Guillaume MITTA, directeur scientifique à l’IREMER
Cristian MONACO, chercheur à l’IFREMER
Les amateurs en dégustent des dizaines, avec ou sans citron, et avec ou sans vin blanc, en période de fêtes. Produit réputé en Hexagone, où elle est produite à raison de plus de 100 000 tones par an, l’huître comestible est présente dans toutes les mers, mais pas en Polynésie française.
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Une donnée qui pourrait bientôt appartenir au passé. En vue du développement d’une filière ostréicole locale, deux espèces font l’objet de tests à l’IFREMER. Le chercheur Cristian Monaco gère la nurserie de la Presqu’île, où le mollusque est minuscule. « C’est quand les animaux sont toujours juvéniles, assez petites. Cela varie entre un et deux centimètres et demi, et après on va mettre dans le milieu naturel pour la phase de grossissement » , décrit-il.
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Dans l’écloserie de l’Institut, les concentrés d’algues permettent aux juvéniles d’atteindre la taille requise pour être implantées dans des bassins. « Elles permettent de nourrir toutes les espèces qui sont en développement ici, aussi bien des huîtres perlières sur lesquelles on travaille que les holothuries, les rori ou encore les oursins, précise le directeur scientifique Guillaume Mitta. Ce sont des espèces qui, lors du développement larvaire et lors des premiers stades de vie, ont besoin d’algues pour être nourries, et on les produit dans notre écloserie » .
Non loin des élevages de crevettes, le bassin aménagé permet aux huîtres de poursuivre leur croissance.
« En Polynésie française, on est en train de développer un protocole unique au monde, l’aquaculture multitrophique intégrée – un type d’aquaculture considérée comme une façon durable de produire des aliments d’origine marine, ndlr – . L’idée est d’utiliser les déchets d’aquaculture pour générer les nutriments et les utiliser dans une autre aquaculture. Ceux de l’aquaculture de crevettes vont être mis dans le bassin où on a les huîtres, pour générer des blooms d’algues, des algues unicellulaires qui permettent de nourrir les huîtres » , poursuit Guillaume Mitta.
Les huîtres se développent peu dans les lagons polynésiens, trop pauvres en nutriments utiles à leur croissance. Mais un lotissement aquacole sera bientôt aménagé à Faratea. « L’idée est de pouvoir faire pousser des huîtres dans des bassins de terre et dans des conditions qui permettent de limiter le développement d’un vers qui a été un fléau pour le développement de l’ostréiculture en Polynésie française, le polydora. On a une table d’exondation qui permet d’exonder régulièrement, tous les jours, les huîtres« . Et en l’occurrence, de tuer le parasite sans affecter la santé des huîtres.
« Il y a un panneau solaire qui anime des moteurs. Les huîtres sont collées sur des cordes, les moteurs font tourner des tubes qui vont permettre aux cordes de s’enrouler autour et on a les huîtres qui sortent de l’eau. C’est comme si on avait une marée » , conclut Guillaume Mitta.
Niveau commercialisation, Cristian Monaco estime que les mollusques pourraient être vendus à des prix « raisonnables » si tant est qu’ils puissent se développer dans les bassins d’aquacultures d’espèces différentes.
La Polynésie prévoit d’organiser, en 2025, le deuxième congrès international dédié au développement de l’ostréiculture tropicale. Quant aux huîtres produites localement en bassin, on devrait les trouver, sur nos tables, à l’horizon 2026.