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Taxer le sucre est-il efficace ?

(crédit photo : Tahiti Nui Télévision)

Taxer le sucre est-il efficace ?

Entre une production de boissons sucrées estimée à 16 millions de litres, et des importations à 5 millions de litres, la consommation par habitant atteint les 80 litres par an selon les calculs de la direction de la Santé. Pas étonnant que la CPS enregistre plus de 12 500 diabétiques. Omniprésent en Polynésie, et en grande quantité, le sucre présente surtout un caractère addictif au même titre que le tabac, le cannabis ou l’alcool.

« C’est une drogue dure, déclare Ingrid Boudeau, diététicienne en diabétologie au Centre hospitalier de la Polynésie française. Vous sevrez quelqu’un en sucre pendant quelques jours, je peux vous garantir que cette personne ne se sentira pas bien. Elle se sentira fatiguée, sans énergie, elle fera un manque de sucre. C’est réel. De toute façon, si vous regardez les zones cérébrales qui sont activées lorsque vous prenez une drogue, cigarette ou alcool, et si vous prenez du sucre, vous verrez que ce sont les mêmes zones. »

Instaurée depuis 2004, la taxe visait notamment les crèmes glacées et les boissons gazeuses. Revisitée l’année dernière, elle touche plus de produits et s’assoit maintenant sur des teneurs en sucre pour 100 grammes. Le système de palier applique ainsi un tarif proportionnel à la quantité :
– 40 francs entre 4 à 10 grammes,
– 60 francs entre 10 à 30 grammes,
– 90 francs entre 30 et 40 grammes,
– et 120 francs au-delà de 40 grammes.

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Jugée « plus équitable », elle est d’ailleurs bien accueillie chez certains producteurs de la place qui n’ont pas voulu être filmés. Ils reconnaissent cependant être incités à revoir les formules de leurs produits.

Pour l’association des diététiciens, c’est bien, mais ça ne suffit pas. « Il faut aussi peut-être arrêter le lobby du sucre, poursuit Ingrid Boudeau. On a quand même des entreprises en Polynésie qui ne vivent quasiment que de ça, d’importation ou de fabrication de produits hyper sucrés. »

Alors que la prise de conscience fait son chemin, la demande d’accompagnement explose. Trop peu nombreux, les diététiciens du pays peinent à y répondre.

« Là on est à flux tendu au niveau de l’activité, assure Ingrid Boudeau. Le service diététique de l’hôpital a recruté énormément de diététiciennes. Pour l’instant elles ont énormément de travail sur tous les services de l’hôpital et elles n’ont pas suffisamment de temps encore, donc peut-être pas assez de ressources humaines, pour faire de l’éducation thérapeutique. Après, est-ce que c’est le rôle dans l’hôpital de faire de l’éducation thérapeutique ? Peut-être pas. Avant on avait une maison du diabétique, qui employait deux diététiciennes, maintenant on n’a plus de maison du diabétique… »

Pour Sophie Deram, spécialiste du comportement alimentaire de passage sur le territoire, le fond du problème, ce n’est pas tant le sucre que la place qu’on lui fait.  

« Ce n’est pas le sucre le méchant qu’il faut interdire, affirme-t-elle. Ce qu’il faut, c’est apprendre à vivre avec ce sucre. Mais c’est un fait que plus on est en restriction, plus on fait des régimes et plus on va vouloir manger sucré. Quand on est dans cette faim émotionnelle, ce n’est jamais des fruits ou des légumes qu’on veut, c’est toujours des aliments extrêmement énergétiques : des barres de chocolat, du sucre, des glaces, des gâteaux. »

Préconisée par le schéma de prévention de la santé, la taxation nutritionnelle devrait s’étendre également aux produits salés et riches en graisses.

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