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Dominique Sorain :  » Je pars avec l’image d’un territoire qui a une culture forte »

(Crédit Photo : Tahiti Nui Télévision)

Dominique Sorain, Haut-commissaire de la République française en Polynésie, invité du journal


TNTV : Cela fait partie des conditions de vos fonctions de rester en poste pour un temps limité dans un lieu déterminé. Est-ce facile de changer d’environnement ?

Dominique Sorain, haut-commissaire de la République française en Polynésie : C’est l’habitude aussi. J’ai dû avoir au total plus de 15 affectations, soit à Paris, soit en province en métropole, dans les Outre-mer. Mais là, c’est le grand départ, je pars à la retraite. C’est un sentiment très particulier, j’ai dit le 14 juillet que c’est avec beaucoup d’émotions parce que je vais quitter le fenua, je vais abandonner les activités auxquelles je me suis consacré pendant 45 ans, au service de l’État. Ça laisse des traces, c’est avec beaucoup d’émotions.

On revient sur les temps forts de votre mission en Polynésie : le plus marquant est la gestion d’une situation inédite, la crise sanitaire de la Covid. Avec le recul, même s’il est encore faible, l’équilibre aura-t-il été trouvé entre préservation de la santé des gens et de la santé économique du pays ?

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Ça a été notre préoccupation principale. Je dis notre, avec le président du Pays. Nous avons géré cette crise du fait de la répartition des compétences entre le Pays et l’État. Nous avons voulu préserver la sécurité sanitaire de la population, la protéger, faire en sorte que l’hôpital et les services de santé puissent tenir le choc. Ça a été le cas avec des difficultés, certes. Le personnel soignant a été exemplaire en la matière, on a toujours essayé d’avoir cet équilibre économique et social. La vie économique et sociale devait continuer, pour ne pas rajouter encore de la crise sur le territoire. Je crois qu’on y est arrivé, l’économie est en train de redémarrer, peut-être plus vite que prévu. Les hôtels commencent à se remplir, et les entreprises ont plutôt bien survécu. On retrouve un taux d’emploi maintenant qui est équivalent à celui de 2019. Il fallait le faire, l’État était là pour accompagner aussi en matière sanitaire, en amenant des personnels soignants, en amenant les vaccins. C’était inédit, il a fallu adapter et trouver des solutions qui soient spécifiques au territoire, au fenua. On a toujours décliné ici, on ne s’est pas contentés de traduire ce qui était décidé au niveau national. On a décidé d’adapter et de trouver la meilleure solution possible.

« Le président de la République a dit : « L’État assume tout ce qui s’est passé » « 

Dominique Sorain, au sujet des conséquences des essais nucléaires français dans le Pacifique

Autre sujet sensible en Polynésie, le nucléaire. Vous avez-vous-même eu l’occasion de le dire, « on n’est pas suffisamment allés vers les personnes concernées par les conséquences des essais nucléaires ». Considérez-vous aujourd’hui que l’État fait désormais tout ce qui est en sa mesure pour restaurer la confiance ?

Le président de la République, lorsqu’il est venu en Polynésie au mois de juillet dernier, était très clair. Il a dit, « l’État assume tout ce qui s’est passé », toute l’histoire passée entre la Polynésie et L’État français sur cette question. C’est l’ouverture des archives, pour qu’on puisse connaître exactement ce qui s’est passé. Il y a déjà 90 000 documents qui ont été déclassés. Il faut pouvoir faire en sorte que les personnes puissent déposer des dossiers de demande d’indemnisation lorsqu’elles remplissent les critères et qu’elles estiment avoir été victimes des conséquences des essais nucléaires. J’ai mis en place une équipe au commissariat, avec 3 agents qui circulent dans les îles les plus éloignées, dans les atolls, pour rencontrer les personnes, les ayant-droits, pour que des dossiers soient déposés. Depuis le mois de février, pas loin de 130 dossiers ont été recensés de cette façon, et on va continuer. On va continuer à travailler aussi sur tous les autres dossiers : la dépollution de Hao, ça en fait partie, c’est de la pollution industrielle aux hydrocarbures, principalement aux métaux lourds. Il y a un travail qui va se développer avec le pays, donc l’État va continuer à être plus que jamais présent pour assurer ces conséquences des essais nucléaires.

Les communes sont très en retard sur l’assainissement des eaux usées, adduction en eau potable, gestion des déchets. Des sujets complexes, extrêmement couteux aussi. Quel rôle l’État peut-il jouer pour les aider à surmonter ces défis ?


Cette aide est de plusieurs sortes. D’abord, les communes ont une obligation de résultats qui est à la fin de l’année 2024. C’est court, il faudra très certainement des temps d’adaptation. Dans l’immédiat, l’État appuie d’abord au travers des services d’ingénierie du haut-commissariat pour aider les communes à monter des dossiers mais aussi avec des aides financières pour financer ces équipements. Sur l’eau potable, l’assainissement, les déchets aussi. Ce sont des sommes conséquentes qui sont mobilisées tous les ans. Il y a presque 900 millions de francs qui sont mobilisés sur ces thèmes-là, au bénéfice des communes. Il y a d’autres dispositifs d’aide qui existent. Il faut tout faire parce que c’est un service qui est attendu par les habitants des différentes îles. Elles sont éparpillées, c’est compliqué, il faut trouver aussi des économies d’échelle, retrouver de solutions adaptées à chaque archipel. La situation n’est pas la même aux Tuamotu, aux Marquises, ou ici sur Tahiti. Il y a beaucoup de dossiers qui sont déjà montés, et on va continuer cet effort. L’État s’engage financièrement au bénéfice du fenua.

Au sujet de la lutte contre l’insécurité routière, 17 personnes sont mortes sur les routes depuis le début de l’année. Quel bilan tirez-vous des actions menées dans ce domaine et faut-il revoir la stratégie ?

Oui, le bilan n’est pas bon. Il n’est pas bon parce que nous n’avons pas de baisse du nombre de tués. On était à 30 tués l’an passé, 29 l’année d’avant. Il y avait eu une baisse pendant quelques années, mais c’est insuffisant. On n’arrive pas à baisser davantage, il y a beaucoup d’accidents et de blessés graves. Il y a beaucoup de deux-roues. Quelle est l’origine ? Les deux-roues et l’alcool, dans les ¾ des accidents mortels c’est l’alcool qui est en cause. J’ai donné des consignes aux forces de sécurité, police et gendarmerie, pour faire des contrôles avec des mutoi. On va continuer à les faire, il y a tout un travail de prévention qui doit être mené avec le Pays, qui est compétent sur cette question, mais aussi avec les communes, avec les associations, avec les églises. Ça doit être une mobilisation de tous, sinon on va continuer à avoir des familles endeuillées par ces accidents. L’alcool est un problème qu’on rencontre aussi dans d’autres formes de violences. Ce sont notamment les violences intra-familiales, où il y a aussi beaucoup ce genre de problème. Il va falloir accentuer les efforts en la matière.

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C’est justement un grand défi à venir du fenua. C’est ce que vous allez faire passer à vote successeur ?

Oui, ça fait partie des gros dossiers pour assurer cette transition. Les personnes changent, mais les services demeurent et restent.

Vous quittez prochainement le fenua, mercredi. Avec quelle image forte partirez-vous ?

D’abord, il y a eu la crise sanitaire qui a marqué humainement, bien évidemment. Je connaissais déjà la Polynésie avant de venir ici, je viens d’y passer 3 ans. Je pars avec l’image d’un territoire qui a une culture forte. Surtout, je souhaite que cette culture demeure et que les Polynésiens la défendent, qu’ils défendent leur langue, leurs traditions… C’est ça qui reste dans mon cœur. Aussi, l’accueil chaleureux des Polynésiens, par-delà toutes les difficultés. J’ai fait des déplacements dans des situations compliquées, pour rencontrer les personnels soignants par exemple, il y a toujours eu cette foi dans la vie. C’est ça qui est beau.

Vous partez à la retraite, comment allez-vous en profiter ?

Je ne sais pas encore ce que je vais faire. C’est un peu brutal comme transition ! Je verrai ce que je ferai, mais je pense que je vais encore m’engager pour la collectivité.

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