L’inflation consiste en une hausse généralisée et durable des prix. En clair, elle se traduit par une perte de pouvoir d’achat des ménages. Après avoir atteint des sommets en 2022, elle s’est tassée l’année suivante. Le 11 avril dernier, sur le plateau de TNTV, le président Brotherson se targuait d’être à l’origine de ce coup de frein sur les prix.
« Nous avons tenu notre principale promesse de campagne qui était de supprimer la taxe CPS. Nous avons rendu aux Polynésiens et à l’économie 9 milliards francs. Aujourd’hui, ce qu’on constate, c’est que nous avons stoppé l’inflation. Donc qu’on ne vienne pas me dire que l’on n’a rien fait pour protéger les pouvoir d’achat des Polynésiens », disait-il.
La réalité est cependant plus complexe. D’abord parce qu’une grande partie de l’inflation est importée. Ensuite, parce que cette affirmation est contredite par les derniers chiffres de l’Institut de la Statistique de Polynésie. Entre février 2023 et février 2024, l’indice général des prix à la consommation, instrument de mesure de l’inflation, est en effet en hausse de 0,7 %. En moyenne, sur les douze derniers mois, cette variation atteint 2,4 %.
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Le secrétaire général de la CTSP FO ironise d’ailleurs sur l’analyse de la situation faite par le gouvernement. « Nous, ce qu’on voit, c’est que nos salaires, notre pouvoir d’achat, diminuent de jour en jour. Et puis ils n’ont pas l’air de s’en rendre compte. Vous voyez les prix des terrains, de l’alimentation, et après ils nous disent qu’ils ont arrêté l’inflation », souffle Patrick Galenon.
Comparés à ceux de l’Hexagone, les prix de l’alimentaire sont 45 % plus élevés en Polynésie. Et pourtant, le salaire minimal garanti y est inférieur de 12,5 % malgré un nombre d’heures travaillées plus important. Au 1ᵉʳ semestre 2024, l’optimisme économique de la population fléchit, selon la dernière enquête publiée par l’IEOM réalisée auprès des ménages.
« Globalement, ce qui ressort, c’est que les ménages sont un peu moins optimistes que lors de la précédente enquête. Il y a un élément particulièrement marquant, c’est que le ressenti sur l’évolution des prix est toujours assez fort. La majorité des ménages, plus de trois quarts d’entre eux, estime que les prix augmentent encore », constate Sophie Natier, la responsable du service Études et Établissements de crédits à l’IEOM.
Les conséquences de la cherté de la vie se traduisent concrètement sur le terrain, notamment auprès des organismes de solidarité, comme Te Vai-ete. En plus d’aider les sans-abris, Père Christophe et son équipe distribuent ponctuellement des colis alimentaires à de plus en plus de familles qui se manifestent auprès des mairies. Le dispositif a été étendu à plusieurs communes comme Faa’a, Pirae, Arue ou encore Papara. Il s’agit principalement de dons.
« Je viens chercher à manger ici, chez Père Christophe. Ça m’aide beaucoup, vous avez vu le ma’a qu’on nous donne gratuitement. Je vais avoir un carton de Sao en plus et j’aime le Sao », témoigne Heifara, l’un des bénéficiaires.
« Le nombre de familles demandeuses augmente et puis il y a aussi le profil de ces familles. On en a maintenant qui sont au régime des salariés, ou qui touchent une retraite, un minimum vieillesse. On voit qu’il y a vraiment un appauvrissement de certains milieux. Ça va des jeunes couples jusqu’aux mamies. On en a deux, de 87 et 89 ans, qui viennent régulièrement, qui ont du mal à s’en sortir », regrette Père Christophe.
Jeunes couples, matahiapo, sans-abris, mais aussi salariés. Les faits sont tenaces : les Polynésiens peinent à subvenir à leurs besoins.