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Dimitri, d’apiculteur amateur à pilote instructeur dans la Marine Nationale

Il est l’unique Polynésien pilote dans la Marine Nationale. Dimitri, 29 ans, est parvenu à franchir une à une les nombreuses et difficiles étapes pour obtenir ses « ailes » dans l’aéronavale. (Crédit: DR/ TNTV)

Comme l’ensemble de sa famille, Dimitri est originaire de Taravao, sur la presqu’île de Tahiti. Fils d’une institutrice et d’un agent des postes, il fait ses études au collège du Sacré-Cœur, puis passe son bac (scientifique) au lycée polyvalent de sa commune. Ne sachant trop quelle voie emprunter, il part, dans la foulée, pour une année à la découverte de la Nouvelle-Zélande avant de rentrer au fenua sans projet concret.

« J’ai commencé à voler un peu à l’aéroclub de Faa’a quand mes finances le permettaient car cela coûte cher. En même temps, j’enchaînais les CDD : chez Vini, puis à l’OPT. J’ai également été instituteur remplaçant durant une année à l’école maternelle de Teahupo’o. Parallèlement à cela, je me suis formé à l’apiculture. Ça marchait plutôt bien. J’hésitais même à en faire mon métier mais j’avais toujours en tête ce rêve d’enfance : devenir pilote. Je pense que c’est lié à mon parrain qui était commandant de bord chez Air Tahiti Nui. Petit, je disais : ‘je veux conduire de gros avions’ », se souvient-il.

Grâce à ses économies, Dimitri retourne se former à l’aéroclub de Faa’a. A quelques dizaines de mètres des locaux de celui-ci, sur le tarmac, il peut contempler la silhouette des imposants Falcon Gardian de la Marine Nationale. « En les regardant, je me disais : ‘c’est ça que je veux faire. Mais comment y arriver ? »

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Actuellement instructeur pour former les futurs pilotes de chasse français, ce natif de Taravao ambitionne de revenir à terme au Fenua aux commandes d’un Falcon 200 Gardian pour assurer la surveillance de la ZEE polynésienne. (Crédit: DR/TNTV)

Il se décide alors à franchir les portes du CIRFA de Arue, le Centre d’information et de recrutement des forces armées. « C’était en 2017. Mais aucun Polynésien n’avait jamais fait de démarches depuis Tahiti pour être pilote dans la Marine Nationale. On ne savait donc pas vraiment m’orienter. Finalement, je suis parti en métropole par mes propres moyens pour passer les tests de présélection ».

Le voilà donc à l’Ecole d’Initiation au Pilotage (EIP) de la Marine Nationale, à Lanvéoc, sur la presqu’île de Crozon, dans le Finistère. Il parvient à gravir les différentes étapes d’une sélection des plus rigoureuses : tests médicaux, physiques, et psychotechniques, mais aussi entretiens multiples avec des psychologues, puis avec le jury final composé de pilotes chevronnés. « C’est assez exigeant. Je ne connais pas les chiffres exacts mais je pense que sur 500 dossiers il n’y en a qu’une vingtaine qui sont retenus, juste pour la présélection. C’est un peu le parcours du combattant, surtout pour quelqu’un qui vient de Polynésie », explique-t-il.

Dimitri fait finalement partie des heureux (et rares) élus et intègre la « promotion Charlie 2017 » de l’EIP. Rien n’est encore gagné pour autant, car les pilotes de l’aéronavale, en formation, comme au cours de leur carrière, sont en permanence évalués, scrutés par leurs supérieurs, et peuvent être écartés à tout moment. « Il y a des qualifications à maintenir. C’est assez compliqué mais on est ultra bien formé ».

Comme tout pilote de chasse en devenir, il ambitionne de pouvoir prendre les commandes d’un Rafale, « ce qu’il y a de plus élitiste » dans l’Armée, dit-il. Mais ses résultats sont « moins bons que ceux qui ont obtenu ces places » dans sa promotion. Il est orienté vers la filière « patrouille maritime » et envoyé à Lorient pour poursuivre son apprentissage sur des appareils Xingu. « C’est l’avion sur lequel tous les ‘patmaristes’ sont formés pour la dernière étape de leur formation. On vole dessus pendant 2, voire 3 ans, avant d’être envoyé en flottille opérationnelle, soit sur Falcon, soit sur Atlantique 2 ».

Mais l’an dernier, avant qu’il termine officiellement ce cursus, sa hiérarchie lui fait une offre. « Ils cherchaient deux jeunes pilotes macaronés (ayant obtenu leur brevet de pilote militaire, Ndlr) pour l’école de l’escadrille 50 S, celle où j’ai justement été formé. L’idée me plaisait de revenir sur de petits avions de voltige. J’ai donc accepté un contrat de 2 ans comme instructeur pilote. Cette fois, je suis de l’autre côté de la barrière. C’est quelque que chose que je voulais faire dans ma carrière et j’adore ça. Cela me donne aussi une expérience supplémentaire ».

L’enseigne de vaisseau Dimitri participe donc, aujourd’hui, à la sélection de ceux qui seront les futurs pilotes de la Marine Nationale. Mais ce n’est pas une fin en soi. A l’issue de son contrat, en fin d’année prochaine, il compte bien achever sa « qualification de type » sur Falcon, l’avion des rêves de son enfance, pour intégrer une flottille opérationnelle de patrouille maritime. Et pourquoi pas au fenua, pour assurer la surveillance de notre vaste Zone économique exclusive ? « C’est encore un peu compliqué de savoir ce que je ferai demain mais c’est vrai que j’aimerais avoir un contrat chez moi, en Polynésie. J’y ai grandi. C’est la maison ».

Les pilotes de l’aéronavale, en formation, comme au cours de leur carrière, sont en permanence évalués. (Crédit DR/ TNTV)

Papa de jumelles de 8 mois, Dimitri est aujourd’hui un homme comblé. « Je ne suis plus très loin de toucher du doigt ce que j’ai toujours voulu faire. Je n’aurais jamais imaginé que ce soit possible, très honnêtement. Mais j’ai toujours été soutenu par ma famille, mes proches. Et je suis têtu. Quand j’ai quelque chose en tête, je vais le chercher ».

S’il a accepté ce portait pour TNTV, c’est aussi pour montrer aux jeunes Polynésiens que leurs ambitions ne doivent pas avoir de limites. « Si je peux en motiver certains, ce serait super. Je croise parfois des Tahitiens qui ont poussé la porte du CIRFA. Ils ne sont pas pilotes. J’espère qu’il y en aura d’autres, mais ils font carrière ici. Ce ne sont plus les mêmes personnes. Ils ont gagné en aisance. Ce n’est que du plus. Moi, ça m’a énormément apporté. Et je suis la preuve que c’est possible ».

« Je ne suis plus très loin de toucher du doigt ce que j’ai toujours voulu faire. Je n’aurais jamais imaginé que ce soit possible, très honnêtement« , dit il. (Crédit: DR/ TNTV)
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