Le débat politique et parlementaire sur le projet de budget 2025 se poursuit dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Arrivée au palais Bourbon en 2023, suite à l’élection de Moetai Brotherson, ancien député de cette circonscription, à la présidence de la Polynésie, Mereana Reid Arbelot est élue pour la première fois en juin dernier, à l’occasion des législatives anticipées.
Et dans l’âpreté des débats qui entourent le budget, lié à une configuration inédite de trois blocs sans majorité, la députée affiche une confiance et une sérénité qui dénotent. « Vous savez, le Parlement, on peut le voir de plusieurs façons. On peut voir la majorité et l’opposition, mais on porte surtout des sujets qui doivent nous rassembler, quelle que soient l’idéologie politique ou le parti (…). Donc, que la majorité soit nette ou pas, pour moi, ce n’est pas vraiment un sujet ».
Commission d’enquête sur les essais nucléaires et amendement pour les ayant-droits
Lors de la précédente mandature, aussi courte fut-elle, la députée avait obtenu la création d’une commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires. Mais en raison de la dissolution, celle-ci a été « avortée » après seulement un mois de travaux, « sur les six prévus ». « J’ai refait une proposition de résolution pour renouveler cette commission d’enquête » explique la députée. Procédure obligatoire dans la mesure où Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée, a décidé de garder seulement deux commissions d’enquêtes de la précédente mandature.
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Mereana Reid Arbelot a bon espoir que sa commission soit renouvelée. Elle a pour elle le soutien du président de son groupe, André Chassaigne. « Ça a été une de mes motivations, si ce n’est pas la principale, de me représenter. C’est pour vraiment mener à terme cette commission d’enquête qui, je pense, est due à la Polynésie et à ses habitants », assure aussi la députée.
Toujours sur le sujet des conséquences des essais nucléaires, Mereana Reid Arbelot va défendre un amendement au budget 2025 « qui concerne la possibilité pour les ayant droit des victimes directes de proroger les délais de dépôt de demande d’indemnisation en tant qu’ayant droit ». « Ce délai vient à terme le 31 décembre 2024. Donc, il est plus qu’urgent de demander une prorogation de ce délai », a-t-elle expliqué. Pour l’heure, l’amendement n’a pas encore été étudié en commission des Finances, mais la députée se veut confiante.
« C’est une discussion déjà qu’on a eue avec les ministères. Je pose l’amendement au PLF. On va voir ce que va donner l’avis (de la commission, ndlr) sur l’amendement, et éventuellement son adoption ou son rejet ». En cas de rejet, la députée a déjà une proposition de loi prête « pour demander la même chose, c’est-à-dire la prorogation des délais ». « Mais je rajoute aussi un point qui est important pour les ayant droit des victimes, c’est-à-dire la prise en compte de leur préjudice propre en tant qu’eux aussi victime par ricochet ».
Des victimes collatérales qui sont généralement des enfants qui « arrêtent de travailler pour être complètement des soutiens pour leurs parents malades en fin de vie » ou des enfants en bas-âge, dont la maladie d’un parent affecte. Dans les deux cas, « il y a un préjudice économique, au-delà du préjudice affectif ». « Il faut noter qu’aujourd’hui, pour les victimes de l’amiante, les victimes par ricochet sont indemnisées par un fonds qui s’appelle le FIVA. Et je ne comprendrai pas pourquoi les victimes des essais nucléaires ne pourraient pas bénéficier du même type de fonds pour prendre en compte aussi leurs ayants droit », estime la députée.
Restitution des restes humains : un amendement et un projet de loi ad hoc pour les Kali’na de Guyane
Autre amendement défendu par la députée -et adopté en commission de la Culture-, celui d’une aide logistique de 250 000 euros, de la part de l’État, dédiée à Moliko Alet+po, association amérindienne de Guyane qui œuvre à la restitution des restes humains Kali’na conservés dans l’Hexagone, et datant des « zoos humains » de la seconde moitié du XIXème siècle. Plus précisément, « six personnes exhibées au Jardin d’Acclimatation en plein hiver, mortes de froid ». L’idée pour la députée est que l’État prenne en charge le transport ou encore les frais de douane de l’association qui, pour rapatrier les ossements, observe des rituels ancestraux en guise de réparation culturelle.
« On fait tout avec d’autres collègues ultramarins pour les aider » assure la députée qui évoque « une loi ad hoc » dédiée spécialement à la restitution des restes humains Kali’na, « pour aller plus vite, plutôt que d’attendre une loi-cadre » qui englobera l’ensemble des Outre-mer. Car à ce sujet, la loi sur la restitution des restes humains d’État à État, adoptée l’an dernier, exclut de fait les territoires ultramarins. Pourtant, outre les Amérindiens de Guyane, ces restitutions concernent aussi les Kanak ou encore les Polynésiens.
« Il y en a qui sont un peu disséminés dans toute la France. On a aussi des restes humains à Hawaii. On a récupéré des restes humains marquisiens qui étaient au musée de Stockholm. Ça a été fait dans les années précédentes. C’est quelque chose qui existe pour les Polynésiens et c’est aussi, je pense, un sujet qu’on ne doit pas traiter à la légère parce que nos communautés en Polynésie sont aussi très touchées par le fait de récupérer les restes de leurs ancêtres. À nous d’être le plus juste possible dans les textes » assure la députée.
Inquiétudes sur les retraites des fonctionnaires
Mereana Reid Arbelot s’investit aussi dans la situation des fonctionnaires et militaires en Polynésie, et en ce moment plus précisément, sur leur retraite, autrement appelé « pension civile ou pension militaire », parallèlement à l’Indemnisation temporaire de retraite (ITR) qui depuis sa réforme en 2008, doit progressivement disparaître à l’horizon 2028. Sujet technique, admet la députée, mais l’ITR complétant la retraite des agents de la fonction publique, sa disparition impacte nécessairement ces derniers.
« Depuis qu’elle est passée sous un certain montant, notamment 8 000 euros en annuel, les nouveaux retraités ont bien senti le plongeon de leur pouvoir d’achat, en tout cas de leur niveau de vie, en passant de l’activité à la retraite » alerte la députée. « Depuis 2018, l’État a mis en place un comité interministériel pour trouver un dispositif qui pourrait se substituer à l’ITR et à sa disparition. Ce dispositif a été voté l’an dernier dans le PLF précédent pour cette année. Mais en l’étudiant précisément et en détail, on se rend compte qu’il ne répond pas à la problématique de perte de pouvoir d’achat, une perte vertigineuse ».
« Surtout, la disparition de l’ITR a mis en exergue, le calcul incomplet de la pension des fonctionnaires d’État et des militaires », ajoute-t-elle : « C’était un calcul incomplet puisqu’il ne se basait que sur une partie du traitement de l’agent ». Mereana Reid Arbelot dit être « allée expliquer dans les Ministères que la pension civile et militaire doit être calculée sur tout le traitement d’un fonctionnaire et non pas seulement sur une partie ».
Un exemple chiffré, plus parlant : « Pour un traitement en activité de 1 000 euros à Paris, le fonctionnaire va partir avec 750 euros de retraite. En Nouvelle-Calédonie, il va partir avec 434 euros, en Polynésie, avec 408 euros et à Wallis-et-Futuna avec 366 euros. C’est inéquitable. À l’époque, l’ITR faisait la balance. Mais maintenant qu’il n’y a plus l’ITR, on voit bien qu’il y a un problème d’équité. Et donc tout l’enjeu, c’est de faire accepter cet état de fait au gouvernement ou de convaincre mes collègues du Parlement de cette situation qui n’est pas acceptable pour les fonctionnaires et les militaires d’Outre-mer ».
« Ce qu’on essaye aussi de démontrer » détaille encore la députée, « c’est que les fonctionnaires et les militaires du Pacifique cotisent en plus sur cette part majorée qui n’est pas prise en compte ». « Depuis 1974, le coefficient de majoration, qui majore leur traitement, est appliqué sur le traitement net, c’est-à-dire sans les retenues sociales. Donc, ça leur donne une part majorée nette. Ça veut dire qu’ils cotisent déjà sur leur part majorée. C’est une double peine : Non seulement ils cotisent, ils ne sont pas servis des sommes équivalentes à leur retenue sociale sur la part majorée, mais on ne leur donne pas la pension équivalente une fois qu’ils partent à la retraite. Donc, j’essaie d’expliquer ça. On a aussi préparé un amendement qui rétablit l’application du coefficient de majoration sur le brut. Et ensuite, on propose que les fonctionnaires cotisent sur leur part majorée à la pension civile et à la sécurité sociale ».
Évacuation sanitaire, molécules onéreuses, continuité territoriale
Bien que la députée se soit engagée à défendre cette proposition devant l’Hémicycle, la Commission des finances a déclaré irrecevable un premier amendement, considérant qu’il créait une charge pour les finances publiques, ce que la Constitution ne permet pas aux parlementaires. Parmi les autres amendements défendus par Mereana Reid Arbelot, la commission des Finances a adopté un amendement allouant 8 millions d’euros et un autre allouant 4 millions d’euros pour les évacuations sanitaires, ainsi qu’un amendement de 20 millions d’euros sur les molécules onéreuses et un amendement actant l’ouverture de la continuité territoriale à l’intérieur d’une même collectivité, département ou région d’Outre-mer.
Ouverture d’une classe dédiée aux enfants atteints de TSA, une première en Polynésie
Sur un volet plus sociétal, Mereana Reid Arbelot s’est penché sur la prise en charge des enfants atteints de troubles du spectre autistique en Polynésie, en étant une « articulation » entre l’association tahitienne Tous CAApable et les pouvoirs publics dans l’Hexagone, pour l’ouverture prochaine d’une classe dédiée à ces enfants. Avec le président de l’association Tous CAApable, Sébastien Rougé, la députée a visité une unité d’enseignement maternel pour autistes (UEMA) à Mantes-la-Jolie, en région parisienne. L’occasion aussi de constater « l’articulation entre la commune, les associations et la région pour mener à bien de tels projets ».
« La visée de ces unités, c’est de pouvoir amener les enfants TSA ou TSL (pour le langage) dans une vraie école, non pas dans un centre où ils seraient cachés ou seuls entre eux. C’est vraiment de les inclure au sein d’une école et ensuite de leur fournir du personnel adapté à leur apprentissage spécifique, puisqu’il y a des particularités d’apprentissage dans une classe un petit peu mise aux normes pour eux », explique la députée qui souligne la nécessité de classes aux « murs blancs », appelant « au calme ». « À la récréation, ils peuvent tout à fait décider de rejoindre les autres enfants. Et petit à petit, ils espèrent pouvoir intégrer, inclure ces enfants avec des troubles du spectre autistique avec les autres ».
A Tahiti, Pirae a déjà fait savoir son intérêt pour accueillir une telle classe dans une de ses écoles. Et d’autres communes de la presqu’île pourraient aussi être intéressées. Avec une moyenne de 21 naissances TSA ou TSL sur 1 400 par an, le besoin est bien présent. D’autant que la députée le souligne, l’autisme en Polynésie reste depuis de longues années sous les radars. « Les personnes atteintes de troubles du spectre autistique n’ont jamais été décelées. Et aujourd’hui, on a des adultes qui sont laissés pour compte parce qu’on ne sait pas ce qu’ils ont, parce que leurs familles n’ont jamais été aidées non plus. C’est un sujet à traiter sous un angle plus important ».