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Edouard Fritch de retour de Washington : « On ne peut pas parler du Pacifique sans prendre en compte l’avis du Forum »

(Crédit : Tahiti Nui Télévision)

Grèves, Sommet des îles du Pacifique, pouvoir d'achat... Édouard Fritch, invité du journal

TNTV : Bonne nouvelle, la grève est levée. Pour autant, et on l’a vu dans un précédent reportage, Ce mouvement social a impacté les professionnels du tourisme. Le Pays compte-t-il les dédommager ?
Édouard Fritch, président de la Polynésie française : « Je tiens à féliciter Jean-Christophe (Bouissou) pour la conclusion de cette grève. Je remercie les protagonistes qui ont participé à cette négociation. Je tiens à dire aux établissements recevant des touristes qui étaient présents à ce salon que nous sommes désolés de cet incident malheureux, qui vient perturber cette montée en puissance du tourisme que nous constatons dans le pays depuis plus de 7 ou 8 mois maintenant. On espère que cela n’impactera pas trop l’image de la Polynésie française à l’extérieur. Je comprends que c’est désagréable pour les touristes qui ont fait des réservations. Ceux qui passent par des agences de voyage ont une espèce de responsabilité à partager, mais ceux qui réservent par internet sont effectivement très embêtés. Nous avons mis en place une cellule de crise avec le service du tourisme pour essayer de résoudre les problèmes des uns et des autres. Je sais que ce n’est pas suffisant, car quand on fait un voyage comme celui-ci, aller jusqu’en Polynésie française, on n’a pas envie d’avoir ce type d’incident imprévu qui gâche en partie ce rêve de venir en Polynésie ».

Pour en revenir à ma question, les professionnels du tourisme seront ils dédommagés ?
« Il n’est pas prévu pour l’heure de prendre en charge l’impact. Ce que je suis heureux d’annoncer ce soir, c’est que, pour ce qui est des pensions de famille, nous allons uniformiser le taux de TVA pour que tout le monde paie la même TVA. Certains étaient sanctionnés du fait qu’ils n’étaient pas classés au service du tourisme. Je vais abaisser cette TVA uniforme pour tout le monde, ça va venir les aider face aux difficultés qu’ils reçoivent aujourd’hui ».

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Autre sujet, le sommet des îles du pacifique, qui s’est achevé avec la signature d’une Déclaration par les 15 États présents dont la Polynésie. Quel bilan dressez-vous de cette séquence diplomatique historique ?
« C’est une réunion qui a été bien préparée par les États-Unis, en particulier par le secrétaire d’État M. Blinken. Nous avons été invités au titre de notre appartenance à la même organisation, le Forum des iles du Pacifique, qui depuis quelques temps a montré son unité. On ne peut pas parler du Pacifique sans prendre en compte l’avis du Forum. C’est ce que M. Biden a bien compris en nous invitant tous autour de la table pendant 2 jours où nous avons beaucoup parlé avec les États-Unis des problèmes d’élévation de température du réchauffement planétaire, l’élévation du niveau des eaux… Dans un deuxième temps nous avons parlé de la protection de nos ressources, on parle des thonidés, de ce qu’il y a dans les sous-sols marins… Les États-Unis ont présenté devant les responsables du Pacifique leur feuille de route pour les années à venir, qui parle de tout ce qui est prévention en matière de cataclysme, en matière de cyclone… La prise en charge et l’accompagnement de ces pays en matière de développement durable, et surtout la prise en compte des dégâts que peuvent subir les pays du Pacifique. Les Américains nous ont parlé de la surveillance de nos zones maritimes puisque c’est aussi à l’ordre du jour. Aujourd’hui, il y a beaucoup de pillage, beaucoup de flotte étrangère qui pêche dans des zones sans autorisations. C’est 800 millions qui sont mis sur la table pour accompagner les pays du Pacifique, c’est la construction d’un certain nombre de garde côtes qu’ils vont déployer sur cette zone pour accompagner les pays dans la protection de leur zone maritime. Ce n’était pas une négociation, c’est un échange qu’on a eu avec le président Biden, qui a mis, il faut le dire, les petits plats dans les grands, qui nous a reçus à la maison blanche. C’était féérique, parce que nous avons été reçus en tant que chefs d’exécutif, il a soigné l’image des États-Unis dans cette rencontre ».

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Ce sommet organisé à Washington se déroule sur fond de tensions entre les grandes puissances de la zone indopacifique. Pour l’historien Jean-Marc Regnault, ce sommet montre que la Polynésie n’est plus à l’écart des conflits qui agitent les grandes puissances. Si les États-Unis sont dans une logique de blocs, la France, elle, ne l’est pas. En tant que président de la Polynésie française, quel est votre avis ?
« Il faut souligner que la France n’est pas non plus à l’écart des actions qui sont programmées dans cet océan Pacifique. Le président Macron a beaucoup parlé d’axe indopacifique et des moyens qui sont mis autour pour affirmer la présence française dans cette zone.  Il a parlé il y a deux ans des garde-côtes dans cette zone, et les moyens, qui ne sont peut-être pas à la même hauteur que ceux des États-Unis, montrent que la préoccupation est commune. Est-ce qu’il y a un problème de géopolitique là-dessous ? M. Biden a été on ne peut plus clair. Il disait : « Nous devons affirmer notre présence dans cette zone et ne pas laisser la République de Chine se développer ». Certains pays sont déjà sous le joug des chinois. Je pense aux îles Salomon, Vanuatu, d’autres pays sont en train de glisser vers la République de Chine parce qu’elle met des moyens et assure sa présence dans le Pacifique. C’est ce réveil que l’on constate aujourd’hui du côté des États-Unis comme du côté de la France métropolitaine ».

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Ces enjeux géopolitiques, nous aurons l’occasion d’en reparler puisque la Polynésie accueillera le One Planet Summit pour les îles en 2023, avec la présence d’Emmanuel Macron.
« Bien sûr. Monsieur Poivre d’Arvor, actuellement en visite ici, a été nommé par le Président de la République pour organiser cette grande réunion qui devrait se tenir au mois de septembre/octobre l’année prochaine, et qui n regroupera pas uniquement les îles du Pacifique. La vision du président de la République est beaucoup plus internationale puisqu’il veut regrouper en Polynésie française les États qui sont dans d’autre Océans : Indien, Atlantique… C’est une vision un peu plus large, avec un moment France-Océanie pour les exécutifs du Pacifique. Il y aura aussi un moment important, qui va durer 24 heures, dans les projets où on va faire parler et écouter les expériences des autres pays qui aujourd’hui se sont déjà mis en route pour commencer à se protéger, à prévoir l’avenir, et mettre en place des moyens pour lutter contre le réchauffement planétaire ».

Revenons aux sujets qui concernent les polynésiens, notamment le pouvoir d’achat. Depuis le 1er octobre, le Smig a augmenté de plus de 3000 Fcfp, les cotisations pour la caisse maladie ont baissé, celles pour la tranche A de la retraite ont augmenté. Il y a aussi le tarif de l’électricité qui a augmenté. Concrètement, ces mesures pour améliorer le pouvoir d’achat sont-elles suffisantes alors même que des hausses sont constatées ?
« Vous savez que cette inflation est générale, mondiale. Elle est féroce dans certains pays. Les États-Unis comme la métropole, et en Polynésie nous subissons aussi les conséquences de l’inflation par les matières premières, par les produits que nous achetons à l’extérieur, mais aussi par les transports. Les transporteurs nous affichent des prix excessivement élevés. Nous avons mis en place des boucliers pour essayer de juguler cette inflation. La deuxième réoccupation c’est effectivement le pouvoir d’achat. Pour les prix, EDT va augmenter ses tarifs bientôt, de 6%, alors qu’ils nous avaient parlé de 26% au départ. Nous avons négocié avec la société, je voudrais ici reconnaître leur volonté de ne pas nous écrouler sous des tarifs élevés. Non seulement les consommateurs habituels mais aussi notre industrie polynésienne. On est tombés d’accord sur les 6% avec les premières tranches qui échappent totalement à cette augmentation. Mais il faut dire que ça va être très compliqué sur le pouvoir d’achat de nos populations. C’est la deuxième fois que nous augmentons le SMIG dans l’année. Certains se plaignent du peu d’augmentation, mais je pense aussi aux patrons, aux entreprises qui doivent payer ces salaires. Ce n’est pas évident, il ne faut pas non plus que de ce côté-là il y ait une inflation sur les prix affichés dans les services. Au-delà, j’ai demandé  à ce que nous puissions augmenter rapidement les allocations familiales de nos enfants. Il faut penser à ceux qui n’ont rien du tout. Il y en qui sont au régime de solidarité, qui n’ont pas de revenu. Ceux-là ont besoin de vivre comme les autres, donc on va augmenter le moni ruau, le minimum vieillesse. Nous sommes préoccupés tous les jours pour donner aux populations les moyens de s’en sortir en maîtrisant les prix et en essayant d’améliorer leur revenu ».

L’actualité de ces dernières semaines a été marquée par des mouvements politiques des figures du Tapura qui en font de nouveau partie, d’autres qui quittent la pirogue rouge pour rejoindre d’autres groupes. Êtes-vous confiant pour les territoriales de 2023.   
« Oui, je suis confiant. Certains parlent de mercato, j’ai envie de parler de saisons, ces oiseaux qui changent de nid… On est dans une saison où on commence à se rendre compte que cela va être compliqué pour 2023, parce qu’on a perdu les élections législatives. Mais je crois que c’est trop facile à chaque fois d’accuser ou le président du parti, ou d’accuser le parti lui-même en prenant de telles décisions. Je pense que nous avons chacun notre rôle à jouer. Dans une équipe de football, de quoi que ce soit, chacun doit tenir sa place, chacun doit contribuer à l’effort commun. Sinon, on a des difficultés à tout le temps gagner. Cela ne me sape pas le moral. Je vous assure qu’on sera au rendez-vous. Nous avons commencé à préparer ces élections. Je crois que, comme partout ailleurs, cette saison est difficile parce que certains font déjà des calculs, estiment qu’ils vont être sanctionnés, qu’ils ne vont pas être en bonne position pour être élus. Mon souci, c’est la population, c’est l’avenir, c’est sauver notre autonomie ».

Vous compte mener la liste Tapura aux prochaines élections. Le ministère de l’intérieur va saisir le conseil d’État sur la légitimité de ce troisième mandat. Est-ce que vous avez déjà identifié une nouvelle tête de liste ?
« Non, pas encore. Je mènerai la liste parce que je suis président du parti, que je puisse ou non être président demain. J’irai au combat avec le Tapura, et on attendra la décision du Conseil d’État qui doit tomber dans les jours à venir ».

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