TNTV : Vous êtes médecin référent à l’institut du cancer de Polynésie française, l’ICPF qui est depuis cette année en charge du dépistage dans tout le fenua. Tout d’abord il est peut-être bien de rappeler ce qu’est le cancer du sein. Quelles en sont les causes ?
Delphine Lutringer, médecin référent de l’institut du cancer : « Le cancer du sein, c’est un dérèglement au niveau des cellules des titi, qui se mettent à se diviser de manière complètement anarchique. Les causes on ne les connait pas très bien. Le cancer c’est une maladie qui est multifactorielle. c’est-à-dire qu’il y a plein de petites causes qui s’accumulent, qu’on a du mal à identifier. Néanmoins on connait quand même quelques facteurs de risque. Certains pour lesquels on ne peut pas faire grand-chose, comme le fait d’être une femme par exemple. C’est vrai que les hommes peuvent développer un cancer du sein. Il y a le fait de prendre de l’âge. Plus on vieillit, plus notre risque de développer un cancer du sein augmente. Et puis il y a aussi les antécédents familiaux quand on a beaucoup de cas de cancer dans la famille. Après il y a des facteurs qu’on peut un peu plus modifier. Par exemple la consommation excessive d’alcool, l’absence d’activité physique ou l’obésité qui peuvent avoir un impact sur le risque. »
Quel est l’impact justement sur la vie au quotidien d’une femme atteinte d’un cancer du sein ?
« Forcément ça va mettre sa vie en suspens un certain nombre de semaines. Un certain nombre de mois. Néanmoins ce qui est très important, et notamment à travers ce mois d’octobre rose qui sensibilise les femmes au dépistage, c’est qu’on sait que quand le cancer du sein est dépisté, diagnostiqué, très précocement, alors même qu’il ne fait pas parler de lui, alors qu’il est tout petit, eh bien on sait que c’est un cancer qu’on va très bien prendre en charge, qu’on va guérir. Et surtout on va avoir un traitement qui va être moins long, et moins lourd. »
Un dépistage par le biais de la mammographie. C’est ce sur quoi on essaie de sensibiliser durant ce mois d’octobre. Et pourtant Delphine Lutringer, seulement 41% de la population cible a effectué une mammographie sur les deux dernières années. Pourquoi ?
« La mammographie c’est tous les deux ans. C’est entre 50 et 74 ans que ce dépistage est recommandé. C’est vrai que 41% c’est pas mal on pourrait dire, mais c’est loin d’être satisfaisant en effet. C’est une très bonne question. Il faut qu’on essaie de comprendre pourquoi pour pouvoir essayer d’améliorer, lever certains freins. Pourquoi, ça peut être parce que je n’ai pas de transport, je ne peux pas me rendre auprès d’un radiologue. C’est « je n’ai pas le temps » ou « j’y pense à un moment donné et puis je ne prends pas rendez-vous ». Et puis il y a la crainte. Ça peut être la crainte du dépistage, de l’examen en lui même. »
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L’examen n’est pas douloureux ?
« Non, quand il est bien fait, avec bienveillance, ce n’est pas un examen qui est douloureux. Il peut aussi y avoir la crainte du résultat et la crainte de la maladie. Donc c’est notamment pour ça que le Tarona tere a été conçu. C’est pour essayer de lever un certain nombre de ces freins : celui du transport, celui de la crainte… »
C’est ce qui manquait à ce mois d’octobre rose : faciliter l’accès au dépistage pour les femmes ?
« En partie. C’est ce qu’on essaie de faire. On essaie d’être innovants. Et puis il y a aussi l’effet groupe parce qu’on les transporte en groupe ces femmes. Donc elles peuvent échanger. Il y en a qui n’ont jamais fait de mammographie, il y en a qui en ont déjà fait. Donc ça permet de discuter entre elles et que celles qui en ont fait puissent rassurer les autres. Et donc les femmes sont quand même super contentes et ressortent avec une expérience extrêmement positive de ce dépistage. Et elles peuvent aussi transmettre l’information autour d’elles. »
En moyenne 160 nouveaux cas de cancer du sein sont détectés chaque année. C’est la première fois que l’ICPF organise le mois d’octobre rose. On imagine que ces opérations vont se répéter d’année en année. Qu’est-ce que vous espérez pour les années suivantes ?
« Ce programme qu’on teste au mois d’octobre, on aimerait pouvoir le pérenniser, l’évaluer. S’il a du sens, si tout le monde est content et qu’il est assez simple à mettre en œuvre, on essaiera de l’étendre au cours de l’année. Bien sûr on va répéter des actions en octobre mais pas qu’au mois d’octobre. Pour essayer de faciliter l’accès, lever certains freins, chercher de nouveaux projets innovants que ce soit pour Tahiti mais aussi pour des archipels plus éloignés évidemment parce que c’est hautement plus complexe d’amener le mammographe, cet appareil, près des femmes. »