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En Nouvelle-Calédonie, « une radicalisation de tous bords », observe Sémir Al Wardi

(Crédit : Calédonia)

Des voitures brûlées, des maisons calcinées, des tirs contre des gendarmes et des pillages… La Nouvelle-Calédonie a traversé une seconde nuit de violentes émeutes, ce lundi, dans l’agglomération de Nouméa. Hier, le couvre-feu a été décrété dans la capitale le premier ministre Gabriel Attal lançant un appel « à l’ordre, au calme et à la sérénité » , au moment où l’Assemblée nationale examine une réforme de la Constitution contestée par les indépendantistes.

Un embrasement du conflit « prévisible » , selon le politologue Sémir Al Wardi. « J’étais en Nouvelle-Calédonie il y a deux mois pour la soutenance de thèse de doctorat en sciences politiques d’Anthony Tutugoro. Déjà à ce moment-là, on savait très bien que les choses allaient empirer. Pourquoi ? Parce qu’on n’est plus du tout dans l’esprit de l’accord de Nouméa où il s’agissait à tout prix d’aller vers la paix entre les communautés, de trouver des solutions. Là, il y a une radicalisation de tous bords » , observe-t-il.

Pour rappel, la réforme constitutionnelle soutenue par Paris vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales calédoniennes à tous les natifs et aux personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Si l’argument de la démocratie a été avancé par le ministre des Outre-mer Gérald Darmanin, Sémir Al Wardi estime que la communauté kanak a son mot à dire. « Le gouvernement de la République veut imposer un dégel du corps électoral et ne pas laisser finalement les Calédoniens en discuter (…) il faut comprendre que la démocratie ne suffit pas ça, c’est aussi une exigence morale. L’exigence morale qui consiste à ne pas noyer un peuple premier dans une population qui émigre de plus en plus en Nouvelle-Calédonie. Soyons clairs : quand on parle de la démocratie, c’est un homme = une voix, alors ça veut dire les Polynésiens à Hawaï qui ne représentent plus rien, les Maoris en Nouvelle-Zélande qui ne représentent plus rien, les Aborigènes qui ne représentent plus rien en Australie. Mais après on dit, vous comprenez, c’est un principe universel, on ne peut pas revenir dessus » , déplore-t-il.

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« C’est une atteinte au peuple premier »

Sémir Al Wardi, politologue

« Autant on était dans une discussion de paix, autant aujourd’hui l’État va beaucoup plus vers cet affrontement, vers cette radicalisation en imposant évidemment ce dégel alors qu’une grande partie de la communauté calédonienne – c’est-à-dire essentiellement les kanaks – sont contre, poursuit-il. Le politologue juge que volonté d’appaisement affichée par Emmanuel Macron, qui a prévenu qu’il ne réunirait pas le Parlement au Congrès dans l’immédiat, intervient trop tardivement. « En réalité, on ne peut pas d’un côté imposer un dégel et dire ‘maintenant on peut discuter’. La discussion doit se faire avant (…) L’intransigeance de l’État n’est pas favorable à ce type d’esprit (…) Je suis inquiet pour plusieurs choses parce que c’est quand même une atteinte au peuple premier. Dans le cadre de la République, en 2024, c’est intolérable » , assène-t-il.

La stratégie Indopacifique en jeu

« Si jamais on se retrouve avec entre guillemets des « événements » comme on dit pudiquement ou une « guerre coloniale » comme pourront dire les Chinois ou les Russes, nous serons plus ou moins exclus de cet Indopacifique, ajoute-t-il. On joue une réussite dans une décolonisation, et d’un autre côté la place de la France dans ce concert international (…) Les premiers à critiquer la France en cas de débordement seront d’abord les Américains et les Australiens, puis les Chinois et les Russes. La France a déjà perdu pied en Afrique, elle ne doit pas perdre pied – en tout cas dans la vision française – aussi en Océanie et c’est là où on ne comprend pas très bien l’attitude de l’État en Nouvelle-Calédonie » .

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