réponses pénales qui évitent la récidive ».

TNTV : Vous évoquez également la maîtrise des délais, entre la commission des faits, l’ouverture de l’enquête, le procès et l’application de la sanction. Là aussi vous allez travailler avec vos services pour réduire ces délais ?

Solène Belaouar : « La maîtrise des délais, en matière de justice pénale, est pour moi un enjeu essentiel, car c’est une question de crédibilité de la justice. Les auteurs ont besoin d’être jugés rapidement pour que cela ait du sens. Les victimes aussi ont besoin d’être fixées rapidement sur leur sort. Les peines doivent également être exécutées rapidement pour ne pas perdre leur sens. Il faut agir à tous les points de la chaîne pénale pour qu’il n’y ait pas de temps mort au niveau des services d’enquêtes, du parquet et, évidemment, dans l’exécution de la condamnation dont le parquet est là aussi responsable. Il y a des questions de moyens, bien sûr, derrière tout ça. Mais aussi des questions d’organisation pour qu’un dossier ne soit jamais posé sur une armoire, mais qu’il soit actif et qu’on mette en place des processus pour que les procédures avancent le plus rapidement possible ».

TNTV : Travailler avec tous les acteurs de l’appareil judiciaire est également l’une de vos priorités ?

Solène Belaouar : « Oui. Je suis très attachée, au niveau du tribunal, à la notion de politique de juridiction. Ce n’est pas unièmement ma politique pénale en tant que procureur. C’est une politique qui doit être lisible pour tout le monde et adaptée aux capacités de la juridiction. Il faut de la concertation et du dialogue. Le but est de rendre une justice pénale qui soit le plus adaptée à la situation, et qui soit de meilleure qualité possible ».

TNTV : Vous avez également évoqué les violences à l’égard des enfants. Les mineurs victimes deviennent parfois des auteurs à l’âge adulte. Il y a une forme de fatalité que vous refusez aujourd’hui…

Solène Belaouar : « C’est une fatalité que je refuse et que je combats. D’ailleurs, il y a de nombreuses personnes qui ne reproduisent pas ce schéma, fort heureusement.  Mais on constate effectivement que quand on a grandi dans un climat de violences, il y a plus de risques qu’on puisse répéter ce genre de schéma. C’est la responsabilité de la justice pénale de protéger les enfants et de lutter contre les agresseurs qui peuvent s’en prendre à eux. Mais la justice pénale n’agit pas seule dans ce genre de situation. Ça implique les autorités de l’Etat et du Pays, la prévention, l’éduction, l’information du grand public. C’est vraiment un combat qui doit être général ».

TNTV : Vous prônez également une justice de proximité, une meilleure connaissance de votre action par les justiciables…

Solène Belaouar : « La justice de proximité est un enjeu capital dans un territoire comme celui de la Polynésie française pour que tous les Polynésiens, quel que soit leur lieu de résidence dans ce territoire très vaste, puissent avoir accès à la justice, à un juge. C’est un vrai enjeu dans l’organisation du parquet. Je souhaite aussi que la justice pénale soit mieux connue. Je souhaite être ouverte à la communication pour expliquer ce que l’on fait, pour expliquer comment fonctionne la justice. C’est important que les gens aient accès à ça ».

TNTV : Vous comptez proposer des visites pour les étudiants et scolaires afin qu’ils voient comment le parquet fonctionne. Comment comptez-vous procéder ?

Solène Belaouar : « Sur les actions à destination des scolaires et des étudiants, je crois qu’il existe déjà des actions de ce type. Mais je serais tout à fait prête à ouvrir les portes du tribunal pour venir assister à des audiences ou faire des actions d’information plus documentées. Pourquoi pas faire des procès fictifs pour que les étudiants ou les jeunes élèves puissent s’identifier aux différents métiers de la justice ? Mais c’est quelque chose que j’évoquerai avec la présidente du tribunal, avec la cour d’appel. C’est, là aussi, un projet que nous pourrons porter tous ensemble ».

TNTV : Lors de votre discours de prise de fonctions, vous avez également évoqué les contentieux liés aux litiges fonciers. C’est une vraie problématique en Polynésie française. Comment y remédier ?

Solène Belaouar : « C’est effectivement un enjeu capital. Le tribunal foncier a beaucoup œuvré ces dernières années pour régler les affaires de terre. En quoi le parquet est-il directement concerné ?  Parce que j’ai en charge le service civil du parquet. Je m’assure, dans ce cadre, de la bonne tenue des registres d’état civil. Je suis en lien, via le greffe et mon équipe, avec les officiers d’état civil. Il y a un gros travail qui est fait pour bien reconstituer les filiations, s’assurer des états civils des personnes, car, derrière, il y a des implications juridiques très fortes. Et ça, c’est une compétence du parquet ».

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