C’est une première pour vous. Après avoir été vice-président, ministre, vous êtes maintenant sénateur. Comment est-ce que vous avez vécu ce moment ce matin (dimanche, NDLR) ?
« Très intense bien entendu, et je tiens à remercier l’ensemble des grands électeurs, nos tavana de toutes les îles, tous les archipels, remercier le Tapura Huiraatira bien entendu, qui nous a portés pendant cette campagne, et puis remercier le président Fritch, en cette période particulièrement difficile, à qui on doit aussi cette victoire. 68% c’est énorme. Vous savez, quand on a tourné avec Lana auprès des conseils municipaux, on a prôné cette unité que la Polynésie doit retrouver pour pouvoir être unie face à l’adversité du moment, face à cette crise que nous vivons, mais aussi unie à Paris. Parce que, contrairement à ce que dit monsieur le député (Moetai Brotherson, NDLR), c’est que, lorsqu’on vote une loi de finance, lorsqu’on vote le budget de la nation, on vote aussi les moyens alloués à la Polynésie française. Et c’est à ce moment-là, mais pour ça il faut être à Paris et ne pas commenter ça d’ici, il faut aller à Paris, et il faut aller se battre pour nos communes, puisque nous sommes aussi les représentants des collectivités locales, le Sénat. Mais aussi pour le gouvernement du Pays qui a besoin de moyens pour faire face à la crise. »
Comment est-ce que vous aborderez cette nouvelle étiquette de sénateur ?
« Avec humilité bien sûr, mais aussi grâce à ce soutien, je crois pouvoir dire massif, de nos tavana, de pouvoir siéger en leur nom, et puis au nom de notre peuple polynésien. l’objectif est à la fois de dire en métropole, que nous sommes des citoyens français à part entière, et que nous ne souhaitons pas être traités à part du fait de notre statut d’autonomie. »
Justement, on a parfois l’impression que la Polynésie est un peu effacée sur le plan national. Comment on défend une aussi petite collectivité finalement au Sénat ? Comment est-ce que vous comptez procéder ?
« Petite par le nom mais grande par sa surface. Nous avons un pays d’océan à gérer. Eh bien je crois que c’est pour ça que le Tapura nous a choisi lana et moi. Nous sommes complémentaires, et nous allons siéger, prendre la parole, argumenter, frapper aux portes, aller à la rencontre aussi du gouvernement en tant que sénateurs. Je crois qu’il faut faire feu de tout bois aujourd’hui, et c’est pour ça certainement aussi, que le président a souhaité que j’y aille. J’ai eu le coeur gros en quittant le gouvernement, mais comme je l’ai dit, je ne quitte pas notre pirogue, je rame simplement à une autre place, et on rame tous dans le même sens. »
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Justement votre leitmotiv, c’est « siéger au nom de tous ». Teva Rohfritsch, c’est ce à quoi on doit s’attendre au Sénat ?
« Absolument. »
Quel sera votre dossier prioritaire une fois arrivé ?
« On en a beaucoup. Effectivement, en priorité, nous sommes préoccupés par ce CGCT dont les objectifs arrivent à courts termes. C’est le Code général des collectivités territoriales qui rythme la vie des communes. Il y a des objectifs très ambitieux qu’il faut pouvoir atteindre. Ils sont biens ces objectifs, mais le calendrier n’est pas à la mesure des enjeux de la Polynésie qui est étendue sur 5 millions de km2 d’eau avec des petites communautés numériques. Nous avons aussi bien entendu, le sujet du financement du plan de relance en soutien au gouvernement local. Mais au moment du vote de la loi de finance, au moment des débats budgétaires, j’espère pouvoir siéger à la commission des finances. ce sera l’occasion de faire entendre à la fois notre citoyenneté française comme je le disais, mais aussi notre différence parce que, c’est un peu aussi grâce à nous que la France est la deuxième puissance mondiale sur le plan des surfaces maritimes. Il faut aussi qu’elle nous aide cette mère-patrie, à pouvoir gérer ce grand pays à la hauteur des moyens nécessaires pour cette gestion. »
Ce matin vous avez eu un petit comité d’accueil : les associations de lutte pour les victimes du nucléaire. Elles étaient présentes devant les grilles du lycée Paul Gauguin. Elles avaient vivement critiqué l’amendement de Lana Tetuanui concernant la loi Morin. Comment est-ce que vous allez arriver à apaiser les tensions ?
« En multipliant les rencontres. je pense que ce matin ce n’était pas le moment de la rencontre puisque nous n’étions pas encore choisis. Nous sommes à la disposition de toutes les associations pour faire progresser encore cette cause nucléaire, qui ne doit pas être une cause politicienne effectivement, qui ne doit pas non plus opposer les Polynésiens entre eux. Il faut que, réparation il y ai, il faut qu’il y ai indemnisation des victimes de ces essais nucléaires, il faut aussi envisager les réparations sur le plan environnemental, la sécurisation du site. Il y a eu des avancées mais il faut encore aller plus loin. Je partage cette cause et Lana Tetuanui également. »
Vous vous rendez à Paris la semaine prochaine. Le travail démarre sur les chapeaux de roue, les sénateurs on le sait, une fois élus, doivent intégrer un groupe avec lequel ils ont des affinités politiques. Est-ce que vous avez fait un choix avec Lana Tetuanui ?
« Pas encore. On va le faire avec le président, bien sûr avec Lana, avec le mouvement qui nous a porté, le Tapura Huiraatira, de manière à choisir l’endroit où on sera le plus efficace. Le président l’a annoncé, nous souhaitons venir en soutien de la majorité présidentielle. Plusieurs groupes composent cette majorité présidentielle. Il faudra qu’on fasse un choix qui soit le meilleur pour la Polynésie française. »
Vous comptez donc rester au côté d’Edouard Fritch durant votre mandat. C’est assez courant de créer d’autres alliances.
« Pas du tout, c’est notre président : nous lui devons respect, loyauté. Nous allons nous battre tous ensemble à Paris. On ne pas prôner l’unité et commencer à se diviser. Bien au contraire, et si nous sommes là c’est aussi grâce au Tapura. Mais je tiens à remercier tous les tavana qui ont voté pour nous car il y a aussi des tavana d’autres mouvements politiques qui ont fait le choix de cette unité avec nous. Et je tiens à les rassurer : nous ne serons pas les sénateurs du Tapura mais ceux de la polynésie française. »