Un nouveau P-dg et du changement en perspective à Air Moana. Si sa nomination n’a été officialisée que le 6 décembre, Lionel Guérin a déjà posé les bases d’une nouvelle stratégie. Expert de l’aviation, l’ancien directeur général délégué du groupe Air France-KLM, passé par l’Enac (École nationale de l’aviation civile) et l’Ensma (Ecole nationale supérieure de mécanique de d’aérotechnique) n’a pas choisi cette petite compagnie au hasard. Entrepreneur, pilote, ingénieur : passé par toutes les cases du métier, il partage sa vie entre la France et la Polynésie, puisque son épouse est originaire de Raiatea.
« J’ai ma belle-famille là-bas et j’y vais régulièrement », sourit le responsable. Mais si une pointure comme lui a accepté de relever le défi de rentabiliser une petite compagnie à peine sortie de turbulences financières, c’est aussi parce qu’il connaît bien les ATR et qu’il a été convaincu par le potentiel des équipes. « J’ai exploité beaucoup d’ATR dans mon passé, 22 en métropole. Et c’est un bon avion qui est bien adapté aux dessertes. (…) J’ai aussi trouvé des équipes jeunes et très motivées, qui avaient vraiment envie de se battre ». C’est d’ailleurs selon lui le point fort de la compagnie qu’il compte faire monter en puissance sur la partie exploitation et commerciale. « Créer les bonnes alliances avec les compagnies internationales. Créer le bon service client, de bout en bout. Et puis avoir des avions neufs », résume Lionel Guérin.
5 à 6 fréquences de vols pour Raiatea et Bora Bora
Fin 2026, la compagnie aura bien une flotte de trois appareils neufs confirme le responsable. Des ATR 72 600 XT nouvelles générations, moins gourmands en carburant et plus confortables. « Le premier avion neuf arrive en juin 2025 et sera mis en ligne dans le mois. Il va nous permettre de changer complètement notre programme et de l’améliorer », annonce-t-il. À Raiatea et Bora Bora, les fréquences de vols passeront de 3 – 4 à 5 – 6, soit au moins trois allers-retours par jour.
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Il annonce surtout l’ouverture de deux nouvelles destinations à Huahine et Fakarava, passant de 6 à 8 destinations. « De manière à pouvoir organiser des circuits touristiques et d’accompagner les touristes qui viennent nous visiter ».
Les deux autres appareils sont attendus pour juin et septembre 2026. De quoi ouvrir une classe business, son « cœur de cible ». « On aura des sièges confortables, inclinables, avec un espacement différencié. Ce qui nous permettra de travailler ce service clients de bout en bout », poursuit l’ancien dirigeant des compagnies régionales Airlinair et Hop !
Des compagnies aujourd’hui rentables et connues pour leur positionnement premium sur des trajets courts et moyens courriers. L’expérience a donc conforté son intérêt pour la classe business comme levier de rentabilité. « Il y a ceux qui voyagent en économique ou en premium éco et ceux qui voyagent en business. Ceux qui voyagent en business, bien évidemment, on monte les prix, en
contrepartie, ils ont un service amélioré. Ce qui nous permet de ne pas augmenter les prix pour les résidents ».
Une qualité de service qui contribue déjà à l’image de marque de la compagnie selon le dirigeant. « Aujourd’hui, on peut se distinguer d’ores et déjà par rapport à la concurrence sur l’attribution de sièges, sur des trolleys à bord, avec un service amélioré. Et on va continuer à préparer l’été pour un service facilité pour les visiteurs, mais aussi les corporates locaux, qui ont besoin de faire des allers-retours journée ».
Un service client « bout en bout »
Des appareils ATR 72 600 XT, le concurrent historique, Air Tahiti, en a aussi commandés pour se positionner sur le même segment avec le lancement annoncé d’une première classe pour avril 2025. Pas de quoi faire trembler la compagnie bleu ciel qui compte non seulement sur la hausse de la demande, portée par les records de fréquentation touristique, mais qui se positionne aussi plus spécifiquement sur la qualité d’un service client « bout en bout ». « C’est-à-dire, de manière à ce que le parcours visiteur, notamment dans les cabines business qui arrivent, soit facilité, qu’on s’occupe de lui, de son arrivée jusqu’aux dessertes des îles », explique Lionel Guérin. « Et c’est là où la concurrence est bonne parce que ça permet de rentrer en concurrence positive pour les clients ».
Une concurrence qui a démarré justement avec l’arrivée du nouvel opérateur en 2023, point de départ d’une guerre des prix qui a mis les deux compagnies en difficulté. Pour celui qui s’est engagé « à mettre en place une concurrence saine » dans le secteur, « la guerre des prix vient de la surcapacité ». Il faut donc commencer par « éviter de faire voler des avions vides » et « avoir un bon dimensionnement de flotte de part et d’autre, d’Air Tahiti et de la nôtre. Quand Air Moana arrive, si le concurrent met plus d’avions, forcément, il y a une surcapacité. Les transporteurs cherchent alors à remplir les avions, donc ils baissent les prix ».
Confier la maintenance d’Air Moana à Air Tahiti ?
Mais Lionel Guérin imagine aussi des synergies avec son concurrent pour réduire les coûts. Comme lui confier la maintenance de ses appareils aujourd’hui assurée par Sabena technics. « J’espère qu’Air Tahiti puisse entretenir nos avions », résume le responsable. « Ça, c’est une synergie locale. Et puis la concurrence saine, c’est de faire le plus possible pour nos clients, de noter les améliorations. Je crois que c’est d’ores et déjà le cas depuis l’arrivée d’Air Moana. Et ensuite, l’effet positif, c’est qu’il y a une partie de la clientèle qui ne voyageait pas qui va pouvoir voyager. Donc il y a une induction, dans notre jargon, ça fait un peu plus de trafic ».
Persuadé qu’il y a la place pour deux compagnies domestiques, le dirigeant vise l’équilibre d’ici à deux ans avant de passer le flambeau. « Au bout d’un moment, quand vous êtes en monopole complet, vous avez tendance un peu à vous endormir. Vous êtes dans une zone de confort. Donc, c’est bien aussi de réveiller cela pour l’avenir. (…) Mais il ne faut pas faire n’importe quoi. Nous, on s’engage à ne pas vendre à perte, puisque l’objectif d’Air Moana, c’est de rentabiliser Air Moana ».