TNTV : Vous avez donc annoncé, lors du défilé du 14 juillet, la volonté de l’État d’accentuer l’aide faveur des logements sociaux intermédiaires en Polynésie. Concrètement, comment cela va-t-il se traduire ? Vous évoquiez la création d’un modèle qui existe déjà en Nouvelle-Calédonie par exemple...
Eric Spitz, haut-commissaire de la République en Polynésie française : « Oui, aujourd’hui, on a un modèle qui n’est pas satisfaisant pour deux raisons. La première, c’est qu’il y a 4000 ménages qui attendent un logement. Et la seconde, c’est que nous n’avons pas de logements intermédiaires à offrir aux jeunes couples ou aux personnes qui débutent dans la vie (…). Nous faisons cette proposition, l’État via la caisse des dépôts et conciliations, de changer de modèle. C’est-à-dire, plutôt qu’un modèle qui fonctionne sur des subventions, un modèle qui fonctionne sur des prêts à très long terme sur 60 ans à des taux très bas, ce qui permet aux opérateurs de faire du logement rentable et puis aussi un modèle où on paye son loyer. Parce qu’aujourd’hui à peine 30% des loyers de l’OPH sont encaissés, je souhaite un modèle où on soit plus proche des 98-99%. Après, il y a des détails qu’il faut changer dans les lois de Pays et c’est ce dont je vais m’entretenir avec le président demain matin et je ne voudrais pas qu’il apprenne cela en regardant la télé. »
TNTV : Vous rencontrez le gouvernement demain matin (mardi, NDLR). Est-ce que vous avez une idée du montant de cette aide ?
Eric Spitz : « Ça sera en fonction des besoins du Pays et il faudra modifier un certain nombre de lois de Pays pour permettre au Pays de garantir ces emprunts. (…). En Nouvelle-Calédonie l’aide de l’État est contrainte de baisser parce que la Nouvelle-Calédonie perd des habitants. Donc, c’est autant d’argent en plus pour la Polynésie française qui, elle, gagne des habitants. »
TNTV : L’État qui investit près de 200 milliards de Fcfp en Polynésie, c’est en 2022, un peu plus qu’en 2021. La vie quotidienne des Polynésiens ça fait aussi partie des préoccupations de l’État…
Eric Spitz : « Oui, bien évidemment, sur ces 200 milliards, il y en a environ 100 qui vont au Pays, 17 qui vont aux communes et les 83 restants c’est l’État qui finance les compétences qu’il exerce sur le territoire. Je vous rappelle que l’État protège, non seulement, via les forces de sécurité intérieure, mais aussi par la construction aussi d’abris anticycloniques sur les îles. L’État insère, avec le RSMA, plus de 600 jeunes par an. L’État, via le fonds de transition écologique, le Fonds vert, finance aussi le développement durable et la transition énergétique. Donc dans tous ces domaines, nous sommes présents et nous travaillons bien évidemment en partenariat étroit avec le gouvernement. »
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TNTV : L’État qui est aussi présent dans la sécurité routière. Une autre préoccupation de plus en plus prégnante sur notre territoire. Le nombre d’accidents est en hausse : 20 morts sur les routes depuis le début de l’année. Vous aviez annoncé en janvier la mise en place de contrôles offensifs et dissuasifs en matière de répression. Le bilan malheureusement continue de s’aggraver. Qu’est-ce qu’on peut faire de plus aujourd’hui ?
Eric Spitz : « Il faut regarder le bilan avec lucidité. L’année dernière, 61% des tués étaient des deux roues, 19% étaient des piétons. Vous savez qu’ici la limite maximale, c’est 90 km/heure, finalement il y a assez peu d’accident avec des véhicules. Ce sont en général des gens qui, sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, se tuent tout seuls, vont heurter un arbre. Et, donc il faut vraiment qu’on cible notre priorité sur cette population. »
TNTV : L’idée, c’est de continuer la répression ?
Eric Spitz : « Non, c’est par exemple de rendre les casques obligatoires et portés correctement, c’est de rendre obligatoires le port de gilets fluorescents et c’est de poursuivre évidemment les contrôles d’alcoolémie et de stupéfiants. Et, pour couronner tout ce travail, l’idéal, ce serait que la Polynésie construise une fourrière parce que pour l’instant les véhicules s’entassent à la gendarmerie. Mais, on a vraiment un problème de place. Et, comme il y a énormément de gens qui roulent qui conduisent sans assurance ni permis de conduire, on sait que la seule solution pour empêcher ces conducteurs de rouler c’est de confisquer leur véhicule. Et, tous ces sujets vont être abordés avec le Pays.«
TNTV : Vous avez récemment évoqué une future dépense de l’État pour la Polynésie, celle du remboursement des frais engagés par la CPS pour la prise en charge des personnes atteintes de cancers liés aux essais nucléaires. Un montant global que vous avez évalué jusqu’à 5 milliards de Fcfp. Comment est-ce que vous avez fait vos calculs ?
Eric Spitz : « Les personnes indemnisées sont les personnes qui ont été reconnues malades par le comité d’indemnisation des victimes (Civen). Aujourd’hui en Polynésie, on a 300-350 personnes. Et la CPS propose que l’État lui rembourse 71 000 euros par cancer. Je pense qu’on montera peut-être à 400 ou 500 personnes reconnues victimes de ces essais. Après, c’est une simple règle de 3. J’ai multiplié 500 par 70 000 euros ce qui donne à peu près entre 3,5 et 4 milliards de Fcfp. Ça peut monter plus s’il y a plus de malades reconnus. »
TNTV : Vos relations avec le nouveau gouvernement ont l’air très sereines depuis votre installation et cette nouvelle page politique du fenua qui s’est tournéé lors les dernières élections.
Eric Spitz : « Oui, elles sont sereines, apaisées. Le président et moi-même, on s’était mis d’accord pour que lui aille à la fête de l’autonomie et que moi, je me rende rendre hommage aux personnes et soldats, français et tahitiens, qui ont été tués lors de cette fameuse bataille il y 180 ans. Et puis, autre preuve de cet aspect républicain de nos relations : le président de l’assemblée, le président du gouvernement, des ministres, l’ensemble des députés étaient présents pour le 14 juillet. Certains en écharpe tricolores, d’ailleurs. C’est à l’image de ce que sont nos relations. On discute logement, on discute cherté de la vie, on discute de ce qui intéressent au quotidien les Polynésiens finalement. »
TNTV : Cela augure de bonnes choses, notamment pour les JO puosque l’année prochaine, on imagine que vous devrez travailler de concert pour cet événement…
Eric Spitz : « Il y a 4 acteurs pour les JO : il y a l’État, le Pays, les délégations internationales aux Jeux olympiques et il y a France 2024 qui est le comité d’organisation. Nous avons fait la semaine dernière une excellente réunion. Et je dois saluer l’entrain, le dynamisme de la ministre des Sports qui porte pour le Pays ce projet. Nous, nous le portons aussi pour la sécurité. Nous sommes tous sortis de cette réunion vraiment rassurés et convaincus que nous allons avoir des très beaux Jeux olympiques et de belles images à montrer de la Polynésie. »