« On a tous été surpris, début 2020, de l’extension. Par contre on pensait bien que la Polynésie serait touchée », lance le Dr Henri-Pierre Mallet.
Février 2020, la Polynésie a les yeux rivés sur le reste du monde, tout comme les scientifiques du fenua. Ils guettent et se préparent à l’arrivée inéluctable du virus. Le 1er cas sera confirmé le 11 mars. C’est le début d’une période difficile tant sur le plan sanitaire qu’économique. Le monde se confine. Les frontières se ferment progressivement. L’État prononce un confinement le 20 mars, suivi d’un couvre-feu généralisé.
« L’idée du confinement strict et dur, je n’étais pas forcément partisan, confie l’épidémiologiste. L’idée pour moi, c’était de ralentir l’introduction et de donner le temps de se préparer. Ça a permis de s’équiper en matériel, ça a permis d’anticiper, ça a permis d’observer comment ça pouvait être géré ailleurs, d’attendre l’arrivée de nouveaux tests… Alors que le danger n’était pas encore là. »
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Le danger arrivera dès la réouverture des frontières, le 15 juillet. De très nombreux touristes foulent à nouveau le sol polynésien. Les tests PCR sont obligatoires mais plus la quatorzaine. Une mesure qui ne suffit pas. C’est le début d’une flambée des cas de Covid-19.
« Je pensais qu’on aurait des clusters avec des cas importés qu’on aurait pu contrôler à peu près et qu’il y aurait eu une évolution relativement lente et sporadique, indique le Dr Mallet. On n’a pas eu de chance, il y a eu un gros cluster dès le départ qu’on n’a pas pu contrôler. Vous savez bien, cette affaire du Piment Rouge. Donc ça a évolué de façon plus rapide qu’on ne le pensait. Mais on savait que de toute façon une vague épidémique allait arriver. »
Une vague épidémique et un premier mort lié au virus survenu le 10 septembre. Le début d’une longue série… La stratégie sanitaire est alors d’intensifier les tests PCR, notamment dans les quartiers, et de protéger au maximum les personnes les plus fragiles. Mais le pic épidémique est atteint à la mi-novembre avec plus de 2 000 cas et une centaine de personnes hospitalisées.
« On essaie de ralentir la transmission, mais on l’a vu, une fois que c’est étendu, c’est un petit peu compliqué ; et de préparer au maximum les prises en charges hospitalières. Donc ça, ça a été le gros travail, poursuit le Dr Mallet. L’hôpital s’est très bien préparé. On avait anticipé sur un certain nombre de lits de réanimation, qui n’ont jamais finalement atteint le maximum. On était à la limite, on a réussi à contenir auparavant. Au niveau mondial, on avait la chance d’arriver un peu après les autres vagues, donc on s’est rendu compte qu’en termes de traitement on avait quelques avancées : qu’il fallait éviter l’intubation à tout prix des patients. On les traite par oxygène, mais on n’est pas obligé de les intuber. On sait que les corticoïdes aussi étaient efficaces à ce moment-là, alors qu’on avait utilisé d’autres choses auparavant. On sait que la chloroquine n’était pas efficace, alors qu’on avait beaucoup débattu et perdu de temps là-dessus. Donc on bénéficiait de ces avancées en quelque sorte. »
Aujourd’hui, les acteurs de la santé comptent sur la vaccination et l’immunité collective pour voir le bout du tunnel. Mais l’arrivée de certains variants inquiète le monde scientifique.