« Il ne se passe pas une semaine sans que quelqu’un vienne susurrer à mon oreille : ‘Il y a une motion de défiance qui se prépare’ (…) Ce matin, je voudrais demander à notre majorité une motion de confiance (…) Donc, qui est favorable à une motion de confiance ? », a lancé, en conclusion de son discours, le président du Pays aux élus de la majorité. Les représentants Tavini se sont alors levés de leurs sièges pour répondre favorablement à cette demande, sous de timides applaudissements toutefois.
« L’idée, c’est que les gens qui passent leur temps à entretenir ces ragots fassent autre chose (…) J’espère que cela clôturera ce débat une fois pour toutes », a déclaré à TNTV, en marge de la séance, Moetai Brotherson.
Interrogé sur cette « motion de confiance » le président de l’Assemblée, Antony Géros, a assuré qu’il s’était « toujours interdit de jeter le doute » sur le soutien de la majorité au gouvernement et que ce vote insolite avait permis « de couper court à tout sous-entendu ».
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L’opposition, elle, a raillé la démarche. « C’est extraordinaire. Il a démasqué les poissonniers. Les poissonniers viennent du Tavini Huiraatira (…) C’est unique. Il demande à sa propre majorité de se lever pour lui dire qu’elle lui fait confiance. Vous avez vu combien de temps ils ont mis à se lever pour certains ? », a commenté, ironique, le président du Tapura, Edouard Fritch.
Même son de cloche du côté de Nuihau Laurey du A Here Ia Porinetia : « Le président parle lui-même de cette rumeur -de motion de défiance, Ndlr-, cela indique que c’est quelque chose qui existe effectivement », a-t-il dit.
« Tout ne va pas si mal »
Moetai Brotherson
Lors de sa prise de parole, le président du Pays a également défendu le bilan des 11 mois de gouvernance de son gouvernement. « Dans les territoires d’Outre-mer, le nombre de défaillances d’entreprises a augmenté de 34,2% en 2023, sauf en Polynésie où nous avons au contraire une baisse de 16% (…) Les exportations de perles ont quadruplé pour atteindre un record historique de 8 milliards de francs (…) Et le nombre de demandeurs d’emplois est passé sous la barre des 10 000. Où est la catastrophe annoncée ? », s’est-il interrogé en lançant à de multiples reprises : « tout ne va pas si mal ».
« Ces chiffres positifs ne veulent pas dire que tout va pour le mieux », a-t-il toutefois tempéré en parlant de la nécessaire réforme des comptes sociaux aujourd’hui dans le rouge, mais aussi de la cherté de la vie. Des sujets sur lesquels le président de l’Assemblée l’a d’ailleurs interpellé dans son discours. « Je veux adresser en toute amitié et humilité (…) un message d’encouragement, mais également de préoccupations », a-t-il déclaré, évoquant « un sentiment d’attentisme et d’expectative de plus en plus affirmé de la part des forces vives » et « d’une partie de la population (…) face aux engagements électoraux ».
« Les enjeux de cherté de la vie, de pouvoir d’achat ainsi que de rééquilibrage de notre système de protection sociale (…) sont des leitmotivs qui résonnent encore dans l’esprit de la majorité des élus », a-t-il ajouté avant de conclure : « Nous comptons sur vous monsieur le Président » pour répondre « aux préoccupations quotidiennes ».
« On se fout de la tête du monde »
Edouard Fritch
« Le message a déjà été reçu à plusieurs occasions », lui a répondu Moetai Brotherson. Celui-ci a indiqué que cette année avait été consacrée, et le sera encore, à la « concertation » avec les élus, les acteurs du monde économique et de la société civile. Pour favoriser ces échanges, il a annoncé la suppression dès la semaine prochaine du pré-conseil des ministres afin de dégager du temps pour l’organisation de ces rencontres.
« Le chantier de la programmation budgétaire triennale (…) permettra à l’Assemblée, mais aussi et surtout au monde économique d’avoir cette visibilité sur 3 ans », a-t-il notamment précisé.
La concertation ? « Ce ne sont que des mots », a taclé Nuihau Laurey, « nous allons examiner la loi fiscale qui est de nouveau présentée à l’Assemblée de manière totalement identique à la première mouture, sans aucune concertation. Le Medef l’a indiqué lui-même. Il y a un sentiment de non-respect de la parole des acteurs économiques ».
« On prend les mêmes et on recommence. On se fout de la tête du monde (…) Combien de temps avons-nous travaillé cette année à l’Assemblée ? Combien de lois ont été votées ? On a tout fait sauf s’occuper de la vie des populations », a renchéri Edouard Fritch.
Au sujet de la nouvelle mouture de la loi fiscale, dont la première version a été annulée par le Conseil d’État, Moetai Brotherson a répondu aux critiques de l’opposition : « Il faudrait qu’ils conjuguent ça au passé. Ce manque de concertation a effectivement eu lieu lors de l’examen de la loi fiscale l’an dernier. Je l’ai reconnu (…) Aujourd’hui, on représente la loi fiscale à l’identique pour une raison principalement technique, car si on en change la géométrie, on ne peut pas demander la rétroactivité -du texte, Ndlr-, ce qui est l’objectif de manière à ne pas venir impacter, surtout les contribuables ».