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Matairii Maire, un ingénieur passionné à la tête du SIGFA

Matairii Maire, directeur du SIGFA de Punaauia et Paea (Crédit photo : NS/TNTV)

Originaire de Taravao, Matairii grandit entre le fenua et l’Hexagone : « Mes parents aimaient bouger, et comme ils sont fonctionnaires, ils changeaient souvent de travail et de lieu. Quand mon père a été nommé préfet, on a été amenés à bouger régulièrement. J’avais plein d’amis de partout ! Je n’aime pas trop le terme de ‘demi’. On est multiples. J’ai aussi bien des racines ici qu’en France ».

« Ingénieur par hasard »

Si adolescent, il se rêve pêcheur et agriculteur, comme ses oncles, son baccalauréat obtenu dans un grand lycée parisien -l’un des meilleurs de France- il se lance finalement dans une prépa Math Sup « mais mon premier choix, c’étaient les Arts appliqués, je voulais faire de l’art. Dans ma famille, on adore les arts, dessiner… Mais j’aimais aussi les sciences » précise-t-il. Il postule à plusieurs écoles : « Le lycée où je faisais Math Sup m’a appelé et m’a dit que j’avais ma place, j’y suis donc allé. Ce que je dis souvent, c’est que je suis ingénieur par hasard, mais j’aime ce métier. Si une école d’Arts appliqués m’avait appelé en premier, j’aurais fait les Arts appliqués ».

Matairii effectue sa prépa à Paris : « C’était dur et exigeant » admet-il. Il enchaine les concours : « J’en avais marre de Paris et j’ai choisi toutes les écoles qui étaient en bord de mer. La mer me manquait ». Car le jeune homme est passonné de surf et de va’a. Il débarque finalement à Marseille : « C’était l’ESM2 à l’époque, l’École supérieure de mécanique de Marseille qui s’est transformée en école centrale. C’était une expérience hallucinante, géniale. J’ai beaucoup appris là-bas ». Il garde toujours un lien avec le fenua en retournant de temps à autres sur Tahiti : « Mais je privilégiais la découverte de la France ».

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Il se spécialise alors en mécanique des fluides : « je me suis orienté vers les fluides naturels. Ce qui m’intéressait, c’était la houle, la météo. Je voulais faire enseignant-chercheur ». Il intègre le Centre Européen de Recherche en Géologie et Environnement (CEREGE) à Aix-en-Provence : « J’étais aussi intéressé par le nucléaire. Je voulais comprendre comment les radionucléides, une fois qu’ils atterrissent sur le sol, évoluent. Comment ils s’associent chimiquement à des particules et comment ils bougent dans le sol et arrivent aux plantes, et finalement la consommation humaine. J’étais assez estomaqué de la rapidité à laquelle ça va de l’air à la bouche, en fait, en passant par la terre et les plantes. ». Il s’intéresse également à la consommation d’eau : « L’idée était d’optimiser la forme d’une petite buse (qui envoie de l’eau pour arroser les champs, NDLR) pour consommer le moins d’eau possible et qu’on puisse quand même suffisamment apporter d’eau aux plantes », mais aussi aux coraux : « ‘Étudier l’interaction entre le corail à l’échelle microscopique et son milieu environnemental. Du coup, il y avait de la modélisation numérique, il y avait de la géochimie, donc tout ce que j’avais déjà étudié ».

Matairii et ses 2 enfants

Porté par des envies d’ailleurs, Matairii projette à un moment de partir travailler dans l’hydraulique en Côte d’Ivoire : « Une semaine avant que je parte, il y a eu la guerre civile ». Son projet avorté, Matairii âgé de 26 ans, est de retour au fenua en vacances avec sa femme. Finalement, il décide de ne plus en partir : « J’étais pris par les émotions. Les odeurs, le son, l’accent… Ça faisait tellement longtemps que j’étais parti que ça m’a pris. C’est venu de l’intérieur. Je me baladais un soir à Papeete et je me suis mis à pleurer d’un coup. C’est ça qui a fait que je suis resté. Et j’ai retrouvé tous mes potes d’enfance petit à petit ».

De la protection des requins… au SIGFA

Parmi eux, l’apnéiste Denis Grosmaire : « Jusqu’à aujourd’hui, on a monté plein de projets ensemble. Notre passion, c’était d’aller plonger avec les requins ». Ils créent Tore Tore, une association pour la protection et la préservation des requins en Polynésie française, -toujours active. En parallèle, Matairii travaille en tant que directeur adjoint des services techniques de Papeete pendant trois ans : « J’ai adoré, mais je bossais comme un malade. À 6 heures du matin, je faisais des réunions pour l’association, et après, j’enchainais à la mairie ». Il devient par la suite ingénieur à l’OPH : « C’était plus reposant. Je n’avais pas 200 personnes à gérer, des travaux dans tous les sens… Là, je travaillais juste sur des lotissements sociaux ».

Trois ans plus tard, il « s’ennuie un peu » dans son travail et part vivre à Moorea où il devient directeur technique de la commune en 2009 : « C’était génial, j’avais une équipe de jeunes, on a vraiment fait de belles choses ». Mais en 2014, c’est le choc, Matairii fait un AVC : « Je me suis tellement donné, je ne dormais quasiment plus ». Il décide de partir dans le privé : « Je voulais changer d’environnement, le monde communal est dur et très exigeant ». Il travaille pour une société d’hydrocarbures pendant trois ans : « Puis j’ai décidé de voler de mes propres ailes et créer ma boite ». Il devient consultant : « J’étais plus libre et cela me permettait de voyager dans les îles et de revoir certains membres de ma famille ». Un goût des voyages qu’il tient depuis son enfance.

Lors de la remise en 2024 d’une subvention de la part de Fenua Ma pour les projets pédagogiques de l’association Tore Tore dans les écoles et à l’attention des jeunes générations. 

« Ce qui m’intéressait, c’était de créer une entreprise qui ait du sens pour moi » concède-t-il. Sa passion pour le va’a ne l’ayant pas quitté, il crée fin 2019 une agence événementielle qui a pour objectif de démocratiser ce sport aussi bien pour les touristes que pour les Polynésiens. Il forme également les clubs de va’a : « Un club, il apprend à ses rameurs à ramer, pas à accueillir des gens, à leur apprendre la culture de va’a. La pédagogie dans les clubs de va’a, ce n’est pas trop ça… J’amenais une autre dimension ». Matairii mène donc une vie d’auto-entrepreneur. Il fait d’ailleurs partie de la première promotion des start-ups de Prism : « C’était hyper plaisant. Je gagnais deux fois moins ma vie qu’avant, mais je voyageais plus et j’avais plus de temps libre. Je partageais ma vie entre 50% de temps pro et 50% de temps associatif ».

En 2018, il est amené à être consultant pour ce qui va devenir la fourrière de Punaauia et Paea : « J’aidais à finaliser le chantier et obtenir toutes les autorisations, les conformités, l’agrément de la biosécurité… J’ai visité toutes les fourrières qui existent sur le territoire ».

Lire aussi – 2 ans du SIGFA : une deuxième chance pour 70% des chiens de la fourrière

De fil en aiguille, de consultant au SIGFA (syndicat intercommunal pour la gestion de la fourrière animale), il finit par y rester et à en devenir en 2022 le directeur actuel. Il met aujourd’hui toute son expérience et son amour au service de nos amis à 4 pattes, parce que Matairii a toujours été sensibilisé aux questions du bien-être animal : « Comme pour beaucoup de gens, pour moi, la fourrière avait une connotation négative. Là, on m’a donné l’occasion de créer quelque chose de différent. En France, ils ont des systèmes de fourrières-refuges qui sont gérés par des associations de protection animale. Donc, avec une partie fourrière et une partie refuge. Nous, nous sommes seulement une fourrière parce qu’on répond à une règlementation, (…) mais rien ne nous empêche de nous inspirer des bonnes pratiques qui se font ailleurs, notamment dans les refuges, et qu’on les intègre petit à petit dans notre fourrière, à tel point que les élus ont décidé d’inscrire dans les statuts du SIGFA les piliers du bien-être animal« .

Deux ans après avoir intégré le SIFGA, il nous confie avoir signé pour deux années supplémentaires et vouloir mettre en place encore d’autres projets : « Mon utilité est dans la création de projets et la mise en œuvre de nouvelles politiques ou dans la résolution des problématiques un peu complexes en termes de droits, etc. (…) Il y a toujours des gens qui se font mordre. Il y a toujours des accidents de deux-roues. On estime qu’environ 50% des accidents de deux-roues sont dus à de la divagation de chiens. Ramasser les chiens pour sécuriser, ça fonctionne pour les chiens qu’on a ramassés. Mais les problèmes ne changent pas. Il y a toujours autant de gens qui se font mordre ». Il souhaiterait davantage sensibiliser les jeunes à la condition animale : « Il faut aller dans les écoles expliquer aux gamins qu’une interaction avec un chien, ce n’est pas forcément que du négatif et qu’on peut s’en sortir bien comme il faut. Pour moi, ça éviterait un tas de morsures. C’est important de toucher les enfants et les sensibiliser sur ce qu’est un chien, comment il se comporte, et ce qu’il se passe quand on en prend soin et quand on n’en prend pas soin. On va fabriquer une mallette pédagogique, créer des supports. À terme, on aimerait que la direction de l’Enseignement puisse s’approprier ce projet et créer des délégués de la cause animale ».

Car pour Matairii, ces chiens de la rue « valent encore le coup » et 70% d’entre eux qui arrivent à la fourrière ont une deuxième chance : « Les chiens qu’on a ramassés dans la rue, qu’on ne connaît pas du tout, aujourd’hui, on arrive à faire en sorte qu’ils soient bien. La première chose qui étonne les gens quand ils viennent chez nous, c’est le calme. C’est parce qu’ils sont en sécurité, ils se sentent bien, ils voient qu’il y a de la bienveillance ». Un mot qui caractérise bien Matairii.

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