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Essais nucléaires en Polynésie française : un manque de données selon l’Inserm

Le rapport de l'Inserm "souligne l'insuffisance d'études sérieuses et continues sur le sujet"

À la demande du ministère de la Défense, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a réalisé une expertise collective. 

L’Inserm estime qu’il y a trop peu de données pour établir ou exclure un lien entre les essais nucléaires réalisés en Polynésie française et des pathologies telles que le cancer.

Les résultats des études menées en Polynésie française « sont insuffisants pour conclure de façon solide sur les liens entre l’exposition aux rayonnements ionisants issus des retombées des essais nucléaires atmosphériques en Polynésie française et l’occurrence » de pathologies comme le cancer de la thyroïde ou les hémopathies malignes, ont estimé dix experts réunis par l’Inserm, selon la synthèse du rapport.

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Mais les rares études épidémiologiques « ne permettent pas non plus d’exclure l’existence de conséquences sanitaires qui seraient passées inaperçues jusqu’à présent », nuance ce rapport commandé en 2013 par le ministère de la Défense.

Les experts ont analysé 1 150 documents et études portant sur la Polynésie française et sur d’autres sites où ont eu lieu des essais nucléaires. La France a réalisé 193 essais sur les atolls de Moruroa et Fangataufa, dans l’archipel des Tuamotu, entre 1966 et 1996, dont 46 essais atmosphériques, les huit premières années.

Le rapport souligne à plusieurs reprises le manque d’études complètes pour établir l’impact des essais sur la santé des Polynésiens. « Ces résultats et la rareté des données justifient la nécessité d’envisager d’autres approches afin d’évaluer les conséquences sanitaires des retombées des essais nucléaires en Polynésie française », précise-t-il.

Il constate cependant une incidence très élevée de cancers de la thyroïde en Polynésie française. « Sur la période 1998-2002, elle est même la plus élevée au monde, avec celle de la Nouvelle-Calédonie ».

Mais les experts n’établissent pas de lien avéré avec les essais nucléaires, et pointent aussi d’autres facteurs de risques pour les pathologies constatées, comme le tabagisme, la forte consommation d’alcool ou l’obésité.

Cette étude n’englobe pas toutes les conséquences sanitaires potentielles des essais nucléaires : les auteurs précisent qu’ils ont étudié les conséquences des rayonnements ionisants, mais pas les effets psychosociaux, ni la toxicité chimique des radionucléïdes.

Dans ses conclusions, le rapport recommande une amélioration de la surveillance sanitaire des pathologies non transmissibles, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires et les anomalies congénitales. Il estime nécessaire d’affiner les estimations de doses reçues par la population locale. 

Il propose enfin de réaliser une veille attentive et rigoureuse de la littérature scientifique internationale sur les effets des faibles doses de rayonnements ionisants.

« Il faut se poser la question de la pertinence des documents »

Moetai Brotherson, député

Contactée par téléphone, l’association 193 pointe du doigt un rapport orienté. Pour le Père Auguste Uebe-Carlson, membre de l’association 193, « c’est un rapport qui n’apporte rien de nouveau […] et qui en fin de compte, confirme bien la position de l’Etat. Même si ce rapport se défend d’être indépendant, on sait tous que l’Inserm […] est financé par l’Etat ».

Pour le député Moetai Brotherson, « ce sont des études documentaires, donc il faut se poser la question de la pertinence de ces documents. Est-ce que les 1150 documents qui ont été utilisés sont tous pertinents, est-ce qu’ils présentent tous des garantis d’indépendance ». Toutefois, le rapport encourage d’autres études : « c’est un point important que souligne ce rapport, l’insuffisance de données et d’études épidémiologiques sérieuses et continues sur le sujet ».

Deux études menées en Polynésie ont pourtant été faites pour analyser le lien entre les retombées radioactives et la santé des Polynésiens. Elles suggèrent une augmentation du risque de cancer et de mortalité. La première a été menée sur 602 cas témoins entre 1983 et 2001. La seconde, entre 1966 et 1996 sur les vétérans présents sur les sites d’essais nucléaires en Polynésie.

L’historien Jean-Marc Regnault regrette « des régressions sur l’ouverture des archives militaires » qui nourrissent les « doutes » des militants sur la sincérité de l’étude. « Compte tenu de tous les mensonges qu’il y a eu, on peut se demander si ces conclusions ne sont pas un nouveau mensonge, même si ce sont des scientifiques de l’Inserm et non l’Etat ».

Jean-Marc Regnault rappelle que d’autres études scientifiques, comme celles de la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité), sont arrivées à des conclusions différentes à partir des mêmes documents et que les autorités de l’Etat, comme François Hollande, ont aussi reconnu les conséquences sanitaires des essais nucléaires.

Il y a 5 ans jour pour jour, le 22 février 2016, l’ancien Président de la république François Hollande, en visite officielle au fenua, avait reconnu l’impact des essais nucléaires sur l’environnement et la santé des polynésiens.

La synthèse du rapport de l’Inserm est disponible en ligne. Le rapport complet de l’expertise sortira également en ligne à compter du 24 février.

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