Au fenua, près de 47 000 personnes sont actuellement en longue maladie. Parmi les plus répandues, le diabète, qui représente le principal fléau. Sur l’ensemble de la population, 70% des adultes sont en surpoids, dont 40% sont obèses. Il s’agit d’un des taux les plus élevés au monde, selon un rapport de l’Institut national du cancer. Le diabète est une maladie chronique pour laquelle la prise en charge est de plus en plus difficile. C’est le constat dressé, sur le terrain, par les soignants.
« Il y a deux problématiques », explique Tony Tekuataoa, le chef du service des urgences de l’hôpital de Taaone, « il y a la gravité de l’état des patients qui augmente mais aussi une qualité de prise en charge qui est compliquée car, pour les patients obèses, tous nos gestes techniques deviennent plus compliqués. Si je prends l’exemple d’un arrêt cardiaque, pour ce que l’on appelle les voies d’abord vasculaires, pour passer les drogues de réanimation, ça devient plus compliqué. Quand on doit intuber un malade, ça peut être aussi des complications car quand les patients sont comateux ou inanimés, il faut les ventiler. On est donc sur des techniques de réanimation qui posent parfois problème à cause de cette obésité ».
Si le diabète est l’une des maladies qui touchent le plus la population, le tabac et l’alcool sont aussi au premier rang des facteurs de risques. Au fenua, plus de 70 000 personnes fument et l’alcool touche plus de 66% de la population. Résultat : près de 800 tumeurs malignes sont en moyenne détectées chaque année et près de la moitié des décès sont liés au cancer.
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« Il n’y a pas du tout de prévention actuellement. »
Seul moyen pour lutter contre cette dégradation de la santé des populations : la prévention. Mais la Polynésie en fait-elle assez ? Non, selon l’Institut national du cancer. Si le rapport reconnaît le travail de promotion d’une bonne hygiène de vie, il déplore un manque d’engagement financier. « La prévention institutionnelle représente seulement 3% des dépenses de santé. Une part très réduite qui marque le fait que la prévention n’est pas une réelle priorité », est-il écrit.
Un constat que partage le président du conseil d’administration de la CPS, Patrick Galenon : « il n’y a pas du tout de prévention, actuellement. C’est malheureux à dire mais c’est un fait. Et cela creuse les déficits de la CPS. Aujourd’hui, on a près de 12 000 diabétiques avec des carnets rouges. Cela nous coûte près de 13 milliards de francs par an. Il était question de taxer un peu plus le sucre, mais trois jours après, ça a été annulé pour des raisons que j’ignore. ».
« Il faut règlementer au niveau des sucres »
Prendre des décisions courageuses pour réduire les dépenses de santé… un avis partagé par Alain Andreu, auteur d’un ouvrage sur la médecine fonctionnelle. Selon lui, il est nécessaire de prendre le problème à la racine : « il faut règlementer au niveau des sucres. Il faut faciliter l’accès aux aliments frais et freiner au maximum tout ce qui est ultra transformé. Et, évidemment, il faut une politique de prévention qui ne soit pas calquée sur les messages nationaux ».
Alain Andreu estime que la liste de produits de première nécessité (PPN) devrait aussi être revue. « Par exemple, la baguette de pain blanc a un index glycémique stratosphérique, supérieur à l’index du sucre. Là on a un aliment diabétogène qui est très consommé en Polynésie. Evidemment, il y a une corrélation entre l’obésité et la pauvreté, donc c’est du domaine du politique », ajoute-il.
Si la réforme de la protection sociale généralisée a bien été engagée, elle a pris du retard. Mais au-delà des finances, et pour soulager les dépenses de santé à long terme, la riposte gouvernementale devra aussi se faire sur le front de la prévention pour réellement inverser la balance.