Elle a appris à naviguer il y a seulement deux ans et vient de se lancer dans la plus grande traversée de sa vie. Clara Barth et ses deux équipiers ont quitté Moorea avec comme destination finale Marseille, en voilier. Mais cette expédition n’a rien d’un défi sportif. Il s’agit avant tout d’un projet écologique.
La jeune femme de 30 ans travaillait depuis plusieurs années dans un bureau d’études en environnement, à Bordeaux, lorsqu’elle a eu l’occasion d’assister à une conférence de l’association Coral Gardeners. « Je commençais à trouver ça bizarre de travailler dans un bureau, dans une ville hyper bétonnée pour protéger une nature que je ne voyais jamais, confie-t-elle (…) La conservation marine, ce sont beaucoup de biologistes qui font des choses incroyables mais qui galèrent à inspirer les gens, qui ont un discours très scientifique. Quand j’ai vu les Coral gardeners, c’était très différent. Je m’attendais à ce qu’ils parlent de coraux pendant une heure et, en fait, pas du tout. Ils ont parlé de baleines, de poissons, d’expériences de vie, de styles de vie et j’ai adhéré. J’ai postulé chez eux et j’ai déménagé un mois plus tard pour vivre à Moorea avec eux. »
Durant deux ans, elle travaille donc avec les jeunes de Moorea. Sur l’île sœur, Clara découvre un style de vie proche de la nature. Un projet prend peu à peu forme dans son esprit : imaginer un monde meilleur dans lequel il serait possible de vivre heureux, en harmonie avec la nature. Et surtout, ramener des idées concrètes dans sa ville natale, Marseille.
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« Il y a plein de gens qui essaient de réfléchir à une transition écologique, à comment on peut créer une société dans laquelle les gens puissent vivre, qui évite le réchauffement climatique et qui soit en harmonie avec la biodiversité. Donc je me disais qu’il faudrait recouper toutes ces connaissances. (…) Assez vite en vivant en Polynésie, (…) j’ai voulu imaginer un monde dans lequel on se sent vivant, dans une nature qui soit vivante.«
« Je voulais montrer aux autres que l’écologie ce n’est pas que du sacrifice«
« Je voulais montrer aux autres que l’écologie ce n’est pas que du sacrifice. C’est aussi une opportunité pour résoudre plein de problèmes de la société (…) et trouver du sens dans la nature, dans le vivant, et dans d’autres choses qui ne soient pas la société de consommation et qui ne détruisent pas la planète. »
Sans savoir « ni naviguer, ni bricoler » , elle achète un voilier. Et pour apprendre la voile, rien de tel que l’expérience. « J’ai directement vécu dessus. C’est hyper stressant. Je me réveillais toutes les deux heures, la nuit, pour vérifier que mon ancre avait tenu. Mais du coup, on apprend vachement plus vite parce qu’on est obligé de gérer les problèmes qui arrivent. Et dans un bateau, il y en a tout le temps. »
Avec l’aide d’autres passionnés de voile, elle apprend à naviguer mais aussi à réparer. « Il y avait toujours quelqu’un qui venait m’aider et m’apprendre. Et ça, c’était ouf (…) Quand tu te prépares à un voyage comme ça, il faut savoir à peu près tout réparer parce que quand tu es en mer et que tu as quelque chose qui casse et que tu ne sais pas réparer, c’est dangereux. Donc j’ai appris à réparer, j’ai pas mal navigué pour avoir plus d’expérience. Je suis allée visiter les Tuamotu deux fois, je suis allée dans les îles Sous-le-Vent plein de fois, entre Tahiti et Moorea, à Tetiaroa aussi. Donc, là, j’ai commencé à prendre la mer, à connaître le bateau. À un moment donné, tu connais tellement bien le bateau à force de vivre dessus, que tu connais tous les bruits sans avoir fait de travail pour les identifier. Dès qu’il y a un truc qui craque, je sais d’où ça vient parce que je me suis réveillée 10 fois pour aller voir ce que c’était. »
Pour aller au bout de son idée, Clara a également dû passer outre les préjugés de l’entourage et ses propres barrières mentales : « Je ne pensais pas pouvoir percer un trou. Il faut vraiment casser tous les préjugés qu’on a sur nous même en tant que femme, tels que : ‘je ne suis pas bricoleuse, je ne suis pas voileuse’… C’est un petit chemin » , admet-elle.
Pour ramener à Marseille ce qu’elle a baptisé la « cool life » , Clara va à la rencontre de ceux qui vivent au contact de la nature, comme Eva Teurangi, par exemple, à l’origine d’un éco-lodge à Raiatea. De ces rencontres elle tire des podcasts, des articles et des photos. Un travail de recherche qu’elle reproduira partout où son bateau jetera l’ancre. Après le fenua, Clara se rendra aux îles Cook, aux Samoa, en Australie… Mille et une étapes avant son retour en métropole.
« L’idée, sur tout le voyage, c’est d’essayer de comprendre comment on pourrait changer la ville de Marseille. Ça passe au travers de portraits de gens qui se sentent vivants et qui ont vraiment du fun dans leur vie, qui s’éclatent mais sans être un problème pour la nature, au contraire plutôt en harmonie avec elle. Je ne vais pas aller chercher des écolos qui font ça par conviction mais qui sont hyper austères ou un peu déconnectés du monde. Je veux vraiment des gens qui soient bien dans leur vie et qui vivent de manière écologique. »
Sur le site Internet dédié au projet et sur les réseaux sociaux associés, Clara et ses amis partageront aussi des « idées sérieuses » , des articles tirés de recherches en urbanisme, en économie ou même en philosophie autour de l’environnement.
À Marseille, la commune est déjà informée de la traversée de Clara et de son désir de changer les choses dans la ville au plus de 400 000 habitants où les initiatives se multiplient pour tenter de réduire la pollution. Clara a également rencontré plusieurs associations de la cité phocéenne lors d’un voyage, il y a quelques mois.
Elle envisage de réaliser un film ou, pourquoi pas, d’écrire un livre à l’issue de l’expédition. À Marseille, l’équipage prévoit des actions concrètes et de grande envergure pour marquer les esprits. Des projets qui prendront forme au fil de son voyage.
La trentenaire a pris la mer, cette semaine avec ses deux équipiers : Emile, déjà rodé aux longues traversées, ingénieur et professeur de voile, et Salomé, vidéaste et photographe qui a travaillé longtemps avec Sea Shepherd et revient d’une campagne en Antarctique.
Leur périple est à suivre sur les réseaux sociaux.
Pour suivre le projet
Sur Instagram : The Cool Life
Le compte instagram de Salomé Torjman, vidéaste et photographe de l’équipe : salommmm
Sur leur site Internet : thecoolife.org