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L’armateur polynésien entre Tahiti et la Nouvelle-Zélande, un « projet irréalisable » ?

La société de porte-conteneurs du Pays compterait deux navires pouvant charger 600 conteneurs EVP (Crédit Photo : archives TNTV)

L'armateur polynésien entre Tahiti et la Nouvelle-Zélande, un "projet irréalisable" ?

C’est à Paris, à l’issue d’une rencontre la semaine dernière avec le président d’une entreprise-conseil en stratégie maritime, que Moetai Brotherson évoque son nouveau projet : celui d’une société, en partie détenue par le pays, opérant des porte-conteneurs entre Tahiti et la Nouvelle-Zélande. Dans une interview accordée à Outremers360, le président du Pays défend l’idée en précisant que ladite société n’aurait pas vocation à « faire de la spéculation sur les coûts des transports » mais à opérer « à coûts fixes » et « prévisibles« . « Elle permettra à nos importateurs de bénéficier de coûts de transports avantageux et aux transporteurs classiques, qui s’orientent vers des navires de plus en plus grands, de se délester d’un détour par la Polynésie qui les embête plus qu’autre chose« , expose-t-il.

Le Pays créerait en somme un équivalent maritime de la compagnie aérienne du Pays Air Tahiti Nui. Il compterait deux navires de 600 conteneurs EVP (Équivalent Vingt Pieds, les conteneurs maritimes les plus communs – NDLR). Pas encore consultés par le gouvernement, les acteurs locaux s’interrogent. La présidente du syndicat des agences maritimes au long cours (SYNAGMAR) Maeva Siu, se souvient que deux projets similaires, portés localement, ont déjà échoué ces dernières décennies.

« Je comprends la préoccupation du président de vouloir maîtriser le transport maritime pour que la Polynésie soit moins dépendante, mais c’est un projet irréalisable, parce que cela dépend de choses qui sont très importantes et qui ne sont pas de la compétence du Pays, considère-t-elle. D’une part, il y a l’achat d’un bateau qui est un investissement très conséquent, et d’autre part, il faut organiser tout le transport des conteneurs. C’est là où le bât blesse« .

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« En aucun cas, la compagnie ne pourrait être rentable. Ce serait un gouffre »

Maeva Siu, présidente du syndicat des agences maritimes au long cours (SYNAGMAR)

Actuellement, deux services maritimes composés de partenariats entre différentes compagnies opèrent le transport de marchandises depuis la Nouvelle-Zélande, respectivement tous les 15 et 17 jours. Les marchandises à bord proviennent majoritairement d’Asie, d’Australie et de Nouvelle-Zélande, avec une moyenne de 15 000 conteneurs de 20 pieds par an.

Actuellement, deux services maritimes composés de partenariats entre différentes compagnies opèrent le transport de marchandises depuis la Nouvelle-Zélande, respectivement tous les 15 et 17 jours (Infographie TNTV)

Selon Maeva Siu, le simple fait d’offrir un service à partir de la Nouvelle-Zélande ne garantit pas que des conteneurs soient effectivement chargés à bord. « Il faut bien pouvoir aller les chercher dans les ports à l’étranger, poursuit-elle. Et là, il faut envisager des partenariats avec les grandes compagnies maritimes, des partenariats avec des sociétés de leasing de conteneur ou les acheter. Mais là, c’est hors proportion » . Et la présidente du syndicat d’ajouter : « En aucun cas, la compagnie ne pourrait être rentable. Ce serait un gouffre » .

Une concurrence installée

En cas de pépin, le coût de rapatriement des équipements vides est intégré dans le coût du fret proposé aux importateurs. Celui-ci peut atteindre des « coûts pharamineux » dont le Pays n’a « pas conscience » , prévient Maeva Siu. Si l’objectif de réduction des coûts sur le fret semble difficile pour le syndicat des agences maritimes, c’est aussi parce que les deux services maritimes en place bénéficient d’une économie d’échelle autrement plus avantageuse qu’une compagnie locale.

Mais pour le président du Pays, une marge de manœuvre pour offrir du fret à moindre coût existe. « Dans le cas concret de la Nouvelle-Zélande à Papeete, les « méga carrier » continueront de venir tant qu’ils auront de la demande, parce que le plus gros de leur trafic se trouve aux États-Unis, analyse Moetai Brotherson. Ils passent très proche de la Polynésie, c’est une petite déviation pour eux, on dit qu’on est la cerise sur le gâteau pour ces compagnies. Ils peuvent facilement s’arrêter en Polynésie et proposer un fret très compétitif« .

Reste à faire appliquer la théorie. « Certes (les grandes compagnies) ne sont pas dédiées au petit marché Polynésien, on l’a vu pendant la crise du covid, concède Moetai Brotherson. Mais le fait est qu’elles apportent un service extérieur qui est apprécié par l’économie locale. La concurrence est nécessaire et ces compagnies tirent les services par le haut » .

Un projet « aventureux » , estime le coordinateur du cluster maritime

Invité de notre journal ce jeudi, le coordinateur du cluster maritime en Polynésie Stéphane Renard s’est exprimé sur le projet du Pays, qui nécessite selon lui une « l’expérience » et la consultation de l’ensemble des acteurs du secteur pour tâter le terrain.

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