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La menuiserie Castellani, une histoire de père en filles

Moetu, Pascal et Moetia Castellani devant la menuiserie MCIII, installée dans la zone industrielle de la Punaruu (Crédit Photo : Famille Castellani)

C’est en 1978 que Pascal Castellani, son CAP menuiserie en poche, se lance à son compte. À 19 ans, il installe son atelier dans son garage de Ste Amélie, loin d’imaginer qu’il écrit les premières pages de la grande histoire des Castellani dans le bois. Rebaptisée MCIII, l’entreprise de 15 employés spécialisée dans le sur-mesure s’est relocalisée dans un hangar de 900 m², du côté de la ZI de la Punaruu. Les deux filles de Pascal, Moetia et Moetu, ont naturellement repris le flambeau de la menuiserie. Une affaire de famille, depuis le départ.

« Au tout début, (la maman de Pascal) tenait la comptabilité. Elle l’aidait à aller acheter du bois, à se rendre sur les chantiers… Dès notre enfance, il nous a transmis son amour pour cette matière noble. On a le bois dans notre ADN » , sourit Moetia, l’aînée. Partie à ses 18 ans pour suivre des études de commerce international en Australie, elle se rend à Londres et en Norvège avant de revenir il y a douze ans, pour de bon, au fenua. C’est elle qui reprend la direction de MCIII, rejointe plus tard par Moetu, de cinq ans sa cadette.

Partie en même temps que sa sœur en Australie, Moetu y restera finalement 18 ans. Là-bas, elle rencontre le père de ses deux enfants, et la petite famille décide de revenir vivre à Papeari en 2020. D’un profil plus manuel et créatif que Moetia, elle développe les outils numériques de la menuiserie et y trouve vite sa place, proposant des créations modernes qu’elle dessine et réalise. « Que je ponce aussi ! Je bouffe de la poussière » , rit-elle.

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Ensemble, elles sont l’avenir de la Menuiserie Castellani, apportant une touche féminine à un milieu très majoritairement composé d’hommes. Un détail qui ne compte pas vraiment pour elles : « ça peut être compliqué d’intégrer ce milieu d’hommes, d’autant plus que certains de nos ouvriers nous ont vu en couche ! Ils sont toujours avec nous, après 40 ans de carrière » , poursuit Moetia. « Maintenant, c’est un peu nous qui donnons les consignes » , glisse Moetu, toujours dans l’esprit d’ouverture cher à MCIII. Une bonne poignée de ces employés, dont deux sont sourd-muets, est restée fidèle à l’entreprise depuis le départ et continue à la faire prospérer, évoluant avec elle dans le temps.

Deux bébés à quelques semaines d’intervalles

2022 marque un tournant dans la vie des deux jeunes femmes. Les sœurs mettent au monde leurs bébés à quelques semaines d’intervalle. Elles prennent un temps de réflexion, se posent la question de mettre leur travail à la menuiserie entre parenthèses. Choix est fait de poursuivre l’aventure, par passion et souci d’héritage. « On a eu la chance d’avoir deux parents extrêmement passionnés par leur travail. On ne peut pas juste rentrer à la maison et ne pas penser à l’atelier, confie Moetia. Ils nous ont transmis cela. S’il faut mettre dix couches de vernis, alors on va mettre dix couches » .

Si les premiers mois de leurs bébés et le travail sont parfois durs à concilier, elles peuvent compter sur l’aide de leurs proches, l’assouplissement de leur emploi du temps et le travail à distance. « On délègue plus, forcément, explique Moetu. Et on a des cernes, mais ça heureusement on ne le verra pas dans l’article, sourit-elle. On court plusieurs marathons dans la journée, le premier quand on se lève, le second quand on arrive au boulot, le troisième quand on arrive à la maison et le quatrième pour prendre du temps avec nos conjoints » .

Être maman et gérer un travail extrêmement prenant, « pas infaisable, à condition de s’accrocher » , assurent les deux sœurs, qui concèdent n’avoir que très peu de temps pour elles-mêmes. Engagées auprès des foyers de jeunes mamans, elles participent à l’exposition annuelle de l’association des Marraines, en décembre, à qui elles reversent une partie de leurs recettes. « C’est une cause qui nous tient à cœur, qui a tout de suite résonné, confie Moetu. Être jeune maman, ça peut être difficile. Il ne faut pas baisser les bras » .

« On n’est pas dans une démarche de compétition. On peut tous évoluer ensemble »

Moetu Castellani, sur le développement de la filière du bois en Polynésie

Moetia ne laisse pas planer le doute quant à sa détermination. « Quand on prend une décision, on va à fond. Si on n’y croit pas dès le commencement, à quoi ça sert ? » , a-t-elle pour coutume de dire. Elles veulent, elles aussi, transmettre cet esprit combattif à leurs enfants sans pour autant mettre une pression malvenue sur leurs épaules, prévient Moetu : « si l’on a fait ce choix, ce n’est pas dans le but que nos enfants reprennent la suite. On veut simplement préparer le terrain pour pouvoir leur laisser quelque chose, un héritage » .

Autre projet moins tangible que le marumaru sur lequel elles travaillent, les deux sœurs aimeraient partir en vacances avec leurs enfants, sûrement ensemble. Une famille soudée, qui garde un fort attachement au fenua et ne souhaite pas fonctionner en vase clos. « On veut collaborer avec les autres entreprises dans le même secteur que nous. On n’est pas dans une démarche de compétition, on veut développer la filière du bois en Polynésie, notre savoir-faire… On peut tous évoluer ensemble » , conclut Moetu, qui souhaite passer un dernier message aux filles voulant se lancer dans le milieu. « Les filles ont un petit regard supplémentaire qui fait que l’objet que l’on va créer aura une petite différence dans la finition. Je ne dis pas que les hommes ne font pas attention, hein ! Mais je dirais que les femmes arrivent à apporter un petit plus » .

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