Site icon TNTV Tahiti Nui Télévision

Pouvana’a, les essais nucléaires : des « Mensonges d’État » parmi bien d’autres

Ce recueil de mensonges d'Etat en recense trois liés à la Polynésie - Infographie : Roger Vanquin

Cinq cent quarante-huit pages de mensonges d’État. Il faut avoir une sacrée foi en la République pour lire Mensonges d’Etat sans que notre confiance en la classe politique soit ébranlée. Car les auteurs le soulignent : il ne s’agit pas de revenir sur les erreurs des élus, mais bien sur les mensonges délibérés, sur « la volonté de tromper les citoyens ».

Le nez de Marianne peut s’allonger jusqu’en outre-mer. Et même, au moins trois fois, jusqu’en Polynésie. Dès le début de la Ve République, Pouvana’a Oopa est écarté de la vie politique. Grâce à des chercheurs comme Bruno Saura, Valérie Gobrait et Jean-Marc Regnault (à l’origine de sa réhabilitation), et grâce au documentaire de Marie-Hélène Villierme, cette mise en cause d’un homme intègre est désormais bien connue en Polynésie.

Pouvana’a à Papeete, Lenormand à Nouméa

Mais dans ce livre, l’affaire Pouvana’a est mise en parallèle avec l’affaire Lenormand. L’historien Alexis Vrignon relève les similitudes entre ces deux mensonges d’État. Les deux hommes ont été élus députés, l’un en Polynésie, l’autre en Calédonie, et représentent une forme de résistance au pouvoir colonial. Tous deux seront accusés à tort de faits qu’ils n’ont pas commis, déchus de leurs mandats et condamnés. Tous deux reviennent ensuite en politique, mais ne retrouveront jamais la même influence.

– PUBLICITE –

« Au nom du maintien d’une tutelle héritée de la période coloniale, les pouvoirs publics de l’époque se sont attachés à saper les revendications autonomistes voire indépendantistes en écartant des élus de la République », conclut Alexis Vrignon.

La ‘raison d’État’ a poussé les dirigeants de la Ve République à mentir sur de nombreux sujets, pour protéger l’armée ou la police, la vie privée des Présidents, ou même les banques. Pour masquer aussi des erreurs dans la gestion du terrorisme ou les grands scandales sanitaires, comme l’amiante ou le chlordécone.

Des mensonges sur les essais nucléaires

Mais l’État a finalement beaucoup menti sur ses terres coloniales. Une cinquantaine de pages sont ainsi consacrées à la guerre d’Algérie. Une cinquantaine également aux essais nucléaires, en Algérie et en Polynésie.

« La conduite des essais nucléaires dans le Pacifique déploie toute la gamme des mensonges d’État, alors que les retombées radiologiques, mais aussi les impacts socio-économiques et culturels du CEP changent le cours de l’histoire de la Polynésie », affirme l’historien Renaud Meltz. Aujourd’hui encore, la France nie avoir menti. « Il n’y a pas eu de mensonge d’État, il y a eu des interprétations », assurait la ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, Geneviève Darrieussecq devant la caméra de TNTV, lors de la table ronde Reko Tika, à Paris en 2021.

Avant et pendant les essais nucléaires en Polynésie, l’État a participé à la « fabrique de l’ignorance », puis menti sur les retombées, puis « dissimulé les risques sanitaires de ces retombées », passant, selon l’historien, qui épluche les archives déclassifiées du CEP, « du secret arrogant au mensonge cynique ». Il conclut cependant ce chapitre sur une note d’espoir : « L’ouverture des archives est un premier pas vers la reconnaissance du mensonge d’État – et peut-être un moyen de fonder un nouveau pacte démocratique entre Paris et Papeete ».

Le Rainbow Warrior, un attentat d’État

Liée aux essais nucléaires, l’affaire du Rainbow Warrior est probablement un peu moins présente chez ceux qui étaient encore enfants, ou pas encore nés, dans les années 80. L’histoire de ce navire de Greenpeace, opposant farouche aux essais, avait pourtant défrayé la chronique dans le monde entier. En 1985, le bateau sombre dans le port d’Auckland après une explosion, qui tue un photographe à bord. L’enquête prouvera que des agents secrets français sont à l’origine de ce sabotage. L’amateurisme des « faux époux Turenge », déguisés en touristes suisses, les confondra rapidement et l’affaire sera révélée en France dans Le Monde par le journaliste Edwy Plenel. Mais avant cela, les plus hautes autorités de l’État, comme le premier ministre Laurent Fabius et le ministre de la Défense Charles Hernu, auront nié l’implication de la DGSE. Charles Hernu devra d’ailleurs démissionner après la révélation de ce scandale diplomatique, qui « écorne un peu plus l’image de la France dans le Pacifique sud » et refroidit pour de longues années les relations entre la France et la Nouvelle-Zélande.

Mensonges d’Etat, une autre histoire de la Ve République, sous la direction d’Yvonnick Denoël et Renaud Meltz, Editions Nouveau monde, 2023

Quitter la version mobile