Pas de surprise, de mots tendres ni de président du Pays lors de l’examen de la seconde mouture de la loi fiscale, ce jeudi après-midi à Tarahoi. L’ouverture de la première séance administrative dans la matinée avait vu Moetai Brotherson demander – et obtenir – une « motion de confiance » des élus de la majorité. C’est donc le ministre des Finances Tevaiti Pomare qui essuie les critiques de l’opposition, Tepuaraurii Teriitahi (Tapura Huiraatira) en tête.
« Il n’a pas besoin d’être là, vous lui avez signé un chèque en blanc » , lance cette dernière à la majorité Tavini. Édouard Fritch ne manque pas non plus de relever l’absence du président du Pays, raillant le titre du roman d’un « président absent comme le roi » . « On a l’impression que la loi n’a pas été annulée (…) Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, déclare-t-il. Malgré la suppression de la TVA sociale, les prix continuent d’augmenter. Cette réalité vous est insupportable » .
Surtout, l’ancien président du Pays tire sur l’incapacité du gouvernement à chiffrer les conséquences fiscales de l’annulation de la loi prononcée par le Conseil d’État, dans des termes crus. « Ce que vous dites, c’est ‘Ne te casse pas la tête, frérot, ça ira toujours bien’ » , lance Édouard Fritch à Tevaiti Pomare, rappelant que l’avocate du Pays avait avancé 1,7 milliards de francs de pertes fiscales en cas d’annulation de la réforme devant le Conseil d’État.
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Rétroactivité et fragilité juridique
Pas un souci pour autant, estime Tevaiti Pomare… tant que l’amendement demandant la rétroactivité de la loi au 15 décembre 2023 est voté. Sans quoi, le Pays serait amené « à devoir rembourser aux entreprises et particuliers, et dans d’autres cas, à rappeler des droits et taxes » dans des proportions que le ministre des Finances tarde à préciser. Total à réclamer pour les finances publiques : 343,8 millions de francs , total à rembourser : 154,4 millions. Des chiffres dont les détails sont parvenus « tardivement » , quelques instants avant le début de la séance selon l’opposition. « C’est un défaut d’information (…) un motif d’annulation sur la forme, de nouveau, estime Édouard Fritch. Un « foutage de gueule » ose Nuihau Laurey devant l’assemblée.
Sur ses implications juridiques et comptables, la notion de rétroactivité est largement questionnée par Tepuaraurii Teriitahi, évoquant le budget 2024 devenu insincère avec l’annulation du Conseil d’État. « On est déjà dans l’insincérité, mais on risque de s’y enfoncer encore plus !, s’exclame-t-elle. Et lorsque Tevaiti Pomare évoque l’article 145 du statut pour justifier que le budget restera bien dans les clous, elle lui rétorque qu’il s’agit d’un article de « petite rétroactivité« , citant la jurisprudence contradictoire du Conseil d’État en la matière. « Vous dites au Conseil d’État que vous vous asseyez dessus. Vous exposez le budget de notre pays à une fragilité juridique. J’ai l’impression d’être à la roulette » .
« S’agissant de cette disposition sur la contribution supplémentaire à l’impôt sur les sociétés, vous souhaitez une rétroactivité qui porterait sur l’exercice clos avant le vote de cette loi, ajoute Nuihau Laurey. Ce n’est plus une petite rétroactivité, c’est un univers parallèle« . Le leader de A Here Ia Porinetia estime que la concertation est inévitable. « Ne peut-on pas imaginer reporter la mise en œuvre de ce texte au 1ᵉʳ janvier 2025 pour permettre une véritable concertation ? Interroge-t-il. Il faut mettre à profit ces 6 mois avant la session budgétaire (…) pour une vraie réforme acceptée par les acteurs économiques » .
Les 3 amendements du Tapura et les 6 des non-inscrits ont finalement tous été rejetés, la majorité faisant – de nouveau – passer sa loi fiscale et son effet rétroactif en express par 38 voix pour contre 19.