On pourrait penser que le piège est évident. Mais pas pour tout le monde. Sur les réseaux sociaux et en particulier sur Facebook, très utilisé en Polynésie, les arnaques pullulent.
Vous ou vos proches avaient peut-être déjà été concernés : offres de crédits, usurpation d’identité, phishing, vol de coordonnées bancaires… Ces dernières années, elles ont explosé, en particulier au moment de l’apparition du Covid-19. En 2020, le gouvernement central a mis en place une « task force » nationale pour lutter contre le phénomène. En Polynésie, une unité spécialisée dans la cybercriminalité a été créée.
Me Peuillot, avocat intervenant principalement dans le domaine du numérique, a reçu jusqu’à récemment plusieurs clients victimes d’arnaques au fenua, et en particulier d’arnaques sentimentales… « Les arnaques où les gens proposent des prêts gratuits ou des dons, ça ne marche pas vraiment (…). En revanche, lorsqu’une jeune femme prend contact pour proposer d’entretenir une relation amicale ou plus, les gens veulent y croire et ça marche très bien. (…)
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En général ça commence par un faux compte créé avec une très belle photo d’une jolie jeune femme qui va contacter ses victimes en leur proposant d’entretenir une relation, d’échanger pour devenir amis et très rapidement ça tourne autour de la séduction et surtout autour de l’argent. »
Principales cibles, selon l’avocat : des hommes, sexagénaires, et souvent seuls. « Mais il y a souvent aussi des personnes dans la quarantaine, mariés. Ils vont être chefs d’entreprises, hommes politiques… Ça touche tout le monde. »
Au fil de la conversation, des photos et vidéos vont être échangées. « Ils envoient des photos et vidéos d’eux tout nu et la discussion. Puis l’échange qui était auparavant de séduction, d’amitié, de sympathie, change et devient une discussion de chantage et de peur. »
L’arnaqueur, qui se trouve généralement à l’étranger, va d’abord demander à la victime de lui envoyer de l’argent pour qu’elle puisse le rejoindre en Polynésie par exemple. « Localement, ce que j’ai vu, c’est qu’ils vont avoir plusieurs victimes à la fois. Les deux victimes croient toutes les deux que la jeune fille est amoureuse d’eux et que c’est l’amour fou. Ils vont dire à la victime 1 « envoie de l’argent sur le compte CCP de telle personne ici, c’est mon cousin et il m’enverra les fonds ». La victime 2 reçoit les fonds et ils lui disent « est-ce que tu peux récupérer les fonds que untel va t’envoyer, les récupérer et me les envoyer ? ». Les deux se font avoir. »
Lorsque la victime refuse de payer, le chantage débute. « Les gens malheureusement n’ont que deux choix possibles : soit ils paient, sans avoir la garantie que ça va s’arrêter, soit ils ne paient pas, mais dans ce cas-là, a priori, les photos et vidéos vont être diffusées partout. Malheureusement en général les gens paient. Ils paniquent donc ils paient. »
« L’arnaqueur utilisait des photos de Dua Lipa »
L’avocat confie que l’un de ses clients a payé jusqu’à 2 millions de Fcfp. « Il avait envoyé des photos de lui, peut-être 10. (…) Et la fille à qui il a envoyé les photos, les images qui ont été utilisées, c’est Dua Lipa… «
Se faire avoir par un profil utilisant les photos d’une star de la chanson, cela parait risible, et pourtant. S’il est difficile d’obtenir des chiffres sur le nombre de personnes touchées en Polynésie, les victimes sont bien réelles. Pour éviter de tomber dans le piège, quelques conseils :
- Méfiez-vous si votre interlocuteur affiche peu de photos sur son profil, s’il a peu d’amis, mais aussi si votre relation évolue très vite ou encore s’il refuse les appels vidéo.
- Au moindre doute, faites une recherche d’images avec la photo de profil de votre interlocuteur pour vérifier qu’il n’utilise pas la photo d’une personne célèbre
- N’envoyez pas de photos de vous nu
- N’envoyez pas d’argent
Si vous avez payé et subissez du chantage, portez rapidement plainte, même s’il est souvent difficile de retrouver les auteurs. « La plainte est traitée au niveau local. Ils prennent les PC, les Vini, tous les éléments qu’ils peuvent. Ils font une enquête. Le dossier, souvent, est ensuite envoyé à Paris où il y a une plus grosse brigade qui va traiter ça et voir si l’arnaqueur est lié à d’autres affaires. »
Sachez enfin qu’un guide de prévention contre les arnaques en ligne a été réalisé au niveau national. Il est disponible ici :