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Dossiers CIVEN : « les Polynésiens peuvent s’aider des archives »

L'accessibilité aux archives liées au nucléaire n'est pas encore complète, estime Manatea Taiarui. "Il y a deux organismes qui refusent la déclassification des archives : le CEA (Commissariat à l'énergie atomique) et la DGA (Direction générale de l'armement)" , note-t-il (Crédit : TNTV)

Dossiers CIVEN : « les Polynésiens peuvent s’aider des archives »

TNTV : Cette déclassification était une demande de longue date. Quel intérêt direct pour les Polynésiens ?
Manatea Taiarui, doctorant en histoire contemporaine allocataire du ministère des armées : « Oui, c’était une demande de longue date des Polynésiens. Depuis 2005, le rapport de l’Assemblée territoriale de la Polynésie a préconisé l’ouverture d’un centre d’archives. Depuis 2021, le président de la République a décidé d’ouvrir les archives totalement, document proliférants exceptés, sauf qu’on voit qu’il y a quand même des difficultés au niveau de l’accessibilité des archives. L’utilité des archives pour les Polynésiens, c’est pour justement documenter l’histoire du CEP. Au niveau sanitaire, au niveau environnemental, on peut renouveler tout un pan de l’historiographie qui a été forgée dans les années 90. Les Polynésiens peuvent justement aller dans les archives, parce que les archives ne sont pas que l’apanage des historiens. Ils peuvent s’aider des archives pour inscrire leur dossier au CIVEN. Mais il y a encore des difficultés liées à l’insularité, il faut aller sur place à Paris pour pouvoir compléter les dossiers. Et ça, je trouve que c’est très compliqué au niveau de l’accessibilité » .

TNTV : Quels sont les premiers résultats de vos recherches ?
M.T : « Mes premiers résultats en termes d’historiographie, la lecture des archives permettent de documenter vraiment l’ampleur des mensonges, du secret des mensonges à la fois de l’État et de l’armée française.

TNTV : Mensonges avérés aujourd’hui ?
M.T : « Oui, mensonges avérés et qui ont été acceptés à demi-mot et avoués à demi-mot par le CEA et les armées » .

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TNTV : Aujourd’hui, le fait nucléaire est enseigné, les incertitudes liées au sujet le sont également. Vos recherches doivent également servir à cela, à préciser nos connaissances sur le plan historique ?
M.T :
« Oui, en tant que doctorant et professeur d’histoire-géographie dans le secondaire, je constate qu’il y a quand même des travaux à réaliser au niveau de l’enseignement du fait nucléaire. Les étudiants sont très curieux sur cette histoire du CEP, qu’ils méconnaissent parfois » .

TNTV : En 2021, le président Macron a reconnu la dette de l’État envers la Polynésie. Il y avait une forte mobilisation, une sensibilité palpable autour du sujet. Aujourd’hui, y a-t-il un essoufflement ?
M.T : « Oui, on constate un essoufflement parce qu’il y a normalement une commission de déclassification qui se réunit tous les mois. On se rend compte que cette commission ne se réunit plus forcément. Il y a aussi un essoufflement au niveau, comme je l’ai dit, de l’accessibilité aux archives et de la transparence au niveau des déclassifications. Il y a deux organismes qui refusent la déclassification des archives : le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) et la DGA (Direction générale de l’armement) » .

TNTV : Sous l’impulsion de la députée Mereana Reid Arbelot, une commission d’enquête sur les conséquences des essais sera menée à l’Assemblée nationale. Quel sera votre rôle dans cette démarche ?
M.T :
« Mon rôle en tant qu’historien, c’est d’apporter à madame Arbelot un complément, une expertise au niveau historique sur le choix du site, sur les campagnes de tirs atmosphériques » .

Lire aussi – Vers une commission d’enquête à l’Assemblée nationale sur les essais nucléaires en Polynésie

TNTV : Cela pourrait également servir pour le centre de mémoire, un centre qui est attendu depuis plusieurs années maintenant ?
M.T :
« Nos travaux de recherche, avec Renaud Metz et Florence Mury, pourraient alimenter le centre de mémoire. Il y a une énorme campagne d’entretiens avec les anciens travailleurs du CEP, qui permettrait justement d’alimenter le contenu du futur centre de mémoire » .

TNTV : Une délégation d’élus et des tamarii Moruroa ont été invités à Morura en mars. Justement, vous en faisiez partie, c’est assez significatif de la volonté d’apaisement affichée par l’État. Pour autant, est-ce que cela suffit ?
M.T : « Oui, j’ai pu y aller en tant que chercheur et historien. Maintenant, au niveau de l’itinéraire de la visite et des réponses apportées aux questions des élus et des journalistes, on reste dubitatif et perplexe par rapport aux réponses apportées et aux dégâts environnementaux et sanitaires qui ont résulté des essais (…) Il faudra creuser » .

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